24/00565
Résumé
En bref
La Cour d’appel de Nîmes (5e chambre sociale) par arrêt du 8 septembre 2025, infirme le jugement du Conseil de prud’hommes de Nîmes ayant validé le licenciement pour motif économique de M. R. Elle retient l’absence de cause réelle et sérieuse, considérant que la SASP Nîmes Olympique n’établit pas le caractère indispensable de la réorganisation à la sauvegarde de sa compétitivité (au sens de l’article L. 1233-3 du Code du travail). Le club est condamné à verser au salarié des indemnités de licenciement, de préavis et 16 013 € de dommages-intérêts, outre 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
En détail
Parties impliquées
- Appelant : M. R, responsable billetterie, agent de maîtrise, engagé en 1996 par la SASP Nîmes Olympique (contrat à durée déterminée, puis indéterminée depuis 2008).
- Intimée : SASP Nîmes Olympique, club de football professionnel.
Principaux problèmes juridiques
- Détermination de la cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique, notamment sous l’angle de la nécessité de la réorganisation invoquée pour la sauvegarde de la compétitivité au regard de l’article L. 1233-3 du Code du travail.
- Identification de la pertinence des éléments économiques avancés et de leur niveau d’appréciation (centre de formation ou entreprise entière).
- Vérification du respect de l’obligation de reclassement et des règles relatives à la procédure.
Exposé du litige, faits et arguments
Le salarié, licencié le 1er septembre 2021 au motif de suppression de poste suite à la réorganisation du centre de formation et à la dématérialisation de la billetterie, conteste le bien-fondé économique de son éviction. Il objecte que le motif économique est analysé uniquement au regard des difficultés du centre de formation et des choix de gestion, alors que lui-même relevait de la structure professionnelle générale du club. Le club justifie cette suppression par la nécessité de résorber un déficit structurel aggravé par la crise sanitaire et la perte de subventions, et par l’évolution technique de la billetterie.
En première instance, le Conseil de prud’hommes de Nîmes juge ce licenciement justifié. Le salarié interjette appel pour voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités, le club concluant à la confirmation du jugement ou à une réduction des condamnations.
Plan des motifs et raisonnements de la Cour
Sur la cause économique et la sauvegarde de la compétitivité
Sur le fondement de l’article L. 1233-3 du Code du travail, la Cour rappelle que l’employeur doit prouver la réalité de la réorganisation indispensable à la sauvegarde de la compétitivité et que l’analyse doit se faire à l’échelle de l’entreprise. Elle constate que la lettre de licenciement ne vise que les déficits du centre de formation, alors même que la situation de l’entreprise, grâce à l’apport des actionnaires, n’est pas compromise et qu’aucun plan de licenciement n’a été prévu dans le plan de continuation.
Elle relève que les difficultés financières avancées par l’employeur ne sont pas suffisamment caractérisées et que la suppression du poste s’inscrit plutôt dans des choix de gestion non directement nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité globale.
Sur l’insuffisance du motif économique et le reclassement
La Cour observe, au vu des bilans et de l’audit de la DNCG, que le club pouvait exploiter son activité sans menaces immédiates pour la poursuite d’exploitation et critique l’absence de mesures internes d’économie ou de recherches de reclassement abouties.
Elle juge que la suppression du poste, même si l’activité billetterie a effectivement évolué, n’est pas suffisamment justifiée économiquement dans son cadre légal.
Sur les conséquences indemnitaires
Le licenciement est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le salarié a droit à l’indemnité compensatrice de préavis (5 337,60 €), aux congés payés afférents (533,76 €), à une indemnité de 16 013 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Le club est condamné à supporter les dépens d’instance et d’appel.
Extrait de la décision :
"Compte tenu de ces éléments, la société Nîmes Olympique ne justifie pas que le licenciement de M. R était rendu nécessaire par la mise en œuvre d'une réorganisation indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité. Le licenciement de M. R est par conséquent dénué de cause réelle et sérieuse."
Points de droit et répercussions
- Primauté de l’exigence de cause réelle et sérieuse dans le licenciement économique (article L. 1233-2 et L. 1233-3 du Code du travail).
- Nécessité pour l’employeur de justifier le lien direct entre la mesure et la sauvegarde de la compétitivité au niveau de l’entreprise.
- Valeur des éléments objectifs relatifs à la situation économique (bilan, audit, aides publiques) pour écarter l’existence d’une menace économique immédiate.
- Confirmation de l’importance de la proportionnalité et du contrôle juridictionnel dans l’évaluation des choix de gestion qui impactent le personnel.
Mots clés
Licenciement économique, Article L. 1233-3 Code du travail, Cause réelle et sérieuse, Réorganisation entreprise, Compétitivité, Centre de formation, Billetterie sportive, Reclassement, Dommages-intérêts prud’homaux, Article 700 Code procédure civile.