22/01689
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Colmar, dans son arrêt du 15 mai 2025, confirme la présomption de contrat de travail au titre du mannequinat pour les sportifs liés à la société par des contrats de sponsoring, sur le fondement des articles L.7123-2 à L.7123-4 du Code du travail et de l'article L.311-3 15° du Code de la sécurité sociale. La Cour retient que l'obligation, pour les sportifs, de porter et promouvoir les produits de la marque, assortie de directives précises et de sanctions contractuelles, caractérise une activité de mannequinat soumise à la présomption de salariat. Elle confirme le redressement URSSAF, sauf pour certains montants et la TVA, qui doivent être exclus de l'assiette.
En détail
Parties en présence et contexte du litige
La société SAS (appelante) a fait l'objet d'un contrôle URSSAF portant sur la période 2015-2016, ayant abouti à un redressement, notamment pour les sommes versées à des sportifs dans le cadre de contrats de sponsoring. L'URSSAF Alsace (intimée) a considéré que ces contrats relevaient de la présomption de contrat de travail applicable aux mannequins, générant l'assujettissement des rémunérations aux cotisations sociales.
Principaux problèmes juridiques et question de droit
La question centrale est celle de la qualification juridique des contrats de sponsoring conclus avec des sportifs : relèvent-ils de la simple relation commerciale ou doivent-ils être requalifiés en contrats de travail de mannequin, entraînant l’assujettissement aux cotisations sociales sur le fondement de la présomption de salariat prévue aux articles L.7123-2 à L.7123-4 du Code du travail ?
Exposé des faits et arguments des parties
La société soutenait que ses contrats de sponsoring n’assuraient pas le concours d’un mannequin, mais visaient uniquement à exploiter la notoriété des sportifs, sans lien de subordination ni organisation d’un service. Elle faisait valoir que les obligations contractuelles (port des équipements, participation à des opérations promotionnelles, publications sur les réseaux sociaux) relevaient d’une relation commerciale et non salariale. L’URSSAF, au contraire, estimait que l’ensemble des obligations imposées aux sportifs, la rémunération en contrepartie, l’exclusivité, les directives précises et le pouvoir de sanction caractérisaient une activité de mannequinat et un lien de subordination, déclenchant la présomption de contrat de travail.
Motifs de la décision – Analyse détaillée
Sur le fondement de l'article L.7123-2 du Code du travail, la Cour rappelle qu'est considérée comme exerçant une activité de mannequin toute personne chargée de présenter au public, directement ou indirectement, un produit ou de poser comme modèle, même à titre occasionnel. L'article L.7123-3 prévoit que tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un mannequin est présumé être un contrat de travail, cette présomption subsistant quel que soit le mode ou le montant de la rémunération et la qualification donnée au contrat par les parties (article L.7123-4).
La Cour constate que les contrats de sponsoring analysés imposaient aux sportifs :
- De porter exclusivement les produits de la marque lors de leurs activités sportives et médiatiques,
- De participer à des opérations promotionnelles, séances photos, événements, et de publier régulièrement sur les réseaux sociaux pour promouvoir la marque,
- De respecter des directives précises, notamment quant au port des équipements et à la communication de leurs apparitions publiques,
- De se soumettre à des sanctions financières importantes en cas de manquement.
La Cour relève que ces obligations vont au-delà du simple partenariat commercial et traduisent une organisation et un pouvoir de direction et de sanction caractéristique du lien de subordination. Elle souligne que la société n'apporte pas la preuve de l'absence de lien de subordination, condition nécessaire pour renverser la présomption de salariat.
La Cour confirme donc que la présomption de contrat de travail s'applique, et valide l'assujettissement des rémunérations versées aux sportifs au régime général de la sécurité sociale, sauf pour certains montants (agents, joueurs à l'étranger, TVA) qui doivent être exclus de l'assiette.
Points de droit importants et répercussions
- La charge de la preuve de l’absence de lien de subordination incombe à la société, et la liberté d’action du sportif ne suffit pas à écarter la présomption de contrat de travail.
- Les entreprises doivent être particulièrement vigilantes dans la rédaction et l’exécution de leurs contrats de sponsoring avec des sportifs, sous peine de voir ces relations requalifiées en contrat de travail avec toutes les conséquences sociales et fiscales qui en découlent.
Sur les avantages octroyés aux salariés
La Cour confirme également l’assujettissement aux cotisations sociales des avantages procurés à ses salariés par le comité d’entreprise, dès lors qu’ils ne sont pas exclusivement liés à des activités sociales et culturelles, sur le fondement de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale.
Extrait de la décision :
« Il résulte de ces dispositions contractuelles, que le contrat n’a pas pour seul objet de permettre à la société d’exploiter le nom ou la renommée du joueur mais qu’il emporte pour le joueur l’obligation, moyennant rémunération, de porter les équipements de la marque et exclusivement ces équipements, en vue d’en assurer la promotion à l’occasion de diverses manifestations, ainsi que de présenter les produits de la marque et des messages publicitaires sur différents supports. Il en résulte qu’en application de l’article L.7123-2 précité, la mise en œuvre de cette obligation conduit à considérer que l’athlète exerce bien une activité de mannequin. »
Mots clés
présomption de contrat de travail, activité de mannequinat, sponsoring sportif, lien de subordination, assujettissement aux cotisations sociales, article L.7123-2 du Code du travail, article L.7123-3 du Code du travail, redressement URSSAF, obligations contractuelles, pouvoir de sanction