22/00677
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Dijon, dans un arrêt rendu le 10 octobre 2024, a confirmé la condamnation de la Société Stade Dijonnais pour rupture abusive d'un contrat à durée déterminée d’un joueur de rugby. La Cour a jugé que l'acte signé le 23 mars 2020 constituait une offre de contrat de travail, car il précisait tous les éléments essentiels (emploi, rémunération, durée) et exprimait une volonté ferme et définitive d'être lié en cas d'acceptation. En s'appuyant sur les arrêts du 21 septembre 2017 de la Cour de cassation, elle a rappelé qu'une offre acceptée ne peut être révoquée. La rétractation postérieure à l'acceptation par le joueur a donc été jugée tardive et n'a pas empêché la formation du contrat. La société a été condamnée à indemniser le joueur à hauteur de 49 758 euros, correspondant à 24 mois de salaire.
En détail
Parties impliquées
- Appelante : Société Stade Dijonnais.
- Intimé : M. [F], joueur de rugby.
Problèmes juridiques
- La qualification juridique de l’acte du 23 mars 2020 : offre, promesse synallagmatique ou contrat de travail.
- Les conséquences juridiques d’une rétractation tardive par l’employeur après acceptation.
- Le droit à indemnisation pour rupture abusive.
Question juridique principale
L’acte signé entre les parties constitue-t-il une offre de contrat de travail acceptée, engageant ainsi l’employeur en cas de rétractation tardive ?
Faits et arguments
Le 23 mars 2020, M. [F] a signé un document intitulé "proposition de contrat de travail" avec la Société Stade Dijonnais pour une durée déterminée (6 juillet 2020 au 30 juin 2022), précisant les éléments essentiels : emploi, rémunération et avantages divers. Avant l'exécution du contrat, l'employeur a tenté de rétracter son engagement en invoquant des difficultés économiques liées au confinement.
Le Conseil de prud'hommes a reconnu l'existence d'un contrat et condamné l'employeur pour rupture abusive. En appel, la société a soutenu que l'acte constituait une promesse synallagmatique ou un pré-contrat sans valeur contraignante.
Raisonnement juridique
Sur la qualification de l’acte
La Cour s'est appuyée sur les dispositions du Code civil ainsi que sur les arrêts du 21 septembre 2017 (pourvois n°16-20.103 et n°16-20.104) pour distinguer :
- Une offre de contrat, qui est ferme et précise, incluant les éléments essentiels d'un contrat (emploi, rémunération, durée), et qui engage son auteur dès acceptation.
- Une promesse synallagmatique ou unilatérale, qui laisse au bénéficiaire le droit d'opter pour conclure le contrat ou subordonne sa formation à des conditions suspensives.
La Cour a jugé que le document signé le 23 mars 2020 constituait une offre car :
- Il précisait tous les éléments essentiels du contrat.
- Il ne contenait aucune option permettant au joueur d'opter ultérieurement pour sa conclusion.
- Il exprimait une volonté ferme et définitive d'être lié en cas d'acceptation.
Sur la rétractation
L'employeur a tenté de rétracter son offre par courriel en juin 2020, après son acceptation par le joueur. En vertu des principes dégagés par les arrêts précités et des articles 1114 et 1116 du Code civil, une offre ne peut être révoquée après son acceptation ou avant l'expiration d'un délai raisonnable si aucun délai précis n'est fixé. La Cour a constaté que cette rétractation était tardive car elle est intervenue postérieurement à l'acceptation par M. [F].
Extrait de la décision :
« La rétractation ne pouvait donc faire obstacle à la conclusion du contrat de travail ».
Sur la rupture abusive
La rupture unilatérale par l'employeur constitue une faute engageant sa responsabilité contractuelle, car le contrat avait été formé suite à l'acceptation de l'offre par le joueur. La Cour a confirmé l'indemnisation accordée en première instance : 49 758 euros, correspondant à deux années de salaire minimum conventionnel applicable.
Sur les autres demandes
La demande formulée par la société visant à réduire à zéro une clause pénale prévue dans le contrat a été rejetée, car cette clause n’avait pas été invoquée par le joueur.
Décision finale
La Cour d'appel confirme :
- L’existence d’un contrat de travail entre les parties.
- La condamnation pour rupture abusive dudit contrat.
- Le paiement des dépens et une indemnité supplémentaire de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Mots clés
Offre de contrat, article 1114 du Code civil, article 1124 du Code civil, arrêts du 21 septembre 2017, acceptation, rétractation postérieure à l’acceptation, rupture abusive, responsabilité contractuelle, Conseil de prud’hommes, indemnisation