24/00556
Résumé
En bref
La Cour d’appel de Nancy, statuant le 5 juin 2025, infirme la décision du Conseil de prud’hommes de Nancy en ce qu’il s’était déclaré compétent et avait statué sur le fond. Sur le fondement de l’article L. 1221-1 du Code du travail, elle juge que la relation entre M. [U] [T] et l’ASNL ne constitue pas un contrat de travail, faute de preuve d’un lien de subordination. La Cour déclare le conseil des prud’hommes incompétent et renvoie M. [U] [T] à mieux se pourvoir, chaque partie conservant ses dépens et étant déboutée de ses demandes sur l’article 700 du code de procédure civile.
En détail
Les parties impliquées sont M. [U] [T], ancien responsable de préformation auprès de l’Association Sportive Nancy Lorraine (ASNL), et ladite association sportive. Après de nombreuses années de bénévolat à compter de 2004, M. [U] [T] revendiquait la requalification de sa relation avec l’ASNL en contrat de travail à durée indéterminée, réclamant divers rappels salariaux et indemnités au titre du travail dissimulé et du préjudice subi. L’ASNL, pour sa part, a contesté toute relation salariée, arguant de l’absence de lien de subordination et soutenant que les sommes versées à M. [U] [T] avaient une finalité indemnitaire liée à ses frais, et non salariale. Le principal problème juridique portait sur la requalification d’une relation de bénévolat en contrat de travail, au regard de l’existence alléguée d’un lien de subordination et de la nature des sommes perçues par M. [U] [T]. La question centrale était donc de déterminer si la situation de M. [U] [T], responsable de préformation, répondait aux critères du contrat de travail prévus à l'article L. 1221-1 du Code du travail et à la jurisprudence afférente, notamment en matière de subordination juridique. Exposé du litige et arguments des parties : M. [U] [T] sollicitait la requalification de sa mission de responsable de préformation en contrat de travail, invoquant la réalité d'un travail effectué contre rémunération, sous l'autorité de l'ASNL, et produisait des attestations, fiches de poste et échanges de courriels afin d'étayer la preuve du lien de subordination. Il expliquait percevoir une somme fixe mensuelle de 700 euros. L'ASNL soutenait pour sa part que l'activité de M. [U] [T] relevait du bénévolat et que les sommes versées n'étaient que des remboursements de frais. Elle insistait sur l'absence de preuve d'un pouvoir de direction, de contrôle ou de sanction, éléments essentiels à la caractérisation d'un lien de subordination, exigeant un contrat de travail.
Plan et motivation de la décision : Sur le fondement de l'article L. 1221-1 du Code du travail, la Cour rappelle que la charge de la preuve du contrat de travail pèse sur celui qui s'en prévaut, ce qui implique non seulement la fourniture d'un travail rémunéré mais aussi l'existence d'un lien de subordination. La Cour examine scrupuleusement les pièces produites par M. [U] [T] (attestations, échanges de mails, fiches de poste) et constate que celles-ci ne démontrent pas que l'ASNL avait un quelconque pouvoir de direction, de contrôle ou de sanction sur l'intéressé. Le fait de devoir respecter des échéances ou d'assister à certaines réunions ne révèle pas, selon la Cour, l'existence du lien de subordination requis, étant inhérent au fonctionnement même du bénévolat et à la bonne gestion d'une structure associative sportive. Sur la base de sa motivation, la Cour relève expressément que : – Aucun contrat de travail n'a été établi entre les parties ;
– Aucun bulletin de salaire n'a été transmis ;
– Les tâches et responsabilités assumées par M. [U] [T] s'inscrivent dans le cadre habituel du fonctionnement bénévole d'une association sportive ;
– Les attestations produites ne démontrent nullement l'existence d'un pouvoir hiérarchique caractérisé par le pouvoir de donner des ordres, contrôler l'exécution et sanctionner les manquements. La Cour infirme, en conséquence, le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il s’était déclaré compétent et avait statué sur le fond (article L. 1411-1 du Code du travail), considérant que les conditions de la qualification de contrat de travail ne sont pas réunies. Elle déboute M. [U] [T] de toutes ses demandes et le renvoie à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente.
Extrait de la décision :
« Le fait de devoir respecter des impératifs d'échéance, comme pour la commande de matériels, ou de présence ponctuelle à des réunions, M. [U] [T] ne mettant en avant qu'un seul mail (pièce 15 précitée) insistant pour qu'il soit présent lors de la visite des instances de la fédération de football, et à la demande de cette dernière, n'établit pas de lien de subordination. »
Points de droit importants et répercussions :
La Cour réaffirme avec pédagogie les critères de qualification du contrat de travail au sein des structures sportives, rappelant que la simple perception de sommes fixes ou l'accomplissement de tâches relevant d'un engagement associatif ne permet pas, à elle seule, de présumer l'existence d'un lien de subordination.
Cette décision confirme une position jurisprudentielle ferme sur la nécessité d'établir, de façon précise et circonstanciée, le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction exercé par l'association sportivement sur l'intéressé, comme condition sine qua non de la requalification.
La solution rappelle également la compétence d'attribution des juridictions prud'homales, conditionnée à la constatation préalable de l'existence d'un contrat de travail.
Mots clés
Contrat de travail, lien de subordination, bénévolat sportif, requalification, jurisprudence sociale, compétence prud’homale, association sportive, article L. 1221-1 Code du travail, contrôle hiérarchique, preuve du contrat