23DA01803
Résumé
En bref
La Cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête de M. B... visant l'annulation de deux arrêtés préfectoraux lui interdisant l'encadrement sportif, d'abord provisoirement, puis pour trois ans. La Cour écarte tous les moyens invoqués, relevant la conformité de la procédure et de la motivation à l'article L. 212-13 du Code du sport et aux exigences du Code des relations entre le public et l'administration, et considère que la matérialité des faits reprochés est établie, justifiant la mesure de police administrative prononcée.
En détail
Les parties impliquées sont d’une part, M. A... B..., encadrant sportif bénévole à l’ASRUC, et d’autre part, la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
L’objet du litige porte sur deux arrêtés du préfet de la Seine-Maritime, fondés sur l’article L. 212-13 du Code du sport, interdisant à M. B... d’exercer des fonctions d’encadrement sportif à la suite d’un signalement relatif à des échanges à connotation sexuelle entre lui, alors âgé de 20 ans, et une pratiquante mineure, âgée de 14 ans, au sein de son association. Le principal problème juridique posait la question de la légalité externe et interne des mesures administratives individuelles de police prononcées à l’encontre des éducateurs sportifs, en particulier le respect des droits de la défense, du contradictoire (article L. 121-1 du Code des relations entre le public et l’administration), de la motivation (article L. 211-2 du même code), de l’impartialité, ainsi que la qualification juridique des faits ayant motivé la mesure d’interdiction.
1. Exposé du litige, faits et arguments des parties
Suite à un signalement, le préfet avait édicté en urgence un premier arrêté d’interdiction de six mois avant, après enquête administrative et avis d’une commission spécialisée, d’interdire ensuite M. B... d’exercer pendant trois ans. M. B... demandait l’annulation de ces mesures, arguant notamment de leur tardive notification, de l’absence de procédure contradictoire, de la violation des droits de la défense et du droit de se taire, du défaut de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation sur les faits.
2. Sur la régularité de la procédure et la motivation
Sur le fondement de l'article L. 212-13 du Code du sport, la Cour rappelle que l'interdiction d'exercer décidée par l'autorité administrative à l'encontre d'une personne constituant un danger pour les pratiquants est une mesure de police administrative de nature préventive. L'article L. 121-1 du Code des relations entre le public et l'administration exige une procédure contradictoire préalable lorsqu'une décision est prise en considération de la personne. La Cour constate que M. B... a bien été informé de la procédure, de la réunion de la commission consultative, de la possibilité de se faire assister et de présenter des observations écrites ou orales, ce qu'il a effectivement pu faire.
La motivation de l'arrêté du 23 mars 2022 est jugée suffisante au regard de l'article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l'administration, exposant la nature des faits (échanges à connotation sexuelle avec une mineure placée sous son autorité), leur gravité et leur incompatibilité avec les fonctions d'encadrant, sans qu'il soit obligatoire de joindre le rapport d'enquête administrative.
3. Sur les droits de la défense et le principe d’impartialité
Sur le fondement de l'article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l'administration, la Cour relève que M. B... a été régulièrement mis à même de consulter son dossier, d'être accompagné d'un conseil et de présenter des observations. L'absence de communication intégrale de certains procès-verbaux de témoignages ne l'a pas privé des garanties essentielles pour sa défense, dès lors que l'administration avait informé de leur disponibilité et qu'il ne justifie pas avoir demandé leur transmission.
Quant au respect du principe d'impartialité, la composition de la commission spéciale ayant rendu l'avis préalable était conforme à l'acte réglementaire régissant son fonctionnement ; la présence de membres ayant signé la décision ne révèle pas, en l'espèce, de partialité ni d'intérêt personnel au regard des éléments du dossier, et M. B... avait la possibilité de produire tout témoignage utile à sa défense.
4. Sur la matérialité et la qualification des faits
Sur le fondement de l'article L. 212-13 du Code du sport, la Cour considère que, nonobstant une éventuelle relaxe au pénal, la matérialité des faits est ici suffisamment établie, notamment par les messages à connotation sexuelle échangés, produits par l'intéressé lui-même, en sa qualité d'adulte ayant autorité sur une mineure. Le maintien en fonction de M. B... est manifestement incompatible avec la sécurité morale et physique des pratiquants mineurs. Enfin, la jurisprudence citée du Conseil constitutionnel sur le droit de se taire n'a pas vocation à s'appliquer aux mesures de police administrative non punitives, telles que celle en litige.
Extrait de la décision :
“D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à M. B... sont manifestement incompatibles avec les fonctions d'encadrant sportif, lesquelles imposent une nécessaire distance à l'égard de pratiquants mineurs y compris lorsqu'elles sont exercées à titre bénévole. La circonstance que la jeune mineure en cause aurait consenti à ces échanges ou qu'elle aurait été elle-même à l'initiative de certains d'entre eux n'est pas de nature à minimiser la gravité des agissements reprochés à l'intéressé, à qui il appartenait d'y mettre un terme.”
Mots clés
Code du sport, article L. 212-13, police administrative, droits de la défense, motivation, impartialité, procédure contradictoire, éducateur sportif, protection des mineurs, mesure préventive.