23/04242
Résumé
En bref
La Cour administrative d’appel de Paris a statué en faveur de M. B., joueur de football professionnel, en annulant le jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 mai 2021. Elle a jugé que la prime de résiliation de 2 300 000 euros perçue en 2013 ouvrait droit à une exonération fiscale partielle (impatriation) de 30 % au titre de l'article 155 B du Code général des impôts (CGI) . La Cour a considéré que la prime versée constituait une partie de la rémunération imposable éligible à cette disposition. En conséquence, M. B. a obtenu la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des contributions sociales, ainsi que le versement de 2 000 euros pour les frais de justice.
En détail
Les parties et le litige
La présente affaire concerne M. A. B., un joueur de football professionnel, et l'État, représenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. M. B. contestait la décision de l’administration fiscale de réintégrer 30 % de la prime de résiliation de son contrat de travail dans son revenu imposable pour l'année 2013, entraînant des cotisations supplémentaires.
La contestation portait sur l’interprétation de l’article 155 B du CGI, qui prévoit une exonération fiscale partielle (30 %) pour certains éléments de rémunération dans le cadre de l’activité de salariés appelés à travailler en France pour une durée limitée.
Question juridique principale
La question posée à la Cour était de déterminer si la prime de résiliation de 2 300 000 euros, versée par l’employeur à M. B. en 2013, pouvait bénéficier de l’exonération de 30 % prévue à l’article 155 B du CGI, ou si elle devait être intégralement considérée comme imposable.
Faits principaux
- Rupture conventionnelle : M. B. et son club de football ont convenu, par un avenant de résiliation daté du 2 septembre 2013, de mettre fin sans préavis au contrat de travail qui les liait. Une prime spécifique de résiliation, d’un montant de 2 300 000 euros, a alors été versée à M. B.
- Décision fiscale initiale : L’administration fiscale a considéré que la prime était une indemnité contractuelle non éligible à l’exonération prévue à l’article 155 B du CGI.
- Décisions judiciaires antérieures : Le Tribunal administratif de Paris avait rejeté la demande de M. B., et cet arrêt avait été confirmé par la Cour administrative d’appel en 2022. Cette dernière décision avait ensuite été annulée par le Conseil d’État en 2023, qui a renvoyé l’affaire à la Cour.
Motifs de la décision
1. Analyse de l’article 155 B du CGI
La Cour a rappelé que l’article 155 B permet une exonération de 30 % sur la rémunération imposable de certaines catégories de salariés étrangers travaillant temporairement en France. Cette exonération s’applique à l’ensemble des éléments de la rémunération imposable, y compris, selon leur nature, certaines indemnités versées lors de la rupture du contrat de travail.
2. Nature de la prime
La Cour a analysé la nature de la prime de résiliation versée à M. B. conformément aux termes de l’accord conclu avec son club. Elle a considéré que cette prime constituait une compensation, non pour un travail accompli, mais en raison de la résiliation du contrat et de l'absence de préavis. Toutefois, cette indemnité restait un élément de rémunération imposable, au sens de l'article 155 B.
3. Application des textes fiscaux
Sur le fondement des articles 80 duodecies et 155 B du CGI, la Cour a conclu que :
- En optant pour le régime d’exonération forfaitaire de 30 %, M. B. était en droit de bénéficier de l’exonération pour l’ensemble de ses éléments de rémunération imposable, y compris la prime de résiliation.
- L’administration fiscale ne pouvait donc pas réintégrer arbitrairement 30 % de cette indemnité dans le revenu imposable de M. B.
Extrait de la décision
« Une telle indemnité entre dans le champ de l’exonération de 30 % prévue par les dispositions de l’article 155 B du code général des impôts et qu’ainsi, M. B... est fondé à obtenir la décharge (...) des cotisations supplémentaires. »
4. Conclusion en faveur de M. B.
La Cour a jugé que les décisions précédentes (Tribunal administratif et première décision de la Cour) étaient erronées. Elle a annulé le jugement initial et accordé à M. B. la décharge des impositions litigieuses.
Décision finale
- Annulation du jugement du 5 mai 2021 du Tribunal administratif de Paris.
- Décharge des impositions supplémentaires et des contributions sociales dues par M. B. au titre de l’année 2013.
- Condamnation de l'État à verser 2 000 euros à M. B. au titre des frais de justice en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Points de droit importants et répercussions
- Mode d’interprétation de l’article 155 B du CGI : Cette décision clarifie que les primes de résiliation, même indemnitaires, peuvent être intégrées dans le champ d’application de l’exonération forfaitaire de 30 %, dès lors qu’elles entrent dans la rémunération imposable.
- Protection des sportifs professionnels expatriés : Cette décision aura des répercussions significatives pour les contrats des sportifs étrangers en France, notamment concernant leur fiscalité en cas de rupture anticipée de contrat.
Mots clés
Exonération fiscale, article 155 B du CGI, prime de résiliation, rémunération imposable, sportifs professionnels, rupture de contrat de travail, décharge fiscale, administration fiscale, indemnité contractuelle, article 80 duodecies du CGI.