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Résumé
En bref
La Cour d'appel de Colmar infirme partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg. Elle juge recevable la demande d'indemnisation du préjudice d'accompagnement des proches et celle des ayants droit pour les préjudices subis par la victime. Elle ordonne une expertise médicale pour évaluer ces préjudices et retient une responsabilité partagée à 50 % entre la victime et l'assureur, sur le fondement des articles 122, 2044 et 2052 du Code civil, et des articles 232 à 248 et 263 à 284-1 du Code de procédure civile.
En détail
Parties impliquées
- Appelants et intimés sur appel incident : Mme [K] [H], MM. [S] [C] et [J] [C] (épouse et fils de la victime)
- Intimée et appelante sur appel incident : La compagnie d'assurance GROUPAMA GRAND EST
- Intimées : La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN et la FÉDÉRATION DISTRICT D'ALSACE DE FOOTBALL
Problèmes juridiques principaux
- Recevabilité des demandes d'indemnisation des préjudices de la victime et de ses proches suite à un accident ;
- Responsabilité de l'accident et partage de celle-ci entre la victime et l'assureur ;
- Nécessité d'une expertise médicale pour évaluer les préjudices.
Question juridique principale
La Cour d'appel devait déterminer si les transactions préalables conclues entre les parties faisaient obstacle à de nouvelles demandes d'indemnisation, et, dans le cas contraire, évaluer la responsabilité et les préjudices de chacun.
Exposé du litige
[U] [C] a été victime d'une chute grave en 2012 alors qu'il installait un bûcher pour le compte d'un club de football. Suite au décès de [U] [C], ses proches ont intenté une action en justice pour obtenir réparation des préjudices subis. Groupama, l’assureur du club, a opposé l'existence de transactions antérieures. Le tribunal judiciaire de Strasbourg a déclaré irrecevables les demandes des proches, considérant que des transactions avaient été conclues. Les proches ont interjeté appel.
Arguments des parties
- Appelants : Ils contestent la validité des transactions et mettent en avant le défaut de pouvoir de représentation de la victime lors de la conclusion de ces transactions. Ils estiment que le club de football est entièrement responsable de l'accident et sollicitent une expertise médicale pour évaluer les préjudices.
- Intimée (Groupama) : Elle soutient la validité des transactions et invoque une faute de la victime, qui aurait contribué à la réalisation de son propre dommage. Elle conteste la nécessité d'une nouvelle expertise.
Motifs de la décision
La Cour d'appel a divisé son analyse en plusieurs points :
- Recevabilité des demandes :
Concernant le préjudice d'affection des proches, la Cour constate que ceux-ci ont signé des quittances en contrepartie du versement d'une somme de 12 500 euros. Elle en déduit que leur demande est irrecevable de ce chef. En revanche, la Cour juge recevable la demande d'indemnisation du préjudice d'accompagnement, car celui-ci n'était pas visé par les transactions initiales.
Concernant les demandes formées en qualité d'ayants droit de la victime, la Cour considère que Groupama ne pouvait légitimement croire que l'avocat de la famille [C] était mandaté pour accepter une offre transactionnelle au nom de [U] [C]. Elle souligne que la lettre de l'avocat ne manifestait pas un accord définitif et que la société Groupama ne pouvait ignorer l'état de vulnérabilité de la victime, placée sous sauvegarde de justice. Sur le fondement de l'article 1362 du Code civil, la Cour estime que la preuve d'une transaction n'est pas rapportée.
- Responsabilité :
La Cour retient l'existence d'une convention d'assistance bénévole. Elle estime que la victime a commis une imprudence en se plaçant dans une position instable lors de la mise en place du bûcher.
Cependant, la Cour considère que l'accident a également été causé par l'insuffisance des mesures de sécurité relevant de l'organisateur, à savoir le club de football. La Cour estime que le club de football est responsable de la sécurité sur le chantier.
La Cour fixe la part de responsabilité de la victime à 50 % et celle de l'assureur à 50 %.
- Évaluation des préjudices :
La Cour relève que les rapports d'expertise produits sont incomplets et ne tiennent pas compte de l'évolution de l'état de santé de la victime jusqu'à son décès. La Cour ordonne une nouvelle expertise médicale.
La demande de provision est réservée dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
- Préjudice d'accompagnement :
La Cour réserve également cette demande, dans l'attente de l'expertise.
- Provision ad litem :
La Cour condamne Groupama à verser une provision de 3000 euros pour les frais d'expertise et d'assistance lors des opérations d'expertise.
Extrait de la décision
“Cette chute n'a pas été causée de manière exclusive par cette faute d'imprudence, fût-elle commise par une personne qui participait à l'édification du bûcher annuel depuis plusieurs années. En effet, elle a également été causée par l'insuffisance des mesures de sécurité relevant de l'organisateur de l'édification du bûcher.”
Points de droit importants et répercussions
- Cette décision rappelle l'importance de la précision des mandats et pouvoirs de représentation dans le cadre de transactions, notamment lorsque la victime est une personne vulnérable.
- Elle souligne également la nécessité pour les organisateurs d'événements de garantir la sécurité des participants, y compris les bénévoles.
- Enfin, elle illustre la complexité de l'évaluation des préjudices en cas de décès de la victime et la nécessité de recourir à une expertise médicale complète.
Mots clés
Transaction, préjudice d'affection, préjudice d'accompagnement, responsabilité civile, expertise médicale, convention d'assistance bénévole, faute, indemnisation, ayant droit, provision ad litem.