C-650_22
Résumé
En bref
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt majeur concernant certaines règles de la FIFA relatives aux transferts internationaux de footballeurs professionnels. La Cour a jugé que ces règles sont contraires au droit de l'Union européenne, notamment à l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatif à la libre circulation des travailleurs et à l'article 101 TFUE concernant les règles de concurrence. La CJUE a estimé que ces règles "entravent la liberté de circulation des joueurs et restreignent la concurrence entre les clubs" (extrait du communiqué).
En détail
Contexte de l'affaire
L'affaire opposait un ancien joueur de football professionnel, BZ, résidant en France, à la FIFA. BZ contestait certaines règles du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) de la FIFA, estimant qu'elles avaient entravé son engagement par un club de football belge.
Principales règles contestées
Les règles contestées concernaient :
- La responsabilité solidaire et conjointe du joueur et du nouveau club pour le paiement d'une indemnité à l'ancien club en cas de rupture de contrat sans juste cause.
- Les sanctions sportives encourues par le nouveau club, notamment l'interdiction d'enregistrer de nouveaux joueurs.
- L'interdiction de délivrer le certificat international de transfert (CIT) en cas de litige lié à la rupture du contrat.
Analyse de la Cour
Champ d'application du droit de l'UE
La CJUE a d'abord rappelé que ces règles relèvent du champ d'application des articles 45 et 101 TFUE, car elles ont "une incidence directe sur le travail des joueurs" et "sur les conditions d'exercice de cette activité économique ainsi que sur la concurrence entre les clubs de football professionnel" (extrait de l'arrêt).
Entrave à la libre circulation des travailleurs (Article 45 TFUE)
La Cour a jugé que ces règles constituent une entrave à la libre circulation des travailleurs. Elle a estimé que cet ensemble de règles "est susceptible de défavoriser les joueurs de football professionnel qui ont leur résidence ou leur lieu de travail dans leur État membre d'origine et qui souhaitent exercer leur activité économique pour le compte d'un nouveau club établi sur le territoire d'un autre État membre" (extrait de l'arrêt).
Justification de l'entrave
La Cour a reconnu que l'objectif "consistant à assurer la régularité des compétitions sportives constitue un objectif légitime d'intérêt général qui peut être poursuivi par une association sportive" (extrait de l'arrêt).
Cependant, elle a considéré que les règles en question vont "au-delà, voire, pour certaines, très au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif" (extrait de l'arrêt).
Restriction de la concurrence (Article 101 TFUE)
Concernant l'article 101 TFUE (règles de concurrence), la Cour a jugé que les règles en cause "constituent une décision d'association d'entreprises qui est interdite et qui ne peut bénéficier d'une exemption au titre de cette disposition que s'il est démontré, au moyen d'arguments et d'éléments de preuve convaincants, que toutes les conditions requises à cette fin sont remplies" (extrait du résumé).
Conclusion de la Cour
La CJUE a conclu que "les règles précitées du RSTJ constituent une décision d'association d'entreprises qui est interdite et qui ne peut bénéficier d'une exemption au titre de cette disposition que s'il est démontré, au moyen d'arguments et d'éléments de preuve convaincants, que toutes les conditions requises à cette fin sont remplies" (extrait de l'arrêt).
En conclusion, la CJUE a estimé que "certaines des règles de la FIFA relatives aux transferts internationaux de footballeurs professionnels sont contraires au droit de l'Union" (extrait du communiqué). Cette décision pourrait avoir des implications majeures sur le système de transfert dans le football professionnel européen.
Extrait de la décision :
"Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question préjudicielle, en tant qu'elle porte sur l'interprétation de l'article 45 TFUE, que cet article doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des règles qui ont été adoptées par une association de droit privé ayant pour buts, notamment, de réglementer, d'organiser ainsi que de contrôler le football au niveau mondial, et qui prévoient :– premièrement, qu’un joueur professionnel partie à un contrat de travail, auquel est imputée une rupture sans juste cause de ce contrat, et le nouveau club qui l’engage à la suite de cette rupture sont solidairement et conjointement responsables du paiement d’une indemnité due à l’ancien club pour lequel ce joueur travaillait et devant être fixée sur la base de critères tantôt imprécis ou discrétionnaires, tantôt dépourvus de lien objectif avec la relation de travail concernée et tantôt disproportionnés ;
– deuxièmement, que, dans le cas où l’engagement du joueur professionnel intervient pendant une période protégée en vertu du contrat de travail qui a été rompu, le nouveau club encourt une sanction sportive consistant en une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant une période déterminée, sauf s’il démontre qu’il n’a pas incité ce joueur à rompre ce contrat, et
– troisièmement, que l’existence d’un litige lié à cette rupture de contrat fait obstacle à ce que l’association nationale de football dont est membre l’ancien club délivre le CIT nécessaire à l’enregistrement du joueur auprès du nouveau club, avec pour conséquence que ce joueur ne peut pas participer à des compétitions de football pour le compte de ce nouveau club,
à moins qu’il ne soit établi que ces règles, telles qu’interprétées et appliquées sur le territoire de l’Union, ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire à la poursuite de l’objectif consistant à assurer la régularité des compétitions de football interclubs, en maintenant un certain degré de stabilité dans les effectifs des clubs de football professionnel.”
Points de droit importants et répercussions :
Cette décision remet en cause des aspects importants du système de transferts de la FIFA. Elle impose à la FIFA de revoir ses règles pour les rendre plus proportionnées et moins restrictives. Cela pourrait avoir des répercussions majeures sur le marché des transferts et la mobilité des joueurs en Europe. La Cour reconnaît la spécificité du sport mais affirme que celle-ci ne peut justifier des atteintes disproportionnées aux libertés fondamentales et aux règles de concurrence garanties par le droit de l'UE. Cette décision s'inscrit dans la lignée de l'arrêt Bosman de 1995 et renforce l'encadrement des règles sportives par le droit de l'UE.
Mots clés
FIFA, transferts de joueurs, libre circulation des travailleurs, droit de la concurrence, indemnités de rupture de contrat, certificat international de transfert, proportionnalité, spécificité du sport.