498154
Résumé
En bref
Le Conseil d’État (chambres réunies), dans sa décision du 28 mai 2025 (n°498154), annule pour excès de pouvoir la décision du 30 juillet 2024 du conseil fédéral de la Fédération française de cyclisme (FFC) adoptant le cahier des charges de labellisation des équipes dites « Continentale fédérale hommes ». Se fondant sur les articles L. 132-1, R. 132-1, R. 132-9 et R. 132-12 du Code du sport, il juge que l’élaboration des conditions de participation aux compétitions relevant du secteur professionnel, confiée par convention à la Ligue nationale de cyclisme (LNC), requiert une décision conjointe de la FFC et de la LNC. La FFC est condamnée à verser 3 000 € à la LNC au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
En détail
Parties impliquées : La Ligue nationale de cyclisme (LNC), requérante, d’une part, et la Fédération française de cyclisme (FFC), défenderesse, d’autre part. Principaux problèmes juridiques en jeu : Le litige soulève la question du partage de compétences au sein de la gouvernance du cyclisme professionnel français, portant sur la régularité d’une décision fédérale unilatérale relative à la labellisation d’un nouveau type d’équipes, et plus particulièrement sur la nécessité d’une décision conjointe avec la ligue professionnelle concernant les conditions d'organisation des compétitions professionnelles. Question juridique principale : La FFC pouvait-elle adopter unilatéralement un cahier des charges affectant l’organisation des compétitions et la participation d’équipes relevant du secteur professionnel déjà délégué, partiellement, à la LNC, ou une décision conjointe était-elle indispensable selon la convention liant les deux entités et le code du sport ? Exposé du litige, faits et arguments : Le conseil fédéral de la FFC a, le 30 juillet 2024, adopté un cahier des charges pour la labellisation d’équipes dites « Continentale fédérale hommes » composées exclusivement d’amateurs, avec vocation d’enregistrement auprès de l’UCI comme équipes « Continentale UCI », leur permettant la participation à des compétitions de haut niveau. La LNC a saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir, soutenant que cette décision portait atteinte à ses compétences et méconnaissait la répartition conventionnelle et réglementaire prévue par le Code du sport. La FFC plaidait que ces équipes exclusivement amateurs n’entraient pas dans le périmètre du secteur professionnel relevant de la compétence déléguée à la LNC. La LNC soutenait, à l’inverse, que la décision influait, même indirectement, sur l’organisation et la participation des groupes cyclistes professionnels qu’elle a compétence à coordonner, citant l’article 3 de la convention du 24 novembre 2021 : la fixation des conditions de participation aux compétitions professionnelles relève de son domaine réservé. Plan et motivation du Conseil d’État :
- Sur la structure du secteur professionnel et la répartition des compétences : Sur le fondement de l’article L. 132-1 du Code du sport, le Conseil rappelle que les fédérations sportives délégataires peuvent créer une ligue professionnelle avec la mission de gérer, par convention, tout ou partie du secteur professionnel. Les articles R. 132-1, R. 132-9 et R. 132-12 du Code du sport organisent la répartition et l’articulation de ces compétences, prévoyant que les conditions de participation aux compétitions professionnelles doivent être définies, soit par la ligue, soit de façon conjointe avec la fédération, selon les stipulations de la convention. Or, la convention du 24 novembre 2021 précise explicitement que la LNC détient la compétence de fixation des conditions de participation des groupes cyclistes professionnels et que la répartition de compétences ne peut être modifiée unilatéralement par l’une ou l’autre partie.
- Sur la portée de la décision contestée : Le Conseil d’État examine la portée normative de la décision du 30 juillet 2024. Il constate que le cahier des charges pour les « Continentale fédérale hommes », s’il concerne des équipes d’amateurs, vise leur enregistrement en « Continentale UCI » – une division internationale ouverte aux équipes professionnelles comme aux amateurs – et leur participation à des compétitions relevant du secteur professionnel au sens de l’article 1er de la convention. Par conséquent, même si ces équipes sont composées d’amateurs, leur entrée dans les compétitions professionnelles affecte l’équilibre du secteur professionnel et les prérogatives de la LNC sur ces organisations.
- Sur la nécessité d’une décision conjointe et la sanction du procédé unilatéral : Sur le fondement de l’article R. 132-9 du Code du sport, la haute juridiction constate que la convention n’a pas ouvert à la FFC la possibilité d’agir seule pour fixer les conditions de participation des équipes à des compétitions dont l’organisation a été déléguée à la LNC. Dès lors, l’établissement d’un cahier des charges impactant la composition des compétitions professionnelles ne pouvait relever d’une décision unilatérale de la fédération. Il s’ensuit, pour le Conseil, l’illégalité de la délibération litigieuse, rendant inutile l’examen des autres moyens.
Extrait de la décision :
« Si la décision ne concerne ainsi pas des coureurs faisant partie du secteur professionnel au sens du 3° de l'article 1er de la convention, elle fixe néanmoins les conditions de participation à des compétitions dont la gestion a été confiée à la LNC et relève ainsi à la fois de la compétence de la fédération et de celle de la ligue. Son adoption ne pouvait donc, faute pour la convention de le prévoir, procéder d’une décision unilatérale de l’une d’entre elles. Par suite, la LNC est fondée à soutenir que la décision litigieuse est entachée d’illégalité. »
Points de droit importants et répercussions :
L’arrêt :
- Confirme la nécessité d’une coopération effective et loyale entre fédération délégataire et ligue professionnelle, lorsqu’une convention de répartition des compétences existe, proscrivant tout agissement contraire à la lettre de la convention.
- Affirme la portée contraignante des conventions conclues en application des articles R. 132-9 et R. 132-12 du Code du sport, faisant obstacle à toute décision unilatérale portant sur des compétences exercées en commun ou transférées.
- Rappelle que l’impact concret sur le secteur professionnel – même indirect – détermine la compétence exclusive ou partagée de la ligue professionnelle, peu important la nature amateur des équipes concernées si leur participation interfère dans ce secteur.
Enfin, la FFC est condamnée à verser 3 000 € à la LNC au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions réciproques de la FFC étant rejetées, la LNC n’étant pas la partie perdante.
Mots clés
Conseil d’État, excès de pouvoir, Fédération française de cyclisme, Ligue nationale de cyclisme, répartition de compétences, code du sport, article R. 132-9, convention fédération-ligue, labellisation équipes, compétence conjointe