25/00210
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Résumé
La Cour d'appel de Versailles, saisie d'un litige relatif à une contestation de saisies-attributions, confirme le jugement du juge de l'exécution ayant rejeté les demandes d'un avocat mandataire sportif. La Cour juge que la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel, instaurée par l'article L. 526-22 du code de commerce issu de la loi du 14 février 2022, n'est pas applicable en l'espèce. Elle retient que la créance de restitution des honoraires trouve sa naissance non pas dans la décision de 2023 ordonnant le remboursement, mais dans la décision de 2021 des juridictions portugaises ayant annulé le contrat de mandat. La créance étant née avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, les saisies sur les comptes personnels de l'avocat n'étaient pas illicites. La demande de dommages-intérêts pour abus de saisie est par conséquent rejetée.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : L'appelant est M. [D] [J], un avocat exerçant en qualité de mandataire sportif. L'intimé est M. [F] [U] [C], un footballeur professionnel.
- Problèmes juridiques principaux : Le litige porte sur la légalité de saisies-attributions pratiquées sur les comptes bancaires personnels de l'avocat et sur la qualification d'un éventuel abus de saisie. Le nœud du problème réside dans la détermination de la date de naissance d'une créance de restitution pour l'application dans le temps de la loi protégeant le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel.
- Question juridique principale : ⚖️ La créance de restitution d'honoraires, consécutive à l'annulation judiciaire d'une convention de mandat sportif, naît-elle à la date de la décision de justice ordonnant ladite restitution, ou à la date de la décision prononçant l'annulation du contrat initial, pour déterminer le champ d'application temporel des dispositions de l'article L. 526-22 du code de commerce ?
- Exposé du litige : À la suite de l'annulation d'une convention de mandat par les juridictions portugaises, une décision de la cour d'appel de Versailles du 13 septembre 2023 a condamné l'avocat à restituer des honoraires perçus. En exécution de ce titre, le footballeur a fait pratiquer des saisies-attributions sur les comptes professionnels et personnels de l'avocat. Ce dernier a contesté les saisies sur ses comptes personnels, invoquant la protection issue de la loi du 14 février 2022. Débouté par le juge de l'exécution, il a interjeté appel. Entre-temps, le titre exécutoire a été cassé, les saisies levées et les fonds restitués, mais l'appelant maintient sa demande indemnitaire pour abus de saisie.
2. ANALYSE DES MOTIFS
La Cour d'appel confirme la décision du premier juge en articulant son raisonnement autour de la date de naissance de la créance de restitution afin de déterminer la loi applicable. 🔍 Le raisonnement de la Cour se concentre sur l'analyse de la source de l'obligation de restitution de l'avocat. Il s'agit de déterminer si le fait générateur de la créance est antérieur ou postérieur à l'entrée en vigueur, le 15 mai 2022, de l'article L. 526-22 du code de commerce qui consacre la séparation des patrimoines professionnel et personnel de l'entrepreneur individuel. ❌ L'appelant soutenait que sa dette de restitution était née de l'ordonnance de la cour d'appel de Versailles du 13 septembre 2023. Cette date étant postérieure à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, il en déduisait que son patrimoine personnel était insaisissable pour une dette de nature professionnelle et que les saisies pratiquées sur ses comptes personnels étaient, par conséquent, abusives. ✅ La Cour d'appel écarte cette analyse en opérant une distinction fondamentale entre la décision qui constate une obligation et le fait juridique qui lui donne naissance. Elle juge que l'ordonnance de 2023 n'a pas créé la créance mais s'est bornée à tirer les conséquences juridiques d'une situation préexistante : l'annulation du contrat de mandat sportif par les juridictions portugaises. Sur le fondement du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, la Cour établit que le point de départ de la créance de restitution est la décision de justice qui anéantit le contrat, et non celle qui ordonne matériellement le remboursement. Le syllogisme de la Cour est le suivant :
- Majeure : L'article L. 526-22 du code de commerce ne s'applique qu'aux créances nées après le 15 mai 2022.
- Mineure : La créance de restitution des honoraires versés par M. [C] à Me [J] est née de l'invalidation de la convention de mandat par le jugement du tribunal de Lisbonne du 21 mai 2021, confirmé le 18 novembre 2021.
- Conclusion : La créance étant née avant le 15 mai 2022, elle n'est pas soumise au nouveau régime de protection du patrimoine de l'entrepreneur individuel.
Ce raisonnement est exposé de manière synthétique et décisive dans les motifs :
"Cependant en l'espèce, l'ordonnance du 13 septembre 2023 n'a fait que tirer les conséquences de l'annulation du contrat du 17 novembre 2011 par les juridictions portugaises, seules compétentes pour en connaître. La créance de restitution des acomptes versés à M [J] est née de l'invalidation de la convention par le jugement du 21 mai 2021, confirmé en appel par la décision de la cour d'appel de Lisbonne du 18 novembre 2021. La créance n'est donc pas soumise au régime de protection applicable aux seules créances professionnelles nées après le 15 mai 2022, date d'entrée en vigueur de l'article L526-22 du code civil [lire : de commerce] consacrant la séparation des patrimoines de l'entrepreneur individuel." (Décision, p. 8)
➡️ La portée de ce raisonnement est double. D'une part, il clarifie la notion de naissance de la créance dans le contexte des restitutions consécutives à une annulation de contrat. D'autre part, il en tire la conséquence directe que les saisies sur les comptes personnels de l'avocat n'étaient pas illégales au moment de leur exécution, le patrimoine de ce dernier formant alors un tout unitaire saisissable par ses créanciers, y compris professionnels. Enfin, sur le fondement de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, la Cour juge qu'aucun abus de saisie n'est caractérisé. Elle relève que la mainlevée a été opérée spontanément par le créancier dès la cassation du titre exécutoire. De surcroît, elle constate que l'appelant ne justifie d'aucun préjudice indemnisable qui aurait subsisté après cette mainlevée. Le jugement est donc confirmé sur ce point également.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"La créance de restitution des acomptes versés à M [J] est née de l'invalidation de la convention par le jugement du 21 mai 2021, confirmé en appel par la décision de la cour d'appel de Lisbonne du 18 novembre 2021. La créance n'est donc pas soumise au régime de protection applicable aux seules créances professionnelles nées après le 15 mai 2022 (...)." (Décision, p. 8)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Date de naissance de la créance de restitution : Une créance de restitution, découlant de l'annulation d'un contrat, prend naissance à la date de la décision de justice prononçant cette annulation, qui constitue son fait générateur, et non à la date de la décision ultérieure qui en liquide le montant et en ordonne le paiement.
- 🔗 Application de la loi dans le temps : Le régime de protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel, issu de l'article L. 526-22 du code de commerce, n'a pas d'effet rétroactif. Il ne s'applique qu'aux créances nées postérieurement à son entrée en vigueur (15 mai 2022).
- ⚖️ Appréciation de l'abus de saisie : En vertu de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, l'abus de saisie s'apprécie au regard des circonstances de l'exécution. La cassation ultérieure du titre exécutoire, suivie d'une mainlevée rapide des mesures par le créancier, ne suffit pas à caractériser un abus, la saisie étant légale au moment de sa réalisation.
- 👨⚖️ Compétence résiduelle du juge de l'exécution : Le juge de l'exécution demeure compétent pour statuer sur une demande de dommages-intérêts pour abus de saisie, même après que le créancier a donné une mainlevée volontaire des mesures d'exécution contestées.
Mots clés
Créance de restitution, abus de saisie, patrimoine professionnel, entrepreneur individuel, article L. 526-22 du code de commerce, application de la loi dans le temps, non-rétroactivité, avocat mandataire sportif, saisie-attribution, juge de l'exécution
NB : 🤖 résumé généré par IA