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Résumé
En bref
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence confirme la validité du licenciement pour motif économique d'un moniteur de tennis ayant refusé une modification de son contrat de travail. Se fondant sur l'article L.1233-3 du code du travail, la Cour juge les difficultés économiques de l'association sportive caractérisées par une baisse significative et durable du nombre d'adhérents et des recettes. Elle précise, au regard de l'article L.1233-4 du même code, que l'obligation de reclassement ne s'étend pas à la fédération sportive, celle-ci ne constituant pas un groupe de reclassement en raison de l'autonomie de gestion de ses clubs adhérents. L'appel du salarié est par conséquent intégralement rejeté.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : Monsieur [K] [B] (salarié appelant, moniteur de tennis) contre l'Association TENNIS CLUB [Localité 5] (employeur intimé).
- Problèmes juridiques principaux : La caractérisation du motif économique du licenciement au sein d'une association sportive, l'étendue de l'obligation de reclassement et l'applicabilité des critères d'ordre des licenciements.
- Question juridique principale : Une fédération sportive et les associations qui y sont affiliées constituent-elles un groupe de reclassement au sens de l'article L.1233-4 du code du travail, obligeant un club à rechercher des postes de reclassement au sein des autres clubs membres de la fédération ?
- Exposé du litige : Un moniteur de tennis, titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée intermittent, est licencié pour motif économique après avoir refusé un avenant proposant une réduction de son temps de travail. L'employeur, une association sportive, justifie cette proposition par une baisse d'activité. ❌ Le salarié conteste la réalité des difficultés économiques, le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement qu'il estime devoir s'étendre à la Fédération Française de Tennis, et le défaut d'établissement des critères d'ordre du licenciement. ✅ L'association soutient la cause réelle et sérieuse de son licenciement, arguant de l'impossibilité de reclasser le salarié en interne et de l'absence de groupe de reclassement au niveau fédéral.
2. ANALYSE DES MOTIFS
La Cour d'appel articule son raisonnement en trois temps, examinant successivement la réalité du motif économique, le respect de l'obligation de reclassement et l'application des critères d'ordre.
A. Sur la réalité du motif économique
🔍 La Cour procède à une analyse factuelle des difficultés invoquées par l'association pour justifier la suppression du poste. Sur le fondement de l'article L.1233-3 du code du travail, elle rappelle que les difficultés économiques dans une association s'apprécient au regard des contraintes de son secteur et de la nécessité d'assurer la pérennité de son activité. Le juge examine les pièces comptables produites pour vérifier la matérialité de la dégradation économique alléguée. La Cour constate que l'association justifie d'une érosion continue de ses ressources principales. Elle relève une 1️⃣ baisse constante du nombre d'adhérents, 2️⃣ une diminution significative des recettes issues des cotisations sur plusieurs exercices consécutifs, et 3️⃣ un risque avéré de résultat déficitaire si la masse salariale avait été maintenue. Ces éléments objectifs suffisent à établir la réalité des difficultés économiques.
"L'association justifie d'une baisse constante de ses recettes composées essentiellement des cotisations passant de 70 641 euros en 2015 (...), à 66 516 euros en 2016 (...), et 53 469 euros en 2017 (...). Par conséquent la cour juge que l'association était confrontée à une évolution significative et durable du nombre de ses adhérents et de ses ressources principales pour assurer la pérennité de son activité et que la suppression de l'emploi de M. [B] en décembre 2016 est justifiée par des difficultés économiques caractérisées."
➡️ Cette motivation confirme que la notion de difficultés économiques s'applique aux structures associatives avec la même rigueur, leur équilibre financier étant une condition de leur pérennité. La suppression du poste, consécutive au refus du salarié d'adapter son contrat à cette nouvelle réalité économique, est donc jugée justifiée.
B. Sur l'étendue de l'obligation de reclassement
🔍 La Cour examine ensuite le moyen tiré du manquement à l'obligation de reclassement, l'appelant soutenant que les recherches auraient dû être étendues à la Fédération Française de Tennis. Sur le fondement de l'article L.1233-4 du code du travail, le juge doit déterminer si une fédération sportive peut être qualifiée de groupe de reclassement, ce qui suppose une possibilité de permutation du personnel entre les entités qui la composent. La Cour rejette fermement cette analyse. Elle établit une distinction fondamentale entre un groupe de sociétés, caractérisé par un pouvoir de direction commun et des activités connexes, et une fédération sportive. Celle-ci a pour objet l'organisation d'une discipline sportive, mais les clubs qui y adhèrent conservent une autonomie de gestion totale, notamment en matière de recrutement et de gestion de leur personnel.
"Une association sportive qui fait partie d'une fédération n'est pas pour autant comprise au sein d'un groupe au regard des dispositions relatives à l'obligation de reclassement. Il appartient au juge de déterminer si l' appartenance à cet organisme fédéral est de nature à permettre d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel." (Décision, page 9)
Cette approche pragmatique conduit la Cour à conclure à l'absence de groupe de reclassement.
"La fédération française de tennis qui comprend une multitude de clubs adhérents pour organiser sur le plan national régional et départemental la pratique et le développement de ce sport, ne permet pas la permutation de tout ou partie du personnel des différentes associations adhérentes qui gèrent localement de manière totalement autonome leur propre activité et le recrutement des moniteurs dont elles peuvent avoir besoin sans possibilité de mutation ou de mise à disposition." (Décision, page 9)
➡️ Dès lors, le périmètre de reclassement était limité à la seule association employeur. En l'absence de poste disponible et compte tenu du refus par le salarié de la seule adaptation possible de son poste, l'employeur est réputé avoir satisfait à son obligation de reclassement, celle-ci se heurtant à une impossibilité matérielle.
C. Sur l'application des critères d'ordre du licenciement
🔍 Enfin, la Cour analyse l'argument du salarié relatif à l'absence de définition des critères d'ordre du licenciement, en application des articles L.1233-5 et L.1233-7 du code du travail. La Cour rappelle la finalité de ces dispositions : permettre à l'employeur d'opérer un choix objectif entre plusieurs salariés susceptibles d'être licenciés au sein d'une même catégorie professionnelle. Le juge constate qu'en l'espèce, l'employeur n'a pas eu à effectuer un tel choix. La proposition de modification du contrat de travail avait été faite aux deux salariés de la catégorie professionnelle des moniteurs de tennis. Le licenciement de M. [B] est la conséquence directe et unique de son refus personnel, l'autre moniteur ayant accepté l'avenant.
"Les règles relatives à l'ordre des licenciements ne s'appliquent en effet au stade du licenciement que si l'employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier. En l'espèce le licenciement du salarié résulte du refus d'une proposition de modification du contrat de travail , qui avait été faite aux deux salariés de l'association appartenant à la même catégorie professionnelle des moniteurs de tennis." (Décision, page 10)
➡️ La Cour en déduit logiquement que les critères d'ordre n'avaient pas à être appliqués, le licenciement n'étant pas le fruit d'une sélection opérée par l'employeur mais la conséquence d'une décision individuelle du salarié. Le licenciement repose donc bien sur une cause réelle et sérieuse.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"La fédération française de tennis qui comprend une multitude de clubs adhérents pour organiser sur le plan national régional et départemental la pratique et le développement de ce sport, ne permet pas la permutation de tout ou partie du personnel des différentes associations adhérentes qui gèrent localement de manière totalement autonome leur propre activité et le recrutement des moniteurs dont elles peuvent avoir besoin sans possibilité de mutation ou de mise à disposition." (Décision, page 9)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Difficultés économiques d'une association sportive : L'appréciation des difficultés économiques justifiant un licenciement au sein d'une association à but non lucratif se fonde sur des indicateurs objectifs (baisse des adhésions, diminution des recettes) de nature à compromettre la pérennité de son activité.
- 🔗 Qualification du groupe de reclassement : Une fédération sportive ne constitue pas un groupe de reclassement pour ses associations membres. Le critère déterminant est l'absence de permutation possible du personnel, en raison de l'autonomie juridique et de gestion de chaque club affilié.
- ⚖️ Applicabilité des critères d'ordre : L'obligation pour l'employeur de définir des critères d'ordre des licenciements est écartée lorsque le licenciement économique est la conséquence directe du refus individuel par un salarié d'une proposition de modification de son contrat de travail, dès lors que cette proposition a été faite à l'ensemble des salariés de la même catégorie professionnelle.
- 👨⚖️ Appréciation du juge : Le contrôle du juge porte sur la réalité et le sérieux du motif économique au jour du licenciement, ainsi que sur le périmètre pertinent de l'obligation de reclassement, lequel est apprécié in concreto.
Mots clés
licenciement pour motif économique, obligation de reclassement, groupe de reclassement, fédération sportive, association sportive, modification du contrat de travail, cause réelle et sérieuse, critères d'ordre du licenciement, contrat de travail intermittent, convention collective nationale du sport.
NB : 🤖 résumé généré par IA