22/04365
Résumé
En bref
La Cour d’appel de Lyon (arrêt du 23 mai 2025) confirme la nullité du contrat à durée déterminée signé par M. [M] avec la SASP LHC Les Lions, sur le fondement de l’article L. 632-1 du Code de commerce, en raison du déséquilibre manifeste et de la situation financière irrémédiablement compromise du club lors de la conclusion du contrat. La Cour réforme partiellement le jugement en accordant à M. [M] une indemnité de 2 000 euros pour les prestations effectivement fournies, à inscrire au passif de la liquidation, tout en rejetant la garantie de l’UNEDIC AGS CGEA.
En détail
Les parties impliquées sont, d’une part, M. [R] [M], joueur professionnel de hockey sur glace, titulaire d’un CDD conclu avec la société LHC Les Lions, et, d’autre part, le liquidateur judiciaire de la SASP LHC Les Lions et l’Association UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4]. Le litige trouve son origine dans la conclusion, le 1er août 2019, d’un contrat à durée déterminée entre M. [M] et la SASP LHC Les Lions. Or, à cette date, la SASP se trouvait dans une situation financière très dégradée, sa participation au championnat ayant été refusée le 11 juillet 2019, entraînant sa rétrogradation en Division 3. M. [M], ignorant l’étendue exacte des difficultés, a pris acte de la rupture du contrat dès le 17 septembre 2019. Placée en liquidation judiciaire, la société LHC Les Lions voit son actif et ses passifs intégrés dans la procédure collective à compter d’une cessation des paiements désormais fixée rétroactivement au 2 mai 2018. Les demandes et arguments de M. [M] portaient essentiellement :
- sur la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
- sur le paiement de diverses sommes au titre des salaires, indemnités et avantages contractuels,
- sur l’octroi de dommages et intérêts liés à la rupture abusive du contrat.
L’UNEDIC et le liquidateur opposaient la nullité du contrat pour déséquilibre manifeste et la suspension des effets des contrats dans le cadre de la procédure collective.
La question juridique centrale portait sur la validité du contrat de travail et les conséquences indemnitaires de sa nullité, notamment au regard de l'état financier du club lors de la conclusion du contrat. Motivations détaillées :
- Sur le fondement de l’article L. 632-1 du Code de commerce, la nullité du contrat a été prononcée par les juges du fond, confirmés par la Cour, en raison du déséquilibre manifeste et de l’absence de justification sportive du recrutement, la rétrogradation du club étant actée avant la signature. Il est jugé que ni l’ignorance par le salarié de la situation financière du club, ni la possible ancienneté d’une relation antérieure ne peuvent faire naître une validité du contrat ni accroître les droits du salarié.
- S’agissant des demandes indemnitaires, la Cour réaffirme que la nullité du contrat exclut toute requalification ou indemnité de rupture sur le fondement du contrat (Sur le fondement de l'article L. 1245-1 du Code du travail), rappelant que "la requalification d’un contrat nul étant impossible".
- S’agissant du travail exécuté entre le 1er août et le 17 septembre 2019, la Cour reconnait, suivant la jurisprudence constante, que la nullité d’un contrat ne fait pas obstacle à la rémunération des prestations effectivement accomplies, celles-ci devant être indemnisées à leur juste valeur. La Cour fixe ainsi à 2 000 euros la créance de M. [M], à inscrire au passif de la liquidation.
- Enfin, la Cour écarte la garantie de l’UNEDIC AGS CGEA dès lors que le contrat nul ne donne pas naissance à des salaires garantis (Sur le fondement de l'article L. 3253-6 du Code du travail).
Extrait de la décision :
« Attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a retenu que le contrat de travail signé entre M. [M] et la société LHC Les Lions le 1er août 2019 était manifestement déséquilibré et a prononcé sa nullité en application de l'article L. 632-1 du code de commerce ; qu'en réponse aux objections formulées par le salarié, la cour ajoute d'une part que la circonstance, à la supposer établie, qu'il n'aurait pas connu l'état de cessation des paiements ni même l'existence des difficultés financières de la société LHC Les Lions est sans incidence, d'autre part que le contrat litigieux a bien été conclu le 1er août 2019 et que M. [M] ne peut donc prétendre que les parties étaient liées contractuellement antérieurement à la date de cessation de paiements ».
En synthèse, la Cour d’appel de Lyon précise les contours du régime de nullité des contrats de sportifs professionnels, dans le contexte d’une procédure collective, en rappelant les exigences d’équilibre contractuel (article L. 632-1 du Code de commerce) et en soulignant l'obligation d'indemnisation pour prestation réalisée, même lorsque le contrat est annulé. Cette décision confirme l’importance pour les clubs professionnels de ne pas conclure de contrats manifestement dépourvus de cause sérieuse, sous peine de nullité, sans pour autant priver de tout droit à rémunération les salariés pour le travail accompli.
Mots clés
Contrat de travail, nullité du contrat, sportif professionnel, équilibre contractuel, liquidation judiciaire, article L. 632-1 du Code de commerce, indemnisation des prestations accomplies, requalification refusée, créance salariale, exclusion de garantie AGS.