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Résumé
En bref
Le Conseil d'État, statuant en formation de chambres réunies, réforme la décision de la commission des sanctions de l’AFLD ayant relaxé M. A... d’une infraction pour dopage (présence d’une substance spécifiée interdite dans les urines), en se fondant principalement sur les dispositions des articles L. 232-9, L. 232-23, L. 232-23-3-3 et L. 232-23-3-10 du Code du sport. S’il admet que le principe de proportionnalité permet de réduire la sanction même en cas de refus d’une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques, il juge qu’en l’espèce les diligences accomplies par le sportif ne sauraient l’exonérer totalement de sanction. Il prononce une suspension de trois mois à l’encontre de M. A....
En détail
Les parties : L’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), demanderesse, sollicite du Conseil d’État l’annulation de la décision CS 2024-29 du 28 mai 2024 par laquelle la commission des sanctions de l’AFLD a relaxé M. B... A..., joueur professionnel de rugby (Béziers), des poursuites pour violation des règles antidopage et demande, à titre principal, une suspension de dix-huit mois. Principaux problèmes juridiques : Deux questions sont posées. D’une part, la possibilité pour la commission des sanctions de dispenser de toute sanction un sportif ayant contrevenu à l’article L. 232-9 du Code du sport malgré un refus d’autorisation pour usage thérapeutique ; d’autre part, l’étendue de l’appréciation des circonstances propres à chaque espèce, à la lumière du principe de proportionnalité (article 8 de la Déclaration de 1789). Question juridique principale : En présence de circonstances particulières et d’une demande d’autorisation d’usage à des fins thérapeutiques rejetée, la commission des sanctions peut-elle dispenser totalement de sanction un sportif en cas de dopage avéré impliquant une substance spécifiée ? Exposé du litige, faits et arguments des parties : Le 18 août 2023, lors d’un contrôle antidopage en compétition, il est constaté la présence de méthylprednisolone, classée S9 (glucocorticoïde) sur la liste des substances interdites, dans les urines de M. A.... La commission des sanctions estime caractérisée la violation, mais considère, eu égard aux circonstances (prescription par le médecin du club, bonne foi du joueur, substitution par le pharmacien), que l’absence de volonté délictueuse et les diligences du sportif autorisent, sur le fondement de l’article L. 232-23-3-10 (dernier alinéa du II), une dispense totale de sanction. L’AFLD conteste, arguant d’une erreur de droit, notamment en l’absence d’AUT et de démonstration d’une absence totale de faute. Analyse des motifs – raisonnement du Conseil d’État
Sur le cadre légal des sanctions disciplinaires (articles L. 232-9 à L. 232-23-3-10 du Code du sport) : Le Conseil d’État réaffirme la présomption objective de violation (présence avérée d’une substance interdite ; article L. 232-9), l’existence d’une échelle de sanctions modulable en fonction de la gravité de la faute (articles L. 232-23, L. 232-23-3-3) et rappelle que le principe de nécessité et de proportionnalité des peines, émanant de l’article 8 de la Déclaration de 1789, impose une application individualisée de la sanction, tenant compte de circonstances propres et permettant, dans des cas exceptionnels, de réduire, voire d’exonérer de toute sanction (dernier alinéa du II de l’article L. 232-23-3-10).
Sur l’absence de faute significative et la portée du refus d’AUT : Le Conseil d’État précise que la commission ne saurait remettre en cause un refus d’AUT mais peut tenir compte, pour la détermination de la sanction, des justifications médicales et des comportements du sportif (article L. 232-23-3-10). Toutefois, il souligne que le cumul des circonstances de l’espèce (origine de la prescription, ignorance de l’interdiction, tentative de régularisation tardive, absence de recherche d’alternative médicamenteuse) révèle l’existence d’une négligence non négligeable excluant la dispense totale de sanction.
Sur l’application du principe de proportionnalité à l’espèce : Le Conseil relève que si la bonne foi, la consultation du médecin du club et la nature du traitement pouvaient justifier une réduction notable de la sanction légale (deux ans, selon l’article L. 232-23-3-3), ils ne sauraient aboutir à une relaxe. Il juge que le sportif, professionnel aguerri, devait faire preuve d’une vigilance et d’une diligence accrues – “il ne saurait être admis qu’un sportif professionnel, informé de la réglementation antidopage, s’abstienne de rechercher des alternatives aux substances interdites ou d’accomplir promptement les démarches d’AUT”.
Extrait de la décision :
« Si les circonstances particulières de l'espèce (…) étaient de nature à justifier, au regard du principe de proportionnalité, une réduction de la durée de la période de suspension (…) elles ne pouvaient conduire à dispenser de toute sanction l'intéressé, sportif professionnel qui (…) a pris une substance qu'il savait interdite sans rechercher d'alternatives médicales (…) ni accomplir les diligences utiles pour s'assurer du dépôt le plus tôt possible à compter de la prescription médicale d'une demande d'autorisation d'usage à des fins thérapeutiques. »
Portée de la décision : Le Conseil d’État consacre le pouvoir de modulation de la sanction en matière de dopage au regard du principe de proportionnalité, même en cas de rejet d’une AUT, et confirme la possibilité de tenir compte de la bonne foi et des circonstances médicales invoquées ; mais il érige en limite la nécessaire vigilance des sportifs de haut niveau face à la réglementation antidopage, écartant la dispense totale en présence de diligence insuffisante.
Mots clés
AFLD, sanction disciplinaire, dopage, substance spécifiée, proportionnalité, absence de faute significative, autorisation d’usage thérapeutique (AUT), article L. 232-9 du Code du sport, commission des sanctions, nécessité des peines