24/00203
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Montpellier, statuant en référé le 15 janvier 2025, a suspendu l'exécution provisoire de l'ordonnance du 23 septembre 2024 du tribunal de commerce de Béziers, qui avait condamné la SARL Carrierefoot à payer à M. [M] la somme de 103.500 euros HT au titre de commissions impayées. La motivation principale repose sur l'existence de moyens sérieux de réformation de la décision de première instance, au sens de l’article 514-3 du Code de procédure civile, ainsi que sur le risque de conséquences manifestement excessives pour la société Carrierefoot en cas d’exécution immédiate. La Cour ordonne donc l’arrêt de l’exécution provisoire et laisse à chaque partie la charge de ses frais.
En détail
Parties impliquées
- Demanderesse au référé : SARL Carrierefoot, société d’agent sportif.
- Défendeur au référé : M. [P] [M], entrepreneur individuel, apporteur d’affaires et coach mental.
Problèmes juridiques en jeu
- Validité et opposabilité d’un contrat d’apporteur d’affaires et de coach mental dans le secteur sportif, au regard de la réglementation sur l’activité d’agent sportif (notamment les articles L222-7 et suivants du Code du sport).
- Existence de moyens sérieux de réformation de la décision de première instance ayant condamné la SARL Carrierefoot au paiement de commissions.
- Risque de conséquences manifestement excessives en cas d’exécution provisoire de la décision.
Question juridique principale
La Cour devait déterminer si, au regard des contestations soulevées et de la situation financière de la SARL Carrierefoot, il convenait de suspendre l’exécution provisoire de la condamnation prononcée en référé par le tribunal de commerce de Béziers.
Exposé du litige, faits et arguments
Le 9 janvier 2016, un contrat de partenariat à durée indéterminée est conclu entre la SARL Carrierefoot et M. [M], ce dernier devant percevoir 50 % des commissions générées par les contrats signés par le joueur [X] [C]. M. [M] assigne la société en paiement de deux factures impayées (22.500 € et 81.000 €). Le tribunal de commerce de Béziers condamne la société à payer ces sommes à titre provisionnel. La SARL Carrierefoot interjette appel et sollicite la suspension de l’exécution provisoire, invoquant l’absence de licence d’agent sportif de M. [M], la contrariété du contrat à l’ordre public (rémunération supérieure à 10 % du contrat, en violation de l’article L222-17 du Code du sport), l’absence de preuve des paiements et la situation financière précaire de la société. M. [M] soutient qu’il agit en tant qu’apporteur d’affaires et coach mental (et non en tant qu’agent sportif), que la société a régulièrement versé des rémunérations par le passé, et que la contestation n’est pas sérieuse.
Motifs de la décision
1. Sur le moyen sérieux de réformation
Sur le fondement de l’article 514-3 du Code de procédure civile, la Cour rappelle qu’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation est un moyen qui, par sa pertinence, a des chances raisonnables de succès devant la juridiction d’appel. La Cour relève que M. [M] ne justifie pas de la perception effective des premiers versements ni de la perception par la SARL Carrierefoot des commissions versées par les clubs. De plus, les documents produits ne permettent pas d’établir le versement effectif des sommes revendiquées. Enfin, la Cour constate que les sommes mentionnées sur les factures ne correspondent pas à la moitié des sommes revendiquées selon l’échéancier. Dès lors, il existe des moyens sérieux de réformation de la décision de première instance.
Extrait de la décision :
« Faute de licence délivrée par la fédération, M. [M] ne peut exercer l'activité d'agent sportif, statut qu'il ne revendique nullement, mais il peut prétendre en vertu du contrat du 9 janvier 2016 à des honoraires en tant qu'apporteur d'affaires lors de la signature du premier contrat au sein d'un club de M. [X] [C] et en tant que coach mental (…) Toutefois, outre que le caractère probant de la photographie d'un message apparaissant sur un écran d'ordinateur, dont la cour ignore l'auteur et le destinataire, peut être remis en cause, il apparaît que M. [I], s'il fournit des factures qu'il a lui-même émises et adressées à la SARL Carrierefoot, ne justifie nullement de la perception des premiers versements, élément de nature à corroborer ses dires (…) ».
2. Sur le risque de conséquences manifestement excessives
Sur le fondement de l’article 514-3 du Code de procédure civile, la Cour examine la situation financière de la SARL Carrierefoot, qui présente un résultat d’exploitation très faible, des créances douteuses importantes et un risque de cessation de paiement en cas d’exécution immédiate de la condamnation. La Cour estime que l’exécution provisoire serait de nature à générer des conséquences manifestement excessives pour la société.
3. Sur les dépens et frais irrépétibles
La Cour, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, juge qu’il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais.
Mots clés
suspension de l’exécution provisoire, référé, agent sportif, apporteur d’affaires, commission, moyens sérieux de réformation, conséquences manifestement excessives, article 514-3 du Code de procédure civile, article L222-17 du Code du sport, preuve du paiement