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Résumé
En bref
La Cour d'appel de Lyon a partiellement infirmé le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 27 janvier 2023 dans un litige opposant un avocat mandataire sportif à un joueur de football professionnel. Se fondant sur l'article 6 ter de la loi du 31 décembre 1971 et l'article L. 222-7 du code du sport, la Cour a jugé que l'avocat ne pouvait exercer une activité d'agent sportif et que le contrat ne constituait pas un mandat d'intérêt commun. Elle a également considéré que le mandat était invalide en raison de l'indétermination du débiteur de la rémunération de l'avocat.
La Cour a confirmé le rejet des demandes de l'avocat et augmenté le montant des dommages et intérêts alloués au joueur pour atteinte à son image.
En détail
Les parties impliquées dans cette affaire sont :
- M. [L], avocat mandataire sportif (appelant)
- M. [K] [T], joueur de football professionnel (intimé)
- Club de football (intimé)
Le principal problème juridique concerne la validité et la résiliation d'un contrat de "médiation avocat mandataire sportif - joueur majeur" conclu entre l'avocat et le joueur.
La question juridique principale est de déterminer si ce contrat constituait un mandat d'intérêt commun ne pouvant être résilié unilatéralement, comme le soutenait l'avocat.
La Cour d'appel de Lyon a structuré son raisonnement comme suit :
Sur la demande d'annulation du contrat ou de la clause de durée de celui-ci
La Cour constate que M. [T] n'a pas expressément demandé l'infirmation du jugement sur ce point dans le dispositif de ses conclusions.
En application des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile, la Cour considère donc qu'elle n'est pas saisie de cette demande et maintient le jugement sur ce point.
Sur la validité du mandat et la rémunération de l'avocat mandataire
La Cour a examiné la validité du mandat, notamment en ce qui concerne la rémunération de l'avocat mandataire.
Elle a relevé que :
"Il résulte des dispositions de l'article 10, alinéa 6, de la loi du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 28 mars 2011, que l'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un contrat visé par l'article L. 222-7 ne peut être rémunéré que par son client."
Cependant, la Cour a constaté que le contrat en question ne déterminait pas clairement qui était le débiteur de la rémunération de l'avocat :
"Or, en l'espèce l'article 4 susvisé ne détermine pas qui est le débiteur de la rémunération de l'avocat, qui peut être ainsi son client mais aussi un tiers à la convention, ce qui contrevient au statut impératif de l'avocat et empêche toute exécution du contrat à cet égard, de sorte que les demandes de versement des honoraires formées en application du contrat, sont mal fondées."
Cette indétermination du débiteur de la rémunération a été considérée comme contraire au statut impératif de l'avocat, rendant ainsi le mandat invalide.
Sur la résiliation fautive du contrat
La Cour a rejeté la qualification de mandat d'intérêt commun, malgré les stipulations contractuelles. Elle a fondé son raisonnement sur l'interprétation combinée de l'article 6 ter de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article L. 222-7 du code du sport :
"Il résulte ainsi de l'application de ces deux textes que les avocats, tant à titre principal qu'à titre accessoire, ne peuvent exercer l'activité d'agent sportif."
La Cour a précisé que le rôle de l'avocat mandataire sportif est strictement limité :
"Dès lors, l'avocat ne peut être chargé de la mise en rapport, contre rémunération, des parties intéressées à la conclusion de ces contrats, soit de se livrer à une activité d'entremise entre son client et des tiers. Autrement dit, en vertu de sa seule activité de représentation autorisée, l'avocat ne peut être chargé ou tenu d'apporter à son client des contrats."
En conséquence, la Cour a conclu que :
"Ainsi, au vu de ce qui précède et de l'encadrement de la mission de mandataire qui incombe à l'avocat, il ne participe pas à l'essor de la carrière du sportif qu'il représente. Ainsi, en dépit des stipulations contractuelles susvisées, et étant rappelé qu'il appartient à la juridiction de donner aux stipulations contractuelles leur exacte portée juridique, le statut impératif de l'avocat qui résulte des dispositions rappelées ci-avant ne permet pas de considérer que les parties étaient liées par un contrat d'intérêt commun."
La Cour a donc affirmé que le client de l'avocat dispose d'un droit de rompre unilatéralement le contrat :
"En application de l'article 2004 du code civil et de l'article 13 (et non 10 comme indiqué par erreur par le tribunal) du décret du 12 juillet 2005, alors applicable, le client de l'avocat doit, nonobstant l'existence d'une durée déterminée aux relations, disposer d'un droit de rompre le contrat unilatéralement."
Sur la demande d'indemnisation de M. [T]
La Cour confirme le jugement de première instance sur le principe de l'indemnisation, estimant que M. [L] a porté atteinte à l'image du joueur par son attitude postérieure à la rupture du contrat. Elle augmente cependant le montant des dommages et intérêts de 5 000 à 10 000 euros.
Sur la responsabilité délictuelle de M. [L]
La Cour confirme le rejet de la demande d'indemnisation de M. [L] envers le club de football , considérant qu'en l'absence de résiliation fautive du contrat entre le joueur et l'avocat, aucune violation de cette convention ne peut être reprochée au club.
Mots clés
Mandat d'intérêt commun, Résiliation unilatérale, Avocat mandataire sportif, Agent sportif, Rémunération de l’avocat, Convention de médiation, Article 10 de la loi du 31 décembre 1971, Article 222-7 du Code du Sport, Conflit d'intérêts, Atteinte à l'image, Validité du mandat.