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Résumé
En bref
Saisi en référé, le Premier Président de la Cour d'appel de Nancy rejette la demande d’un club de football professionnel visant à obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire d'un jugement prud'homal le condamnant à verser diverses indemnités à un ancien salarié. La décision se fonde sur une application stricte des articles 514-3 et 517-1 du Code de procédure civile, qui exigent la réunion de conditions cumulatives. Le magistrat estime que la condition tenant à l'existence de conséquences manifestement excessives n'est pas remplie, le club n'ayant pas fourni de preuves comptables à jour de sa situation financière tout en bénéficiant d'une promotion sportive et d'une vente de joueur, et le salarié justifiant pour sa part de facultés de remboursement suffisantes.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : La SASP NANCY LORRAINE, club de football professionnel, et Monsieur [M] [L], ancien entraîneur/formateur puis responsable du recrutement, licencié pour motif économique.
- Problèmes juridiques : L'affaire porte sur les conditions de l'arrêt de l'exécution provisoire d'une décision de première instance, qu'elle soit de droit ou facultative, dans le cadre d'un contentieux prud'homal sportif.
- Question juridique principale : Les conditions cumulatives prévues par les articles 514-3 et 517-1 du Code de procédure civile, à savoir l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et le risque de conséquences manifestement excessives, sont-elles réunies pour justifier l'arrêt de l'exécution provisoire d'un jugement prud'homal ?
- Exposé du litige : Suite à son licenciement, M. [L] a obtenu gain de cause devant le Conseil de Prud'hommes de Nancy, qui a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné le club au paiement de diverses sommes, en ordonnant l'exécution provisoire. La SASP NANCY LORRAINE a interjeté appel et a saisi le Premier Président d'une demande d'arrêt de cette exécution provisoire.
- ❌ Arguments du club (SASP NANCY LORRAINE) : Le club soutient qu'il existe un moyen sérieux de réformation du jugement et que son exécution entraînerait des conséquences manifestement excessives en raison de ses difficultés financières.
- ✅ Arguments du salarié (M. [L]) : Le salarié conteste la réunion des deux conditions, arguant de l'absence de moyen sérieux et de conséquences excessives, tout en mettant en avant sa propre solvabilité et sa capacité à restituer les fonds en cas d'infirmation du jugement.
2. ANALYSE DES MOTIFS
Le Premier Président structure son raisonnement en rappelant d'abord le cadre juridique applicable à l'arrêt de l'exécution provisoire avant de procéder à une appréciation concrète des éléments de l'espèce, en se concentrant sur la seconde condition exigée par les textes. Le magistrat rappelle la dualité du régime de l'exécution provisoire en matière prud'homale (de droit pour certaines indemnités, facultative pour d'autres) mais souligne que, dans les deux cas, son arrêt est subordonné à la démonstration de deux conditions cumulatives. ⚖️ Sur le fondement des articles 514-3 (exécution de droit) et 517-1 (exécution ordonnée) du Code de procédure civile, le demandeur doit prouver cumulativement 1️⃣ un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et 2️⃣ que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. L'absence d'une seule de ces conditions suffit à faire échec à la demande. Le raisonnement se focalise ensuite exclusivement sur la seconde condition, celle des conséquences manifestement excessives, dont l'appréciation est guidée par une grille de lecture alternative. ➡️ Le magistrat précise que ces conséquences s'évaluent soit au regard de la situation du débiteur (le club), soit au regard des facultés de remboursement du créancier (le salarié). Il s'agit de critères alternatifs et non cumulatifs.
"S'agissant de la seconde condition posée par les articles 514-3 et 517-1 du code de procédure civile, les conséquences manifestement excessives doivent être appréciées par rapport à la situation du débiteur eu égard à ses facultés ou aux facultés de remboursement du créancier. Ces critères, situation débiteur / faculté de restitution du bénéficiaire, sont alternatifs et non cumulatifs." (Décision, p. 5)
Cette clarification méthodologique structure toute l'analyse subséquente. Le juge examine successivement la situation de chacune des parties au regard de cette condition. 🔍 Examen de la situation du débiteur (SASP NANCY LORRAINE) Le Premier Président procède à une appréciation souveraine des pièces versées aux débats pour évaluer la situation financière du club. Il constate que si le club justifie de difficultés pour les exercices passés, il se montre défaillant dans la production d'informations financières actuelles et pertinentes. ⚠️ L'absence des éléments comptables de l'année 2024/2025, pourtant communiqués à la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) dans le cadre de sa montée en Ligue 2, est relevée comme une carence probatoire significative, qui affaiblit la crédibilité de l'argumentaire du club.
"En l'espèce, si la SASP NANCY LORRAINE justifie de ses difficultés financières pour les années 22/23 et 23/24, elle ne produit pas les éléments comptables pour l'année 24/25 alors qu'elle les a communiqués à la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) et qu'elle a obtenu la montée en ligue 2." (Décision, p. 6)
Cette omission est d'autant plus préjudiciable à la démonstration du club que des éléments contraires, tels que la vente d'un joueur pour un montant supérieur à un million d'euros, sont également pris en compte. 🔍 Examen des facultés de remboursement du créancier (M. [L]) À l'inverse, le magistrat constate que le salarié apporte des preuves tangibles de sa solvabilité. 🎓 Il justifie de revenus mensuels stables et de la propriété de deux biens immobiliers, éléments de nature à garantir sa capacité de restitution des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire si le jugement venait à être infirmé en appel.
"De son côté, M. [L] justifie de ce que ses ressources sont de 5.800 euros par mois et qu'il est propriétaire de deux biens immobiliers." (Décision, p. 6)
Il résulte de cette double analyse que la condition relative aux conséquences manifestement excessives n'est pas remplie. Le club échoue à démontrer l'impact financier insurmontable de l'exécution, tandis que le salarié offre des garanties suffisantes de remboursement. La nature cumulative des conditions de l'arrêt de l'exécution provisoire emporte donc mécaniquement le rejet de la demande de la SASP, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'existence d'un moyen sérieux de réformation.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"S'agissant de la seconde condition posée par les articles 514-3 et 517-1 du code de procédure civile, les conséquences manifestement excessives doivent être appréciées par rapport à la situation du débiteur eu égard à ses facultés ou aux facultés de remboursement du créancier. Ces critères, situation débiteur / faculté de restitution du bénéficiaire, sont alternatifs et non cumulatifs." (Page 5 de la décision)
4. POINTS DE DROIT
- ⚖️ Conditions cumulatives de l'arrêt de l'exécution provisoire : La décision réaffirme que l'arrêt de l'exécution provisoire, qu'elle soit de droit ou ordonnée, est subordonné à la preuve par le demandeur de la réunion de deux conditions cumulatives : l'existence d'un moyen sérieux de réformation et le risque de conséquences manifestement excessives (fondement : articles 514-3 et 517-1 du CPC).
- 🎯 Critères d'appréciation des conséquences manifestement excessives : Le risque de conséquences manifestement excessives s'apprécie de manière alternative : 🔗 soit au regard de la situation financière du débiteur, 🔗 soit au regard des facultés de remboursement du créancier. La solvabilité du créancier peut donc faire échec à la demande d'arrêt, même en cas de difficultés avérées du débiteur.
- 👨⚖️ Appréciation souveraine et charge de la preuve : Le juge du référé se livre à une appréciation souveraine des éléments de preuve fournis. La non-communication par un club sportif de documents comptables récents et pertinents (tels que ceux soumis à la DNCG) peut être interprétée en sa défaveur dans l'appréciation de sa situation financière.
Mots clés
Exécution provisoire, Référé Premier Président, Arrêt de l'exécution provisoire, Conséquences manifestement excessives, Conditions cumulatives, Article 514-3 du Code de procédure civile, Article 517-1 du Code de procédure civile, Droit du travail sportif, DNCG, Appréciation souveraine.
NB : 🤖 résumé généré par IA