24-12.747
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Résumé
En bref
La Chambre sociale de la Cour de cassation prononce une cassation partielle d'un arrêt de cour d'appel. La cassation est motivée par un double manquement des juges du fond. D'une part, sur le fondement de l'article L. 222-2-4 du code du sport, ils auraient dû vérifier que le terme du contrat à durée déterminée (CDD) spécifique du joueur coïncidait bien avec la date de fin de la saison sportive fixée par la fédération. D'autre part, en vertu de l'article 12.7.2.2.1 de la Convention collective nationale du sport (CCNS), l'indemnité de congés payés aurait dû être calculée sur une base proportionnelle de 12 % (rapport de 36/30e) et non au taux légal de 10 %. ✅ Les demandes du joueur sur ces deux points sont donc accueillies.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : M. [S] [D], joueur de rugby professionnel, opposé à son employeur, l'association Sporting club [Localité 3] Corrèze.
- Problèmes juridiques : L'affaire portait principalement sur la validité de deux contrats de travail successifs, soulevant les questions de la requalification d'un contrat à temps partiel en temps plein, de la requalification d'un CDD spécifique sportif en contrat à durée indéterminée (CDI), et du mode de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés due au sportif.
- Question juridique principale : Un CDD spécifique sportif, conclu en cours de saison, peut-il être requalifié en CDI si son terme ne correspond pas à la fin de la saison sportive officiellement définie par l'autorité fédérale ? Par ailleurs, l'indemnité de congés payés d'un sportif professionnel doit-elle être majorée pour tenir compte des dispositions plus favorables de la CCNS ?
- Exposé du litige : Un joueur de rugby, engagé via deux contrats successifs, a pris acte de la rupture de son second contrat et a saisi la juridiction prud'homale. Il sollicitait notamment la requalification de la relation de travail en CDI, contestant la validité du terme de son second contrat et la conformité de son premier contrat à temps partiel. Il contestait également le montant des indemnités allouées. La cour d'appel de Limoges ayant rejeté l'essentiel de ses prétentions, le joueur a formé un pourvoi en cassation.
2. ANALYSE DES MOTIFS
A. Sur la requalification du second contrat en contrat à durée indéterminée
❌ Le joueur soutenait que son second contrat, courant du 1er août 2020 au 31 mai 2021, ne s'achevait pas au terme de la saison sportive, fixé selon lui au 30 juin 2021 par la Fédération française de rugby. Cette non-conformité aux exigences de l'article L. 222-2-4 du code du sport devait, selon lui, entraîner la requalification de son contrat en CDI. ✅ La Cour de cassation censure le raisonnement des juges d'appel. Elle rappelle que, sur le fondement de l'article L. 222-2-4 du code du sport, un CDD spécifique conclu en cours de saison doit impérativement courir, au minimum, jusqu'au terme de cette saison. Les dates officielles de la saison sont arrêtées par le règlement de la fédération sportive compétente. 👨⚖️ La Cour de cassation reproche à la cour d'appel de ne pas avoir procédé à une vérification essentielle. En effet, les juges du fond ont affirmé que le contrat avait couru jusqu'à la fin de la saison sans rechercher ni constater quelle était la date de fin de saison officiellement fixée par la Fédération française de rugby. 🔍 Cette omission constitue un manque de base légale, car elle empêche la Cour de cassation de contrôler si la loi a été correctement appliquée aux faits de l'espèce.
"En se déterminant ainsi, sans vérifier quelles étaient les dates de début et de fin de la saison sportive arrêtées par le règlement de la fédération sportive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale." (Décision, point 20)
➡️ La cassation est donc prononcée sur ce point. Il appartiendra à la cour d'appel de renvoi de vérifier la date de fin de la saison sportive 2020/2021 pour statuer sur la demande de requalification en CDI.
B. Sur le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés
❌ L'arrêt d'appel avait alloué au joueur une indemnité de congés payés correspondant à 10 % des rappels de salaire et de l'indemnité de préavis, appliquant la règle de droit commun issue du Code du travail. ✅ La Cour de cassation accueille le moyen du joueur et casse la décision sur ce point. Le raisonnement de la Haute Juridiction s'articule en deux temps. ⚖️ Elle combine d'abord la règle générale de l'article L. 3141-24, I, du code du travail (indemnité égale au dixième de la rémunération brute) avec la disposition spéciale de l'article 12.7.2.2.1 de la CCNS, qui octroie aux sportifs un droit à 36 jours ouvrables de congés payés par an, au lieu des 30 jours légaux. Elle en déduit que, pour garantir au salarié le régime le plus favorable, l'indemnité doit être calculée proportionnellement à la durée de congé effectivement due, qui est plus longue que la durée légale. 🔗 Cette règle de proportionnalité impose un calcul spécifique : l'indemnité ne doit pas être de 10 % (soit 30/300e), mais doit être ajustée sur la base d'un rapport de 36/30e.
"En statuant ainsi, alors que les dispositions conventionnelles, en prévoyant une durée de congé payé de trente-six jours ouvrables, obligent l'employeur, pour permettre à chaque salarié de bénéficier de l'indemnisation la plus favorable prévue à l'article L. 3141-24, I, du code du travail, à calculer l'indemnité de congé payé sur la base du rapport 36/30e, la cour d'appel, qui n'a pas appliqué la règle proportionnelle, a violé le texte susvisé." (Décision, point 27)
➡️ Par conséquent, le montant de l'indemnité de congés payés pour un sportif professionnel relevant de la CCNS doit être calculé sur la base de 12 % de la rémunération brute totale (10 % x 36/30). En appliquant un taux de 10 %, la cour d'appel a violé la loi.
C. Sur la demande de requalification du premier contrat à temps partiel
❌ Le joueur arguait que son premier contrat à temps partiel devait être requalifié en contrat à temps plein, car il ne mentionnait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. ✅ La Cour de cassation rejette ce moyen. Sur le fondement de l'article L. 3123-6 du code du travail, elle précise le formalisme applicable. La Haute Juridiction énonce clairement que lorsque le contrat de travail à temps partiel prévoit une durée du travail mensuelle, la loi n'impose pas de mentionner en sus la répartition de cette durée entre les jours de la semaine.
"Ce texte n'exige pas, lorsque le contrat prévoit une durée du travail mensuelle, que soit précisée la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine." (Décision, point 8)
➡️ Ayant constaté que le contrat mentionnait une durée mensuelle de 130 heures et précisait que sa répartition dépendrait du programme des matchs et des entraînements, la cour d'appel a donc jugé à bon droit que les prescriptions légales étaient respectées. Le pourvoi est rejeté sur ce point.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"[...] les dispositions conventionnelles, en prévoyant une durée de congé payé de trente-six jours ouvrables, obligent l'employeur, pour permettre à chaque salarié de bénéficier de l'indemnisation la plus favorable prévue à l'article L. 3141-24, I, du code du travail, à calculer l'indemnité de congé payé sur la base du rapport 36/30e [...]" (Point 27 de la décision)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Validité du CDD spécifique sportif : Le contrat à durée déterminée spécifique, lorsqu'il est conclu en cours de saison, doit impérativement s'achever au terme de la saison sportive, sous peine de requalification en CDI.
- 👨⚖️ Office du juge du fond : Pour apprécier la validité du terme d'un CDD sportif, le juge a l'obligation de vérifier activement les dates officielles de la saison sportive arrêtées par le règlement de la fédération concernée. Ne pas le faire constitue un manque de base légale.
- ⚖️ Articulation des normes : Les dispositions d'une convention collective plus favorables au salarié relatives à la durée des congés payés priment sur la loi et doivent être pleinement appliquées pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés.
- 🔗 Règle de calcul proportionnel de l'indemnité de congés payés : En application de la CCNS, qui prévoit un droit à 36 jours de congés, l'indemnité doit être calculée sur la base d'un rapport de 36/30e de la règle légale du dixième, correspondant à un taux de 12 % de la rémunération brute.
Mots clés
CDD spécifique sportif, Requalification, Contrat de travail sportif, Saison sportive, Terme du contrat, Office du juge, Manque de base légale, Indemnité compensatrice de congés payés, Convention collective nationale du sport (CCNS), Règle de calcul proportionnel
NB : 🤖 résumé généré par IA