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Résumé
En bref
Le Conseil d'État (Chambres réunies), le 1er juillet 2025, annule partiellement l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles, en jugeant que celle-ci a commis une erreur de droit en ne retenant pas que la suspension conservatoire des agréments de M. A. B. par France Galop pouvait être fondée sur le motif tiré du risque pour la sécurité des personnels mineurs intervenant dans la filière, au regard des faits reprochés à l’intéressé (agressions sexuelles sur mineurs), sur le fondement de l’article 216 du code des courses au galop. L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel sur ce point.
En détail
Les parties à la présente instance sont l’association France Galop, société mère chargée de l’organisation des courses hippiques, et M. C... A... B..., titulaire d’agréments en diverses qualités pour l’exercice d’activités dans la filière des courses au galop. France Galop avait par trois décisions successives suspendu les agréments de M. A... B..., en s’appuyant sur des faits d’agressions sexuelles présumées sur mineurs dont il faisait l’objet, révélés par voie de presse et objet de procédures civiles et pénales.
Le principal problème juridique réside dans l’interprétation de l’article 216 du code des courses au galop, lequel permet la prise de « mesures conservatoires », notamment la suspension des agréments, en cas de poursuites pénales relative à des faits susceptibles de porter atteinte à l’image des courses et d’affecter leur sécurité, en particulier la sécurité des mineurs.
M. A... B... avait obtenu devant le tribunal administratif puis devant la cour administrative d’appel l’annulation de ces mesures conservatoires, celles-ci ayant retenu que les conditions de « poursuites pénales » n’étaient pas réunies, et que les faits à l’origine des décisions ne caractérisaient pas une menace directe pour la sécurité de la filière. L’association France Galop s’est pourvue en cassation, soutenant que la suspension pouvait aussi être justifiée indépendamment de la mise en mouvement de l’action publique, par le risque avéré sur la sécurité des mineurs. Sur le fondement de l’article 216 du code des courses au galop et de l’article 12 du décret n° 97-456 du 5 mai 1997, le Conseil d’État rappelle d’abord que la suspension peut reposer, indépendamment de la mise en œuvre de l’action pénale, sur le constat d’un risque grave pour la sécurité de la filière, laquelle inclut la protection des mineurs, compte tenu du rôle de service public exercé par France Galop. Il précise ainsi que « la sécurité des courses » comprend la sécurité des personnes (notamment mineures) intervenant dans les activités concernées (exploitation, entraînement, etc.), conformément à l’esprit du décret précité et du décret n° 2010-1314 du 2 novembre 2010. Le Conseil d’État censure dès lors le raisonnement de la cour administrative d’appel de Versailles, considérant qu’en jugeant que les faits d’agression sexuelle reprochés à M. A... B..., même s’ils ne donnaient pas lieu à des poursuites pénales effectives à la date des décisions, ne pouvaient constituer un motif suffisant de suspension à raison de la sécurité des personnels mineurs, elle a commis une erreur de droit et de qualification juridique des faits. Sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le Conseil d’État rejette toutefois les demandes de frais. Extrait de la décision :
« La sécurité des courses, dont la société France Galop est responsable dans le cadre de sa mission de service public, comprend la protection des mineurs intervenant dans la filière, de sorte que des faits d'agression sexuelle imputés à un titulaire d'agréments justifient légalement une mesure conservatoire de suspension, indépendamment de la mise en mouvement de l'action publique. »
Ce faisant, la décision du Conseil d’État rappelle avec force la dimension préventive du pouvoir de suspension, l’étendue de la mission de service public des sociétés mères de courses hippiques et la nécessité d’assurer une protection efficace des mineurs dans l’écosystème sportif, indépendamment du degré d’avancement des procédures pénales. La portée de la décision est notable, car elle conforte l’autonomie d’action des instances disciplinaires sportives dans le domaine des mesures conservatoires et clarifie les conditions de leur déclenchement.
Mots clés
Conseil d'État, mesures conservatoires, suspension d’agrément, article 216 code des courses au galop, sécurité des mineurs, mission de service public, sociétés de courses hippiques, absence de poursuites pénales, protection des personnels, qualification juridique des faits