24/04929
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Montpellier infirme partiellement l'ordonnance de référé du Tribunal de commerce de Béziers en réduisant le montant de la provision accordée. Sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile et de l'article L. 222-7 du code du sport, la Cour qualifie le contrat litigieux de contrat de préparation mentale et non de contrat d'apporteur d'affaires “dont la rémunération serait susceptible d'être limitée, voire interdite en application des dispositions d'ordre public du code du sport.”. Elle condamne provisionnellement la société d’agent sportif à verser 54 900 euros HT (au lieu de 103 500 euros), correspondant à 50% des commissions effectivement perçues par la société.
En détail
Les parties
L'affaire oppose la SARL Carrièrefoot, société d'agent sportif dirigée par M. [N] [J], agent FFF, à Monsieur [Y] [Z], entrepreneur individuel exerçant une activité de préparateur mental et conseil auprès de joueurs professionnels.
Le problème juridique principal
La question centrale porte sur la qualification juridique du contrat de partenariat du 9 janvier 2016 et sa conformité aux dispositions d'ordre public du code du sport régissant l'activité d'agent sportif, notamment l'article L. 222-7.
L'exposé du litige
M. [Z] avait signé un contrat de partenariat avec Carrièrefoot pour exercer des missions de préparation mentale auprès du joueur [B] [F]. Ce contrat prévoyait une rémunération égale à 50% des commissions perçues par l'agent sportif sur tous les contrats du joueur. M. [Z] a émis deux factures totalisant 103 500 euros HT correspondant à sa part sur les commissions des contrats FC Girondins 2023/24 et US Lecce 2023/2024. Face au défaut de paiement, il a obtenu une ordonnance de référé lui accordant la totalité de cette provision.
Les arguments des parties
Carrièrefoot soutenait que le contrat était en réalité un contrat d'apporteur d'affaires déguisé, contraire aux dispositions d'ordre public du code du sport qui réservent la perception de commissions aux seuls agents sportifs licenciés. Elle invoquait l'article L. 222-7 du code du sport et contestait la validité de la clause de rémunération automatique sur tous les contrats futurs du joueur.
M. [Z] revendiquait son double statut de préparateur mental et d'apporteur d'affaires, justifiant une rémunération indexée sur les résultats obtenus par le joueur grâce à son accompagnement. Il démontrait la réalité de ses prestations de coaching mental.
Les motifs de la décision
Sur la qualification du contrat
Sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, la Cour rappelle que le juge des référés peut accorder une provision lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Elle précise qu'il peut se prononcer sur un contrat clair et dépourvu d'ambiguïté ou tirer les conséquences d'un contrat exécuté.
La Cour procède à une analyse détaillée des stipulations contractuelles. Elle relève que l'article 1 définit l'objet comme des "missions de coaching sportif et mental", que l'article 2 détaille précisément les obligations de préparation mentale et physique, et que l'article 3 organise la rémunération en contrepartie de ces prestations réelles.
Sur le fondement de l'article L. 222-7 du code du sport, qui définit l'activité d'agent sportif comme consistant à "mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat", la Cour constate que M. [Z] n'exerce pas une activité d'agent sportif mais bien une activité de préparation mentale.
Sur la validité de la rémunération
La Cour considère que les parties ont organisé leurs relations en rémunérant le travail de préparation mentale à l'origine de la progression du joueur, générateur de revenus dans la durée. Elle valide le principe d'une globalisation des revenus partagés par moitié entre l'agent et le préparateur mental.
La Cour écarte l'argument selon lequel il s'agirait d'un contrat d'apporteur d'affaires prohibé, relevant que Carrièrefoot ne conteste pas la réalité de l'activité de préparateur mental et que le contrat a été exécuté pendant plusieurs années sans ambiguïté.
Sur le montant de la provision
Cependant, la Cour applique strictement la clause contractuelle qui conditionne le versement de la rémunération au versement effectif des commissions par les clubs à Carrièrefoot. Elle constate que Carrièrefoot n'a perçu que 64 800 euros du FC Girondins (sur 162 000 euros) et 45 000 euros de l'agent italien pour le contrat Lecce.
En conséquence, M. [Z] ne peut prétendre qu'à 50% des sommes effectivement perçues, soit 32 400 euros (50% de 64 800) et 22 500 euros (50% de 45 000), totalisant 54 900 euros au lieu des 103 500 euros initialement accordés.
Extrait de la décision
"Ainsi, le contrat de partenariat en date du 9 janvier 2016, conformément à son objet, n'est pas un contrat d'apporteur d'affaires, dont la rémunération serait susceptible d'être limitée, voire interdite en application des dispositions d'ordre public du code du sport. Ce contrat ne comporte aucune ambiguïté et a été exécuté pendant plusieurs années."
Mots clés
Agent sportif, Code du sport, Contrat de partenariat, Préparation mentale, Apporteur d'affaires, Référé-provision, Article L. 222-7, Ordre public sportif, Commission sportive, Conditionnalité de paiement