23/00478
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Douai (chambre sociale), par arrêt du 28 mars 2025, sur le fondement principal de l'article L.1243-4 du Code du travail, a infirmé la décision prud'homale quant à la durée des droits et à la prise en compte de l'avantage en nature, retenant que l'employeur ne pouvait établir ni faute grave ni dissimulation imputable au salarié. La cour a condamné l'association BASKET CLUB LIEVINOIS à verser à M. [X] la somme globale de 68 407 euros de dommages-intérêts, assujettie aux cotisations sociales, avec intérêts légaux à compter de l'arrêt, au titre de la rupture fautive du contrat de travail à durée déterminée.
En détail
Les parties impliquées dans l'affaire sont :
- Appelante : Association BASKET CLUB LIEVINOIS, employeur participant au championnat de France de basket nationale 2 ;
- Intimé : M. [W] [X], joueur professionnel de basket.
Le principal problème juridique portait sur la qualification de la rupture anticipée du CDD, la possibilité pour l'employeur d'invoquer la faute grave, la nullité du contrat pour dol, ainsi que sur la durée et la consistance de l'indemnisation à verser au sportif salarié.
Exposé du litige, faits et arguments
M. [X] avait été recruté pour deux saisons (24 mois) à compter du 1er juillet 2021, avec avantage en nature (logement). Un avenant prévoyait une option de sortie rivée au bénéfice du joueur. À la suite d'un examen médical du 16 juillet 2021 révélant une déficience musculaire, l'association a mis à pied le salarié, puis rompu le contrat le 7 août 2021, alléguant, d'une part, l'incapacité physique du joueur et, d'autre part, la dissimulation par ce dernier d'un accident de travail antérieur.
Le conseil de prud'hommes de Lens, par jugement du 26 janvier 2023, impute la faute de rupture à l'employeur et condamne l'association à un montant limité à l'indemnisation de 11 mois. Les parties ont interjeté appel, l'association contestant toute faute et le salarié sollicitant l'intégralité de l'indemnité sur la totalité du CDD et l'inclusion des avantages.
Les motifs de la décision
Le plan de motivation s'organise autour de trois axes :
- Sur la faute grave et la nullité du contrat
- Sur la durée du contrat et les éléments indemnitaires
- Sur la liquidation et accessoires financiers
Sur la faute grave et la nullité du contrat
Sur le fondement de l'article L.1243-1 du Code du travail, la Cour rappelle que faute grave et inaptitude constituent deux causes autonomes et distinctes de rupture d'un CDD. Elle juge inopérante toute clause exigeant du sportif d'être opérationnel dès le début du contrat, considérant qu'une telle stipulation, visant la santé, ne saurait consacrer une faute grave. L'incapacité physique, non établie à la date de la reprise effective du championnat, ne saurait être retenue à l'encontre du salarié.
Quant à l'accusation de dissimulation d'un antécédent médical, la Cour considère, sur le terrain de la nullité du contrat pour dol, que le grief porte sur l'état antérieur à l'embauche et ne peut caractériser une faute grave postérieure. En outre, elle constate, preuves à l'appui, que la blessure de M. [X] était notoire dans le milieu sportif et accessible à l'employeur, celui-ci ayant l'obligation de prendre des renseignements sur ses futurs salariés.
Extrait de la décision :
"Une cause éventuelle de nullité, tel un vice du consentement lequel repose par hypothèse sur des agissements antérieurs au commencement d'exécution et à la date d'effet de la relation de travail, ne peut valoir faute grave laquelle, par définition, ne peut naître que postérieurement et à l'occasion de l'accomplissement des prestations réciproques."
Sur la durée du contrat et la consistance de l'indemnité
Sur le fondement de l'article L.1243-4 du Code du travail, la Cour constate que l'avenant contractuel ne spécifiait la faculté de sortie que pour le bénéfice exclusif du joueur, privant ainsi l'employeur de tout argument d'écourter la durée du CDD pour des motifs autres. La durée indemnisée doit donc courir sur 24 mois.
La Cour écarte la limitation fondée sur le jugement de première instance et prend en compte la totalité des salaires contractuels, ajoutant la valorisation annuelle de l'avantage en nature (500 euros/mois), attachée à l'exécution du contrat.
Sur la liquidation et accessoires financiers
La Cour retient une indemnité globale de 68 407 euros, conforme au plafond de demande. Elle rappelle que cette somme, de nature indemnitaire, est soumise à cotisation sociale et produit intérêts légaux à compter de l'arrêt conformément à l'article L.1243-4 du Code du travail.
La Cour confirme enfin le rejet du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, le salarié ne justifiant pas d'un préjudice distinct, et condamne l'employeur aux dépens et à 1 500 euros de frais irrépétibles en appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Répercussions : Cette décision illustre l'exigence d'une distinction rigoureuse entre l'appréciation de la santé du sportif et la qualification de la faute, éclaire la portée de la clause de sortie dans les CDD sportifs et consacre le droit du joueur à l'indemnité intégrale en cas de rupture fautive par le club.
Mots clés
contrat à durée déterminée sportif, faute grave, inaptitude, dol, nullité du contrat, article L.1243-4 du Code du travail, avantage en nature, indemnité de rupture, clause de sortie, preuve de l’état de santé