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Résumé
En bref
La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 29 mars 2024, a confirmé le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2021 dans toutes ses dispositions. Elle a considéré que la LFP était fondée à justifier le report de matchs de football sur le fondement de la force majeure, en raison du mouvement des "gilets jaunes", et qu'elle n'avait pas manqué à son devoir d'information préalable envers la société Groupe Canal+. La décision se fonde principalement sur les articles 1134, 1147, 1148, 1150 et 1151 du code civil, dans leur version applicable avant le 1er octobre 2016.
Extrait de la décision :
"En conséquence, la LFP était bien fondée à justifier le report des matchs critiqués sur le fondement de la force majeure telle qu'elle était visée par la clause exonératoire de responsabilité."
En détail
Cette affaire oppose la société Groupe Canal+ à l'association Ligue de Football Professionnel (LFP). Groupe Canal+ avait acquis en 2014 les droits de diffusion de matchs de Ligue 1 et de la Coupe de la Ligue pour les saisons 2016/2017 à 2019/2020.
Suite au mouvement social des "gilets jaunes" fin 2018-début 2019, plusieurs matchs ont été reportés après des échanges entre les préfectures et la LFP. Groupe Canal+ a alors assigné la LFP pour obtenir 46 millions d'euros de dommages-intérêts, lui reprochant sa responsabilité dans ces reports.
La Cour a examiné plusieurs points :
- Le périmètre exact des matchs concernés par le litige
- Le bien-fondé des reports de matchs, au regard des clauses contractuelles sur les décisions de l'autorité publique et la force majeure
- L'éventuel manquement de la LFP à son devoir d'information préalable de Groupe Canal+
- Des faits de dénigrement reprochés à Groupe Canal+ pour avoir divulgué des extraits de l'assignation dans la presse
La Cour a considéré que le mouvement des "gilets jaunes", bien qu'appelé à durer dans le temps, présentait un caractère imprévisible et irrésistible pour plusieurs raisons :
- Ce mouvement s'est présenté comme une "protestation collective chaotique dans sa dynamique et son organisation", avec des occupations intempestives et diversifiées d'espaces publics non autorisés, des dégradations répétées de bâtiments publics et des risques pour l'intégrité des personnes.
- Ce caractère chaotique et non organisé faisait peser "un aléa permanent sur la gestion de l'ordre public auquel les autorités de l'État et ses représentants ont dû s'adapter au jour le jour par une mobilisation exceptionnelle des forces de l'ordre à répartir sur l'ensemble du territoire national."
- La LFP ne disposait pas des ressources adaptées pour assurer seule le maintien de l'ordre à l'extérieur des stades. Elle devait nécessairement s'en remettre aux préfets, seuls dotés des pouvoirs et moyens pour assurer la sécurité des matchs.
- Or la mobilisation des forces de l'ordre par les préfets "était indiscutablement soumise aux aléas imprévisibles du mouvement, rendant ainsi tout aussi imprévisibles les garanties de calendrier de programmation des matchs de football de Ligue 1 et de la Coupe de la Ligue dans les délais de leurs règlements."
La Cour a aussi estimé que la LFP avait bien informé Groupe Canal+ des contraintes liées à la reprogrammation des matchs.En revanche, la Cour a confirmé que Groupe Canal+ avait dénigré la LFP en divulguant des extraits accusateurs de l'assignation dans la presse, lui portant ainsi atteinte, et l'a condamnée à 10.000 euros de dommages-intérêts de ce chef.
Groupe Canal+ a été déboutée de ses demandes et condamnée à verser 20.000 euros à la LFP au titre des frais de procédure.
Mots clés
Droits TV du football, Reports de matchs, Mouvement social des "gilets jaunes", Force majeure, Dénigrement, Article 1148 du Code civil (force majeure)