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Résumé
En bref
La Cour d'appel de Colmar, par arrêt du 15 mai 2025, a infirmé la décision du tribunal judiciaire de Strasbourg qui avait annulé l'observation de l'Urssaf relative à l'assujettissement des sommes versées à des bénévoles à la billetterie d'un club sportif professionnel. Sur le fondement de l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, la cour juge que l'absence de justificatifs de frais de déplacement transforme les sommes versées en rémunération soumise à cotisations sociales, dès lors qu'un lien de subordination est caractérisé. Elle déboute ainsi la société sportive de sa demande d'annulation de l'observation de l'Urssaf et la condamne aux dépens.
En détail
Parties impliquées et contexte du litige
L’affaire oppose l’Urssaf Alsace (appelante) à la S.A. [Localité 3], société anonyme sportive professionnelle (intimée). À la suite d’un contrôle portant sur les années 2014 à 2016, l’Urssaf avait adressé à la société une lettre d’observations recommandant d’intégrer dans l’assiette des cotisations sociales les sommes versées à des bénévoles affectés à la billetterie et aux entrées, à défaut de justificatifs de frais de déplacement. La société a contesté cette recommandation, d’abord devant la commission de recours amiable, puis devant le tribunal judiciaire, qui avait annulé l’observation de l’URSSAF.
Problèmes juridiques et question principale
Le cœur du litige porte sur la qualification juridique des sommes versées à des bénévoles : peuvent-elles, en l'absence de justificatifs, être considérées comme des rémunérations assujetties à cotisations sociales au sens de l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale ? La question principale est celle de l'existence d'un lien de subordination et de la nature des sommes versées à des bénévoles dans le contexte d'un club sportif professionnel.
Arguments des parties
- L’Urssaf : S'appuie sur l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale et l’arrêté du 27 juillet 1994, affirmant que les sommes versées sans justificatifs constituent une rémunération soumise à cotisations, surtout si un lien de subordination existe, indépendamment de la qualification de « bénévole ».
- La société sportive : Soutient que le bénévolat, reconnu par le Code du sport, n’implique pas de lien de subordination, que le contrôle exercé est limité à des raisons de sécurité, et que la position de l’Urssaf fait planer un risque injustifié de requalification en salariat.
Motivation de la décision
Sur le fondement de l’article 562 du Code de procédure civile, la cour rejette l’argument d’irrecevabilité de l’appel, considérant que la déclaration d’appel, bien que succincte, répond aux exigences procédurales applicables à la procédure sans représentation obligatoire.
Sur le fond, la cour retient que :
- Le bénévolat suppose l'absence de contrepartie financière.
- La perception de sommes forfaitaires non justifiées au titre de frais de déplacement constitue une rémunération, soumise à cotisations sociales, conformément à l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale.
- Le fait que les bénévoles soient affectés à des tâches, à des horaires et selon des modalités fixées par la société, et soumis à ses directives, caractérise un lien de subordination.
- Le recours au bénévolat, même reconnu par le Code du sport, n'exclut pas l'existence d'un lien de subordination ni la qualification de salarié dès lors que les conditions sont réunies.
La cour considère donc que l'observation de l'Urssaf n'est ni équivoque ni contradictoire, et que la société doit intégrer dans l'assiette des cotisations les sommes versées à ces personnes, à défaut de justificatifs.
Extrait de la décision :
« La désignation de ces personnes par le terme de bénévole n'est pas contradictoire avec que le fait qu'en réalité elles ne sont plus bénévoles lorsqu'elles perçoivent une rémunération. C'est en conséquence sans se contredire ni faire preuve d'équivoque que l'Urssaf peut affirmer qu'elle ne remet pas en cause le principe du bénévolat, entendu comme activité non rémunérée, tout en considérant qu'une personne qualifiée de bénévole mais rémunérée est en réalité un salarié si elle opère sous la subordination de celui qui bénéficie de la prestation. »
Mots clés
bénévolat, lien de subordination, rémunération, cotisations sociales, assiette des cotisations, article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, justification des frais professionnels, club sportif professionnel, requalification en salariat, procédure d’appel.