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Résumé
En bref
Le Conseil d'État, statuant sur requête de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), réforme la décision de relaxe prononcée par la commission des sanctions de l’AFLD contre M. A... B..., sportif contrôlé positif à des glucocorticoïdes lors d’une compétition de kickboxing. Se fondant essentiellement sur les articles L. 232-9, L. 232-21, L. 232-23, L. 232-23-3-3 et L. 232-23-3-10 du code du sport, la haute juridiction retient l'absence de diligence du sportif et, tout en reconnaissant l’absence de faute intentionnelle, prononce une sanction d’interdiction de compétition de douze mois, l’annulation des résultats obtenus entre le 18 février et le 20 novembre 2023, et la publication de la décision.
En détail
1. Parties impliquées
- Requérante : Présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)
- Défendeur : M. C... A... B..., sportif professionnel de kickboxing
2. Chronologie des faits
- 18-19 février 2023 : Contrôle antidopage de M. B... lors de la "Stars Night" à Vitrolles ; les analyses révèlent la présence de prednisolone et prednisone.
- 20 novembre 2023 : Refus par l’AFLD de la demande d’autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) rétroactive sollicité par le sportif.
- 4 septembre 2024 : La commission des sanctions de l’AFLD relaxe M. B... des poursuites et annule ses résultats pour la journée du 18 février 2023.
- 17 octobre 2024 : Dépôt du recours de l’AFLD devant le Conseil d’État.
- 10 juillet 2025 : Décision du Conseil d’État (objet de ce résumé).
3. Questions juridiques posées
- Le refus de l’autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) fait-il obstacle à la prise en compte des justifications médicales, pour apprécier l’absence de faute ou de négligence ?
- Les conditions d’application de l’exonération de sanction ou de réduction de la durée de la suspension en matière de dopage étaient-elles réunies en l’espèce ?
- La commission des sanctions de l’AFLD a-t-elle méconnu son office en relaxant le sportif au vu des justifications médicales ?
- Quelles conséquences (nature et durée de la sanction, annulation de résultats, publication) le Conseil d'État tire-t-il des faits et du cadre juridique applicable ?
3.1 Prise en compte des justifications médicales malgré le refus d’AUT
- Cadre juridique : Article L. 232-2 et L. 232-2-1 du code du sport.
- Faits pertinents : M. B... s’est vu refuser une AUT rétroactive pour un traitement à base de Solupred, prescrit médicalement.
- Raisonnement juridique : Le Conseil d’État juge que la commission des sanctions ne peut remettre en cause le refus d’AUT pour écarter l’infraction, mais peut tenir compte des justifications médicales pour apprécier la faute ou réduire/écarter la sanction (« ni les dispositions de l'article L. 232-9, ni aucune autre du code du sport ne font obstacle à ce qu'elle tienne compte des justifications médicales invoquées par le sportif… »).
- Extrait de la décision :
« ni les dispositions de l'article L. 232-9, ni aucune autre du code du sport ne font obstacle à ce qu'elle tienne compte des justifications médicales invoquées par le sportif de nature à établir, pour l'application des dispositions de l'article L. 232-23-3-10, qu'il n'a pas commis de faute ou de négligence ou à justifier une réduction de la durée de la période de suspension ou une dispense de sanction. »
3.2 Conditions d’exonération ou de réduction de sanction
- Cadre juridique : L. 232-9, L. 232-23-3-3 et L. 232-23-3-10 du code du sport ; définissant absence de faute, absence de faute ou négligence significative (références au code mondial antidopage).
- Faits pertinents : La prednisolone détectée provenait d’un médicament prescrit ; le sportif avait informé son médecin de son statut sportif mais n’a pris aucune diligence quant au caractère dopant de la substance.
- Raisonnement juridique : Le Conseil d’État considère que si l’origine médicamenteuse de la substance est établie, l’absence de diligence d’un sportif de haut niveau empêche de caractériser l'absence de faute ou de négligence. Cependant, la possibilité d’une réduction de peine peut être appréciée au prisme du principe de proportionnalité.
- Extrait de la décision :
« le requérant, qui est un sportif expérimenté évoluant à haut niveau, n'a effectué aucune diligence pour s'assurer de l'innocuité de son traitement médical. »
3.3 Appréciation du rôle de la commission des sanctions
- Cadre juridique : Articulation entre les compétences de la commission et le contrôle du Conseil d'État, et leur office quant à la prise en compte d’un refus d’AUT.
- Faits pertinents : La commission avait fondé la relaxe sur le fait que le sportif avait suivi sa prescription et n’avait reçu aucune information antidopage.
- Raisonnement juridique : Le Conseil d'État confirme partiellement l’analyse de la commission sur la prise en compte des circonstances mais estime que l’absence de diligence exclut la possibilité de relaxe même en présence de circonstances atténuantes.
- Extrait de la décision :
« il ressort de l'instruction que le requérant, qui est un sportif expérimenté évoluant à haut niveau, n'a effectué aucune diligence pour s'assurer de l'innocuité de son traitement médical. »
3.4 Conséquences en matière de sanction, annulation des résultats et publication
- Cadre juridique : L. 232-21, L. 232-23, L. 232-23-5, L. 232-23-6 du code du sport.
- Faits pertinents : Manquement établi, absence de diligence, influence possible du médicament sur la performance.
- Raisonnement juridique : Le Conseil d'État, au nom du principe de proportionnalité, prononce une suspension réduite à 12 mois au lieu de 20 mois, ordonne l’annulation des résultats du sportif du jour du contrôle au refus d’AUT, ainsi que la publication de la sanction sur le site de l’AFLD.
- Extrait de la décision :
« il y a lieu, en application du dernier alinéa du II de l'article L. 232-23-3-10 du code du sport et au regard du principe de proportionnalité, de prononcer à l'encontre de M. A... B... une sanction d'interdiction, pendant une durée de douze mois [...] »
Citation principale de la décision
Extrait de la décision :
« il y a lieu, en application du dernier alinéa du II de l'article L. 232-23-3-10 du code du sport et au regard du principe de proportionnalité, de prononcer à l'encontre de M. A... B... une sanction d'interdiction, pendant une durée de douze mois à compter de la date de notification de la présente décision... »
Points de droit importants et répercussions
- Confirme la portée résiduelle de la relaxe pour dopage lorsque le sportif n’a manifesté aucune diligence, même en présence d’une prescription médicale.
- Précise la marge d’appréciation de la commission pour tenir compte des justifications médicales malgré un refus d’AUT.
- Affirme l’application rigoureuse et nuancée du principe de proportionnalité dans la détermination des sanctions.
Mots clés
dopage, absence de faute, absence de diligence, code du sport, sanction disciplinaire, principe de proportionnalité, autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT), commission des sanctions, annulation des résultats, Conseil d’État