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Résumé
En bref
Le Tribunal administratif de Paris a suspendu l’exécution de la décision de la commission supérieure d’appel de la Fédération française de football confirmant une sanction de trois ans de suspension ferme à l’encontre d’un entraîneur, M. B. Se fondant sur l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, le juge des référés a retenu l’urgence en raison de l’atteinte grave et immédiate à la situation professionnelle et financière du requérant. Il a également estimé qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de la sanction, en raison de la méconnaissance du droit de se taire de l’intéressé durant la procédure et du caractère potentiellement disproportionné de la sanction.
En détail
Les parties en présence sont M. A B, entraîneur de football, requérant représenté par Me Douard, et la Fédération française de football (FFF), défenderesse représentée par le cabinet Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix.
Principaux enjeux juridiques
Le litige porte sur la légalité d’une sanction disciplinaire de suspension. Les questions juridiques centrales soulevées par le requérant et examinées par le juge sont la régularité de la procédure disciplinaire, notamment au regard du droit de se taire, et la proportionnalité de la sanction infligée.
Exposé du litige
M. B a fait l’objet d’une sanction de trois ans de suspension ferme pour son comportement lors d’un match auquel il assistait en tant que spectateur. Cette sanction, prononcée par la commission régionale de discipline le 22 janvier 2025, a été confirmée en appel par la FFF le 1er avril 2025. Le requérant soutient que cette décision compromet gravement sa carrière, ayant entraîné la fin de son contrat avec le Red Star FC en janvier 2025 et faisant obstacle à une offre d’emploi concrète, conditionnée à la levée de la sanction avant le 24 août 2025.
Motivation du Tribunal – L’urgence
Sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, le juge des référés doit vérifier si la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant. En l’espèce, le tribunal constate que l’activité d’entraîneur constitue la source de revenus principale, voire exclusive, de M. B. La sanction le place dans une situation de précarité financière et professionnelle, le privant d'une perspective de recrutement immédiate. Face à l’argument de la FFF invoquant l’intérêt public de prévenir la réitération de tels actes, le juge estime que le risque de récidive n’est pas suffisamment caractérisé, M. B n’ayant pas d’antécédent de cette gravité. De plus, les circonstances exactes de l’altercation à l’origine de la sanction ne sont pas clairement établies. La condition d’urgence est donc jugée remplie.
Motivation du Tribunal – Le doute sérieux quant à la légalité de la décision
Le juge a identifié deux moyens de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la sanction.
Premièrement, sur le fondement de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui consacre le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Ce droit s’applique à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Le tribunal relève que M. B a été invité à produire un rapport circonstancié sur les faits sans avoir été préalablement informé de son droit de garder le silence. Or, c’est dans ce rapport qu’il a révélé l’altercation avec un dirigeant adverse, élément non mentionné par le rapport arbitral initial et qui a été déterminant dans le prononcé de la sanction. Le fait qu'il ait été informé de ce droit ultérieurement ne suffit pas à régulariser la procédure.
Deuxièmement, le juge considère que le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction soulève également un doute sérieux. Bien que les faits de violence soient établis, les circonstances exactes de l’altercation restent floues, ce qui empêche une juste appréciation de la gravité de la faute. Les autres manquements reprochés (interpellations des arbitres) étant de moindre gravité, une sanction de trois ans de suspension ferme apparaît, en l'état de l'instruction, potentiellement disproportionnée.
Extrait de la décision
"Dans ces conditions, M. B justifie d'une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation justifiant l'intervention des juges du référé, sans qu'un intérêt public y fasse obstacle. Par suite, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie."
Points de droit importants et répercussions
- La décision réaffirme l’application du droit de se taire, découlant de l’article 9 de la DDHC, aux procédures disciplinaires sportives et l’obligation d’en informer la personne poursuivie.
- Elle illustre une appréciation concrète et circonstanciée de la condition d’urgence en référé-suspension, où la précarisation professionnelle et la perte d'une chance d'emploi sont jugées déterminantes.
- Elle rappelle la nécessité pour les instances disciplinaires de fonder leurs sanctions sur des faits clairement établis et de respecter le principe de proportionnalité de la sanction.
Mots clés
Juge des référés, urgence, suspension de décision, droit de se taire, procédure disciplinaire, disproportion de la sanction, article L. 521-1 du Code de justice administrative, article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, gravité des faits, Fédération française de football