22/00850
⬅️ Retour Veille juridique
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Rennes confirme le jugement de première instance déboutant un entraîneur professionnel de sa demande de paiement d'une prime de montée qu'il qualifiait de "prime collective". Se fondant sur une interprétation stricte des articles 1103 et 1104 du Code civil, la Cour juge que la prime litigieuse, bien que versée à plusieurs joueurs, ne revêt pas un caractère collectif. Sa source ne réside pas dans le règlement intérieur – seul document de référence contractuellement désigné pour les primes collectives – mais dans les contrats de travail individuels de chaque joueur. Par conséquent, la clause du contrat de l'entraîneur prévoyant le doublement des primes collectives est jugée inapplicable à cette prime de montée. ➡️ La demande est donc rejetée.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : M. [R] [N], entraîneur professionnel de football (appelant), contre la SASP STADE BRESTOIS 29 (club employeur, intimée).
- Principaux problèmes juridiques : Le litige porte sur la qualification juridique d'une prime de montée en Ligue 1. Il s'agit de déterminer si cette prime doit être considérée comme une prime individuelle ou une prime collective afin d'établir si la clause du contrat de l'entraîneur prévoyant le doublement des primes collectives lui est applicable. L'enjeu est donc l'interprétation des clauses contractuelles relatives à la rémunération variable.
- Question juridique principale : Une prime de montée, dont le versement est prévu dans les contrats de travail individuels de plusieurs joueurs mais qui est absente du règlement intérieur du club, peut-elle être qualifiée de "prime collective" au sens d'une clause contractuelle spécifique qui en prévoirait le doublement au bénéfice de l'entraîneur ?
- Exposé du litige : M. [N] a été l'entraîneur du Stade Brestois 29 jusqu'en juin 2019, date à laquelle le club a accédé à la Ligue 1. Il a perçu sa prime de montée individuelle de 150 000 €, comme stipulé dans son contrat. ❌ Il soutient cependant avoir droit à une somme supplémentaire de 50 000 €, arguant que la prime de montée versée aux joueurs constituait une prime collective et que son contrat prévoyait le doublement de telles primes. ✅ Le club s'y oppose, affirmant que les seules primes collectives existantes sont les primes de match définies dans le règlement intérieur, et que la prime de montée des joueurs découlait de leurs contrats individuels respectifs.
2. ANALYSE DES MOTIFS
La Cour d'appel confirme le raisonnement des premiers juges en procédant à une analyse littérale et combinée des dispositions contractuelles et réglementaires applicables. Le raisonnement de la Cour s'articule autour d'une interprétation stricte de la volonté des parties, matérialisée par les termes du contrat et de ses annexes. Sur le fondement des articles 1103 et 1104 du Code civil, qui consacrent la force obligatoire du contrat et son exécution de bonne foi, la Cour examine la portée des clauses relatives aux primes. 🔍 Elle relève que si l'article 4.1 de l'avenant au contrat de l'entraîneur mentionne un "doublement des primes collectives" de manière générale, l'article 4.2 du même avenant apporte une précision déterminante en liant explicitement la notion de prime collective au règlement intérieur.
"L'article 4.2 de l'avenant au contrat de travail de M. [N] stipulant une prime individuelle de montée en ligue 1 précise que 'cette prime est cumulable avec la prime collective prévue au règlement intérieur'." (MOTIFS)
➡️ Par cette analyse textuelle, la Cour établit un lien de dépendance juridique : pour être qualifiée de collective au sens du contrat, une prime doit trouver sa source dans le règlement intérieur. Toute autre prime, même versée à un ensemble de salariés, ne saurait relever de cette catégorie. La Cour procède ensuite à la vérification du contenu du document de référence. 🔎 L'examen du règlement intérieur du club révèle qu'il ne contient aucune disposition relative à une prime de montée. Les seules primes qui y sont prévues sont celles liées aux résultats des matchs (victoire ou match nul), et il n'est pas contesté que M. [N] a bien perçu le double de ces dernières. L'absence de mention d'une prime de montée dans le règlement intérieur est donc un élément central du raisonnement.
"Le règlement intérieur ne mentionne en son annexe que des primes de match (en cas de victoire ou de match nul)." (MOTIFS)
Cette constatation factuelle a une conséquence juridique dirimante : la prime de montée réclamée ne peut être la "prime collective prévue au règlement intérieur" visée par le contrat, puisqu'elle n'y figure pas. Enfin, la Cour écarte l'argument principal de l'appelant selon lequel le versement de la prime à l'ensemble des joueurs lui conférerait un caractère collectif de fait. ❌ Elle démontre que la source de l'obligation pour le club n'est pas une disposition collective, mais une multitude de stipulations individuelles. En s'appuyant sur l'exemple du contrat d'un joueur, la Cour souligne que la prime de montée y est prévue de manière distincte des primes collectives.
"La prime de montée, dont le montant est stipulé par chacun des contrats de travail, est donc expressément distinguée de la prime collective dont le montant est fixé par le règlement intérieur." (MOTIFS)
Dès lors, la Cour conclut que l'appelant échoue à rapporter la preuve du caractère collectif de la prime revendiquée. La charge de la preuve lui incombait, et l'analyse des pièces démontre que la prime de montée trouve son origine dans des engagements contractuels individualisés et non dans une source réglementaire ou conventionnelle commune.
"C'est vainement que M. [N] se prévaut au soutien de sa demande du versement de cette prime de montée à chacun des joueurs dans la mesure où il ne démontre pas que cette prime de montée était collective, aucune disposition conventionnelle ou réglementaire ne la prévoyant." (MOTIFS)
✅ Il en résulte que la prime de montée n'entre pas dans le champ d'application de la clause de doublement. Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
Extrait principal de la décision : "La prime de montée, dont le montant est stipulé par chacun des contrats de travail, est donc expressément distinguée de la prime collective dont le montant est fixé par le règlement intérieur." (MOTIFS)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Qualification juridique d'une prime : La nature d'une prime (individuelle ou collective) ne dépend pas du nombre de ses bénéficiaires, mais de la source juridique de l'obligation de l'employeur (contrat individuel, accord collectif, règlement intérieur, usage, etc.).
- 🔗 Distinction entre prime individuelle et prime collective : Une prime stipulée dans chaque contrat de travail individuel, même si elle concerne une majorité de salariés, conserve une nature individuelle. La prime collective découle, elle, d'une source unique et commune à tous les bénéficiaires.
- ⚖️ Force obligatoire du contrat : En application de l'article 1103 du Code civil, les termes clairs et précis d'un contrat et de ses annexes s'imposent aux parties. Lorsqu'un contrat définit lui-même le périmètre d'une notion (en l'espèce, en liant la "prime collective" au "règlement intérieur"), cette définition prévaut.
- 👨⚖️ Interprétation stricte des clauses contractuelles : Le juge doit interpréter le contrat en recherchant la commune intention des parties. En l'espèce, le renvoi explicite au règlement intérieur pour définir les primes collectives constitue un critère d'interprétation essentiel qui ne peut être ignoré.
- 📋 Charge de la preuve : Il appartient au salarié qui réclame le paiement d'une prime de démontrer que les conditions d'éligibilité prévues par la source de l'obligation (ici, le contrat de travail) sont réunies.
Mots clés
prime collective, prime individuelle, interprétation du contrat, qualification juridique, règlement intérieur, charge de la preuve, contrat de travail d'entraîneur, Code du sport, force obligatoire, rémunération variable.
NB : 🤖 résumé généré par IA