24/01984
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Nîmes, dans son arrêt du 10 février 2025, a infirmé le jugement du Conseil de prud'hommes qui s'était déclaré compétent pour connaître du litige entre Mme K et l'Association Volley Ball. La Cour a jugé que l'absence de lien de subordination caractéristique d'une relation de travail n'était pas établie. Sur le fondement du principe jurisprudentiel selon lequel "l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention", la Cour a estimé que les éléments constitutifs d'un contrat de travail n'étaient pas réunis, notamment l'exercice d'un pouvoir disciplinaire par l'association. La Cour a donc déclaré le Conseil de prud'hommes incompétent ratione materiae et renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Nîmes.
En détail
Cette affaire oppose Madame K, joueuse de volley-ball, à l'Association Volley Ball et à Maître N, mandataire judiciaire de l'association, ainsi qu'à l'Association AGS CGEA en tant que garant des créances salariales.
Le problème juridique principal concerne la qualification de la relation contractuelle entre une joueuse de volley-ball et son club. La question juridique centrale est de déterminer si le "Protocole d'accord Saison 2021-2022" signé entre les parties constitue un contrat de travail caractérisé par un lien de subordination ou s'il s'agit d'un simple engagement sportif bénévole.
Le litige trouve son origine dans la contestation par Mme K de sa rémunération. Selon un document intitulé "Protocole d'accord Saison 2021-2022", l'association proposait à Mme K un poste de passeuse de l'équipe première du club. Se plaignant de ne pas être rémunérée comme convenu, Mme K a saisi le Conseil de prud'hommes de Nîmes pour obtenir la requalification de la relation en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes. Le Conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent, décision contre laquelle l'association a interjeté appel.
La Cour d'appel a examiné les éléments constitutifs d'un contrat de travail, en particulier le lien de subordination. Sur le fondement du principe jurisprudentiel selon lequel "l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs", la Cour a analysé les conditions réelles d'exercice de l'activité de Mme K.
La Cour a d'abord rappelé que le lien de subordination est caractérisé par "l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements". Elle a également précisé que "l'intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant".
Concernant les arguments de Mme K, celle-ci soutenait que le protocole mentionnait tous les critères essentiels d'un contrat de travail : une fonction (joueuse de volley-ball), une durée, et une rémunération (3120 euros nets pour la saison 2021/2022 plus des frais). Elle affirmait devoir se soumettre aux injonctions du club et aux ordres de son entraîneur, respecter un planning et des horaires imposés, tant pour les entraînements que pour les matchs.
L'association, quant à elle, soutenait que le protocole ne mentionnait aucune obligation à la charge de la joueuse au-delà d'un engagement sportif, ne prévoyait aucune sanction en cas de non-respect des engagements, et n'envisageait de règlement financier qu'en remboursement de frais ou suite à la participation à des manifestations.
La Cour a considéré que la participation aux entraînements et aux matchs était "inhérente à toute activité sportive en équipe" et que "l'adhésion à cette discipline étant de l'essence d'un engagement sportif s'exerçant en équipe", ces éléments ne suffisaient pas à démontrer l'existence d'un contrat de travail.
Sur le fondement de l'analyse des modalités de rémunération, la Cour a estimé que "les primes accordées aux joueurs en contrepartie de leur participation aux matches ne constituent pas nécessairement un salaire pour être exonérées de contributions sociales". Elle a relevé que "les primes ainsi versées étaient déconnectées de tout horaire pour n'être versées qu'en raison de la participation de l'intéressée aux manifestations sportives" et que "le paiement forfaitaire de frais ne s'assimile pas davantage au paiement d'une rémunération".
Extrait de la décision
"En tout état de cause, Mme [K] échoue à établir l'exercice par l'association d'un quelconque pouvoir disciplinaire en sorte qu'il n'est pas rapporté l'existence d'un lien de subordination. En effet, Mme [K] ne s'engageait à rien d'autre que de poursuivre selon son bouloir sa participation aux activités du club."
L'élément déterminant dans cette décision est l'absence de pouvoir disciplinaire exercé par l'association, élément essentiel du lien de subordination. La Cour a considéré que Mme K n'avait pas démontré que l'association exerçait un tel pouvoir, ce qui excluait l'existence d'un contrat de travail.
Cette décision a des répercussions importantes sur la qualification juridique des relations entre les clubs sportifs amateurs et leurs joueurs. Elle établit une distinction claire entre un engagement sportif bénévole, même assorti de primes et de remboursements de frais, et un véritable contrat de travail caractérisé par un lien de subordination. Elle souligne également l'importance de l'exercice effectif d'un pouvoir disciplinaire comme critère déterminant du lien de subordination.
Mots clés
Contrat de travail, lien de subordination, pouvoir disciplinaire, sportif amateur, protocole d'accord, primes de manifestation, remboursement de frais, compétence juridictionnelle, requalification, engagement sportif bénévole