22/01126
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Colmar, dans un arrêt rendu le 14 mai 2024, a infirmé le jugement du Conseil de prud’hommes de Mulhouse du 8 février 2022. Elle a requalifié les contrats de travail à durée déterminée et à temps partiel conclus entre Monsieur [W] [J] et l'Association Football Club [Localité 5] en contrat à durée indéterminée (CDI) et à temps plein, sur le fondement des articles L222-2-5 et L222-2-8 du Code du sport. La Cour a également jugé que la rupture du contrat s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraînant diverses condamnations financières à l’encontre de l’association, en liquidation judiciaire, pour un montant total significatif, incluant des rappels de salaires, des indemnités et des dommages-intérêts.
En détail
Les parties impliquées
- Appelant : Monsieur [W] [J], ancien joueur de football salarié.
- Intimées :
- L’Association Football Club [Localité 5], en liquidation judiciaire, représentée par la Selarl [E] et [H], mandataire liquidateur.
- L’AGS (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés).
Problèmes juridiques principaux
- La requalification des contrats de travail à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI).
- La requalification des contrats à temps partiel en contrats à temps plein.
- La qualification de la rupture contractuelle comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- La reconnaissance d’un travail dissimulé par l’employeur.
Exposé du litige
Monsieur [W] [J] avait été engagé par l’Association Football Club [Localité 5] pour les saisons 2018/2019 et 2019/2020 via deux CDD successifs. Il a saisi le Conseil de prud’hommes pour demander la requalification de ces contrats en CDI, le paiement de rappels de salaires, ainsi que diverses indemnités liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au travail dissimulé et au non-respect des obligations contractuelles. Le Conseil avait rejeté ses demandes, mais il a interjeté appel.
Motivations et raisonnement de la Cour
1. Requalification des CDD en CDI
Sur le fondement des articles L222-2-5 et L222-2-8 du Code du sport, la Cour a constaté que les CDD n’avaient pas été transmis dans les délais légaux (deux jours ouvrables après l’embauche). Elle a donc requalifié ces contrats en CDI. La Cour a également rappelé que cette requalification entraîne une présomption d’indétermination pour toute la relation contractuelle.
Extrait de la décision :
« En conséquence, il y a lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée [...] en contrat à durée indéterminée, cette requalification [...] entraînant une relation à durée indéterminée pour toute la relation contractuelle. »
2. Requalification des contrats à temps partiel en temps plein
La Cour a relevé que les contrats ne respectaient pas les exigences formelles imposées par l’avenant n°887 du 15 mai 2014 à la Convention collective nationale du sport (article 4.6.3). En l’absence d’une répartition précise du temps de travail, elle a présumé un contrat à temps plein, charge à l’employeur d’apporter la preuve contraire, ce qui n’a pas été fait.
3. Licenciement sans cause réelle et sérieuse
En raison de la requalification en CDI, la cessation des relations contractuelles s’est analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour a appliqué les dispositions de l’article L1235-3 du Code du travail, tout en rejetant l’invocation par le salarié de la Charte sociale européenne.
4. Travail dissimulé
La Cour a établi que l’employeur avait intentionnellement déguisé une partie des salaires sous forme de « frais professionnels » afin d’échapper aux cotisations sociales, caractérisant ainsi un travail dissimulé au sens de l’articleL8221-5 du Code du travail.
Décision finale
La Cour a condamné l’association (en liquidation judiciaire) aux paiements suivants :
- Rappel de salaires : 18 131,81 euros net.
- Indemnité pour travail dissimulé : 12 300 euros net.
- Indemnité compensatrice de préavis : 2050 euros brut (+ congés payés associés).
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 3600 euros brut.
- Indemnité pour requalification : 2050 euros brut.
- Indemnité légale de licenciement : 982,29 euros net.
- Congés payés afférents : diverses sommes détaillées.
La Selarl [E] et [H], mandataire liquidateur, est également condamnée à fournir au salarié des bulletins de paie rectifiés et les documents de fin de contrat conformes.
Points importants
- La décision repose sur une application stricte des articles spécifiques au sport professionnel (articles L222-2-5 et L222-2-8 du Code du sport) qui dérogent au droit commun.
- La présomption légale concernant les contrats à temps plein souligne l’importance pour les employeurs sportifs d’une rédaction rigoureuse des contrats.
- La reconnaissance d’un travail dissimulé entraîne une indemnisation substantielle pour le salarié.
Mots clés
Requalification CDD-CDI, contrat à temps plein, licenciement sans cause réelle et sérieuse, travail dissimulé, Code du sport, convention collective nationale du sport, article L222-2-5 Code du sport, article L8221-5 Code du travail, indemnités salariales, liquidation judiciaire.