24PA01256
Nous remercions notre Confrère Maître Samuel CHEVRET, membre AADS, pour la transmission de cette décision.
Résumé
En bref
La Cour administrative d'appel de Paris, dans sa décision du 5 février 2025, confirme le jugement du tribunal administratif qui avait annulé la sanction infligée par la FFF à l'Union sportive Avranches Mont-Saint-Michel. Sur le fondement de l'article 226 des règlements généraux de la FFF et du principe constitutionnel de proportionnalité des peines, la Cour considère que la commission supérieure d'appel ne pouvait pas infliger au club la perte d'un point au classement et une suspension d'un match à M. Daguin. La FFF est condamnée à verser 2000 euros au club au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
En détail
1. Identification des parties
- Requérant : Fédération Française de Football (FFF)
- Défendeur : Union sportive Avranches Mont-Saint-Michel
- Tiers concerné : M. Victor Daguin (joueur)
2. Problématique juridique principale
La question centrale porte sur l'application et l'interprétation des modalités de purge d'une suspension disciplinaire lors d'un transfert de joueur entre deux clubs, et ses conséquences sur la validité d'une sanction administrative sportive.
3. Exposé du litige Le litige trouve son origine dans une sanction disciplinaire infligée à M. Daguin lors de la saison 2021-2022, alors qu'il évoluait en équipe réserve du FC Nantes (National 2). Après son transfert à l'US Avranches Mont-Saint-Michel (National 1), une controverse est née sur la purge effective de sa suspension.
4. Arguments des parties
La FFF soutient que :
- Le jugement du tribunal administratif est irrégulier car le moyen d'annulation n'avait pas été soulevé initialement
- La sanction prononcée n'est pas disproportionnée
- L'interprétation de l'article 226 est correcte
L'US Avranches Mont-Saint-Michel argue que :
- La décision méconnaît l'article 226 des règlements généraux
- La sanction est illégale car elle viole le principe constitutionnel d'intelligibilité de la loi
- Elle méconnaît le principe "non bis in idem"
5. Motivation de la Cour
Sur le fondement de l'article 4.1.2 de l'annexe 2 des règlements généraux de la FFF, la Cour examine d'abord la nature et les effets de la suspension disciplinaire. Elle analyse ensuite l'application de l'article 226 des règlements généraux relatif aux modalités de purge des suspensions.
La Cour développe un raisonnement en trois temps :
Premièrement, elle considère que la sanction initiale a eu tous ses effets lors du match non joué du 28 mai 2022 avec l'équipe réserve du FC Nantes.
Deuxièmement, elle estime que l'application faite par la FFF de la circulaire du 11 juin 2008 est erronée car elle aboutit à transformer de fait une suspension d'un match en une suspension de deux matchs.
Troisièmement, elle juge que cette interprétation méconnaît le principe de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Extrait de la décision
"Le quantum d'une sanction ne saurait dépendre des conditions dans lesquelles elle est concrètement appliquée, tels que, notamment, le moment où elle prend effet, le ou les équipes et clubs dans lesquels le joueur évolue ou est appelé à évoluer la saison suivante, ou encore le calendrier des matchs, qui peut varier d'une année sur l'autre, en méconnaissance du principe d'égalité devant la règle répressive."
6. Points de droit importants et répercussions
- Affirmation du principe de proportionnalité des sanctions disciplinaires en droit du sport
- Clarification des modalités de purge des suspensions lors des transferts de joueurs
- Limitation du pouvoir d'interprétation des instances fédérales quant aux règlements disciplinaires
Mots clés
Droit disciplinaire sportif, suspension, proportionnalité des peines, purge de sanction, règlements fédéraux, transfert de joueur, égalité devant la règle répressive, motivation des sanctions, contentieux administratif sportif, compétence juridictionnelle