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Résumé
En bref
Le Conseil d'État, 2ème chambre, par sa décision du 13 mars 2025, a fait droit à la requête de la présidente de l'AFLD en portant à deux ans la durée de l'interdiction prononcée contre Mme B... pour violation des règles antidopage, initialement fixée à dix-huit mois par la commission des sanctions. Le Conseil d'État a censuré la décision de la commission pour erreur de droit et insuffisance de motivation, celle-ci ayant réduit la sanction sans se fonder sur les dispositions légales appropriées de l'article L. 232-23-3-10 du code du sport ni préciser les circonstances justifiant cette réduction au regard du principe de proportionnalité.
En détail
Parties et contexte du litige
La présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a contesté la décision CS 2024-01 du 4 janvier 2024 de la commission des sanctions de l'AFLD qui avait prononcé contre Mme A... B... une interdiction de dix-huit mois pour violation des règles antidopage. L'AFLD demandait au Conseil d'État de porter cette durée à deux ans, estimant que la commission avait mal appliqué les textes en vigueur.
Les faits et la violation constatée
Mme B... a fait l'objet d'un contrôle antidopage le 18 mars 2023 lors des demi-finales des championnats de France de savate boxe française. L'analyse d'urine, confirmée par une contre-expertise demandée par l'intéressée, a révélé la présence de furosémide, une substance de la classe S5 des diurétiques et agents masquant figurant sur la liste des substances interdites en permanence. Cette substance est répertoriée comme "substance spécifiée" par le décret du 16 décembre 2022.
Cadre juridique applicable
Le Conseil d'État rappelle le dispositif légal du code du sport en matière de lutte contre le dopage. Sur le fondement de l'article L. 232-9, la responsabilité objective du sportif est établie dès la présence d'une substance interdite dans son organisme, sans qu'il soit nécessaire de prouver l'intention ou la faute.
L'article L. 232-23-3-3 prévoit que "la durée des mesures de suspension (...) est de deux ans lorsque ce manquement implique une substance ou méthode spécifiée". Cette durée peut être portée à quatre ans en cas d'intention démontrée, ou réduite dans les conditions strictes prévues par l'article L. 232-23-3-10.
Conditions de réduction des sanctions
Le Conseil d'État précise les conditions permettant une réduction de sanction. Selon l'article L. 232-23-3-10, la durée peut être réduite notamment lorsque "la substance interdite détectée (...) provient d'un produit contaminé, et que l'intéressé peut établir son absence de faute ou de négligence significative" ou en cas "d'usage (...) non-intentionnel" sous réserve que le sportif établisse "son absence de faute ou de négligence significative".
Le Conseil rappelle que ces notions sont définies par référence au code mondial antidopage : l'absence de faute ou négligence significative suppose que le sportif démontre qu'il "ignorait, ne soupçonnait pas, ou n'aurait pas pu raisonnablement savoir ou soupçonner, même en faisant preuve de la plus grande vigilance" l'usage de la substance interdite, et qu'il établisse "de quelle manière la substance interdite a pénétré dans son organisme".
Erreurs de la commission des sanctions
Le Conseil d'État censure la décision de la commission des sanctions pour deux motifs cumulatifs :
D'abord une erreur de droit : la commission a réduit la sanction de deux ans à dix-huit mois "sans mentionner les dispositions du II de l'article L. 232-23-3-10 (...) sur le fondement desquelles elle retenait que cette sanction pouvait être réduite". La commission ne pouvait légalement déroger au principe de la sanction de deux ans sans invoquer expressément un des cas de réduction prévus par la loi.
Ensuite une insuffisance de motivation : la commission n'a pas "précisé les circonstances qui le justifiaient en application de ces dispositions". Elle s'est contentée d'évoquer de manière générale "la nature de la substance détectée et (...) la faute de Mme B..., (...) les circonstances qu'elle a invoquées ainsi que (...) les démarches qu'elle a entreprises" sans démontrer concrètement que ces éléments s'inscrivaient dans un cadre légal de réduction.
Décision du Conseil d'État
Le Conseil d'État constate qu'"il ne résulte pas des éléments versés dans le cadre de l'instruction que Mme B... établirait (...) pouvoir bénéficier des 1° ou 3° du II de l'article L. 232-23-3-10". En conséquence, aucune réduction de la sanction légale de deux ans ne pouvait être accordée.
Extrait de la décision :
"En se prononçant ainsi, alors qu'en application du I de l'article L. 232-23-3-3 du code du sport, la durée de la période de suspension (...) est, s'agissant d'une substance spécifiée, de deux ans, sans mentionner les dispositions du II de l'article L. 232-23-3-10 (...) sur le fondement desquelles elle retenait que cette sanction pouvait être réduite, ni préciser les circonstances qui le justifiaient (...), la commission des sanctions a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une insuffisance de motivation."
Points de droit importants et répercussions
La décision confirme le caractère d'ordre public des sanctions antidopage et l'impossibilité pour les commissions de sanctions de s'affranchir des durées légales sans justification textuelle précise. Elle renforce également l'obligation de motivation renforcée des décisions administratives en matière disciplinaire sportive.
Mots clés
Conseil d'État, AFLD, dopage, article L. 232-23-3-3, article L. 232-23-3-10, substance spécifiée, furosémide, durée de suspension, erreur de droit, insuffisance de motivation, principe de proportionnalité, code mondial antidopage, absence de faute significative, réduction de sanction, savate boxe française