22/00108
Résumé
En bref
La Cour d'appel d'Angers a confirmé la requalification des CDD en CDI pour une joueuse professionnelle de basket-ball licenciée par l'association Roche Vendée Basket Club. La Cour d'appel d'Angers a confirmé la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée pour les contrats conclus depuis 2009, en se fondant sur l'absence de motif précis pour les contrats successifs conclus au visa de l'ancien article L. 121-1 du code du travail. L'association a également été condamnée à payer des dommages et intérêts pour licenciement nul ainsi que des frais irrépétibles.
En détail
La joueuse professionnelle de basket-ball Mme YI a été engagée par l'association Roche Vendée Basket Club (RVBC) pour une saison à compter du 1er août 2009. Six contrats de même nature ont été successivement conclus pour les saisons suivantes. Mme YI a été placée en arrêt maladie en mai 2017 et la relation de travail a pris fin au 31 mai suivant à la fin de son dernier contrat de travail.
Mme YI a soutenu que tous les contrats à durée déterminée d'usage conclus depuis 2009, en ce compris le dernier en date du 30 juin 2016, ont été conclus pour une durée d'une saison sportive, sans motif précis, ce qui ne constitue pas le motif exigé par la loi pour pourvoir un emploi de joueuse professionnelle de basket-ball dépourvu de caractère temporaire, emploi participant au contraire à l'activité normale et permanente de son employeur. Elle a également affirmé que la durée des contrats n'était pas conforme à la durée conventionnelle et réglementaire applicable.
La Cour d'appel d'Angers a confirmé la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée pour les contrats conclus depuis 2009.
Dans un premier temps, elle a écarté l’argument de l’association selon lequel l’action en requalification était prescrite. Plus précisément, l’association soutenait que le point de départ de la prescription différait selon le fondement de l'action en requalification, et que dès lors, la prescription de l'action en requalification des cinq premiers contrats à durée déterminée fondée sur le motif des recours au contrats à durée déterminée, laquelle avait commencé à courir au terme du cinquième d'entre eux, soit le 31 mai 2014, et donc que l’action était prescrite au jour de l’action formée par Madame I.
La Cour a répondu la chose suivante :
“Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier. (…)
En application des principes ci-dessus rappelés, dès lors que Mme [I] soutient avoir été engagée au titre de tous les contrats à durée déterminée d'usage conclus depuis le 23 juin 2009 en ce compris le dernier en date du 30 juin 2016 pour occuper un emploi participant de l'activité normale de l'association, l'action en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, engagée le 21 juillet 2017, soit dans les deux ans du terme du dernier contrat (31 mai 2017) n'est pas prescrite, la salariée étant en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.”
Dans un second temps, se fondant sur l'absence de motif précis pour les contrats successifs conclus au visa de l'ancien article L. 121-1 du code du travail.
Elle a notamment précisé :
“l'aléa sportif ou le résultat des compétitions sont des motifs inopérants”
“La seule saisonnalité sportive n'est pas un critère objectif établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi au regard de l'activité normale et permanente de l'association sportive et de la durée de la relation contractuelle ayant existé entre les parties.”
“L'association RVBC se prévaut du fait que le basket est un sport collectif obligeant à constituer une équipe cohérente pour atteindre l'objectif de performance inhérent au sport professionnel, qu'il n'existe pas de poste individuel qui soit durable et permanent dans une équipe professionnelle de sport collectif (…) Toutefois, ces éléments ne permettent pas davantage d'établir que Mme [I] occupait un emploi par nature temporaire alors que celle-ci a toujours été engagée au poste de meneuse de jeu ce, durant les huit saisons consécutives, sans que l'arrivée d'une nouvelle joueuse ait pu manifestement remettre en cause la cohérence de l'équipe au point pour l'association de devoir se séparer d'un autre joueur qui aurait pu être Mme [I].”
“La nécessité invoquée par l'association RVBC commune à la plupart des sports collectifs constitue donc une justification d'ordre général, et non pas un motif précis suffisant propre à l'emploi en cause et établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi considéré.”
Enfin la Cour a également souligné que l'employeur n'avait pas appliqué les règles du contrat à durée déterminée spécifique destinées au sportif professionnel et que la loi nouvelle du 27 novembre 2015 n'était pas applicable aux contrats conclus avant le 28 novembre 2015.
“Il apparaît que de fait et plus généralement ce contrat ne se réfère nullement aux nouvelles dispositions du code du sport applicables aux contrats conclus à compter du 27 novembre 2015 et qu'il est rédigé de la même manière que les contrats précédents par référence à l'article L. 122-1-1 du code du travail abrogé par l'ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 précitée.
Ce contrat stipule, comme les précédents, que Mme [I] est engagée en qualité de joueuse professionnelle pour opérer au sein de son équipe première qui évoluera dans le championnat de ligue féminine 2 de basket-ball et qu'à ce titre, elle participera aux activités sportives ayant un rapport direct avec ses fonctions, matchs, entraînements et autres missions liées à celles-ci.
Le contrat a donc été conclu dans les mêmes conditions que les autres contrats sauf à rappeler, ainsi que l'ont relevé le conseil de prud'hommes et la cour d'appel de Poitiers, son non-respect des dispositions désormais applicables de la loi du 27 novembre 2015 précitée.
Du tout, il résulte qu'en l'absence d'éléments concrets et précis apportés par l'employeur pour justifier le recours au contrat à durée déterminée et établir le caractère temporaire par nature de l'emploi, Mme [I], qui a occupé durablement un emploi participant de l'activité normale de l'association, est recevable et fondée en sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, et donc à se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier, soit en l'occurrence le contrat du 23 juin 2009.”
Mots clés
Cour d'appel, requalification de contrat, contrat à durée déterminée d'usage, joueuse professionnelle de basket-ball, prescription, assurance-vieillesse, CDD spécifique, CDI, contrat à durée indéterminée, loi du 27 novembre 2015, saison sportive, succession de contrats, absence de motifs précis de recours, sportif professionnel.