2300288
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Pau (5 juin 2025, n°23/00288), statuant sur le fondement des articles L.222-2 et suivants du Code du sport et de l’article 500 de la charte du football professionnel, a jugé que M. [S] [P] bénéficiait du statut de footballeur professionnel et non amateur. Elle a requalifié son contrat en temps complet, reconnu l’existence d’un travail dissimulé, et condamné l’Association Pau Football Club à lui verser plusieurs indemnités et rappels de salaire, dont 72 730 € pour non-respect de la durée conventionnelle du contrat, 15 281,70 € pour travail dissimulé, et 10 679,46 € de rappel de salaire. Les demandes subsidiaires du salarié et l’astreinte ont été rejetées.
En détail
Les parties en cause étaient l'Association Pau Football Club (appelante) et M. [S] [P] (intimé), engagé par contrat spécifique à durée déterminée en qualité de « joueur de football statut amateur » pour la saison 2020-2021.
La question juridique centrale portait sur la qualification du contrat de travail (statut professionnel ou amateur), la nature du contrat (temps complet/partiel) et le respect des obligations sociales et conventionnelles afférentes au football professionnel.
Exposé du litige et prétentions
M. [S] [P] a été recruté par l'Association Pau FC par un contrat à durée déterminée pour jouer en tant qu'amateur, mais il revendiquait le statut de footballeur professionnel au vu des fonctions, des conditions d'emploi et de son intégration au groupe professionnel (entraînements, convocations, communications internes, etc.). À l'issue de la relation contractuelle, il a sollicité rappels de salaire, indemnité pour travail dissimulé, indemnité compensatrice résultant d'une rupture anticipée non conforme, et subsidiairement la requalification du contrat en CDI. Le Conseil de prud'hommes de Pau avait jugé que M. [S] [P] était amateur, mais avait néanmoins ordonné la requalification du contrat à temps complet, reconnu le travail dissimulé et alloué divers rappels et indemnités.
Motifs de la décision
1. Sur le statut professionnel ou amateur :
Sur le fondement de l'article L.222-2 du Code du sport, de l'article 500 de la charte du football professionnel et de la jurisprudence, la Cour relève que, malgré la mention du « statut amateur » et de la licence correspondante, M. [S] [P] exerçait une activité exclusive et subordonnée pour le club, était intégré pleinement au groupe professionnel et n'occupait pas d'autre emploi. Les preuves produites (communication interne, missions confiées, conditions d'entraînement, publications du club) démontrent l'effectivité d'une activité de joueur professionnel. La Cour fonde également son raisonnement sur l'absence d'obstacle à qualifier professionnellement un joueur titulaire d'une licence amateur, évoquant l'arrêt Cass. soc., 12 décembre 2012, n°11-14823.
Extrait de la décision :
"Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'hormis le fait qu'il s'entraînait une fois par semaine avec l'équipe réserve, rien ne distingue son activité de celle d'un joueur de l'équipe évoluant en ligue 2 et elle était principalement celle d'un tel joueur. Ainsi, il est à considérer que M. [P] a eu pour activité rémunérée l'exercice du football professionnel au sens de l'article 500 de la charte du football professionnel, sous la subordination de l'association Pau Football Club."
2. Sur la requalification du contrat à temps complet :
Sur le fondement de l'article L.3123-6 du Code du travail, la Cour constate l'absence de mention de la répartition du temps de travail et de communication régulière des plannings, ce que confirment également les exigences de l'article 12.7.1.3 de la convention collective nationale du sport. En conséquence, la présomption de temps complet s’applique au bénéfice du salarié. L'employeur ne renverse pas la présomption, aboutissant à la requalification du contrat et au rappel de salaire et de congés payés afférents, calculés selon les minima conventionnels en vigueur.
3. Sur le travail dissimulé :
Sur le fondement des articles L.8221-5 et L.8223-1 du Code du travail, la Cour relève que la rémunération, en partie dissimulée sous forme de "prime de manifestations sportives" bénéficiaire d'un mécanisme d'exonération sociale, ne correspondait pas à une réalité de prestation de services, ni à une stipulation contractuelle, masquant ainsi une partie du salaire soumis à cotisations. L'élément intentionnel du travail dissimulé est caractérisé, ouvrant droit à l'indemnité forfaitaire prévue par la loi.
4. Sur la non-conformité de la durée du contrat :
Pour la rupture du contrat, la Cour applique l'article 501 de la charte du football professionnel et l'article L.222-2-4 du Code du sport, qui imposent une durée de trois saisons pour un premier contrat professionnel. La rupture anticipée a donc causé un préjudice indemnisé à hauteur des salaires bruts que le joueur aurait dû percevoir sur trois ans (selon les minimums fixés à l'article 759 de la charte).
Mots clés
statut de joueur professionnel, charte du football professionnel, code du sport, durée minimale du contrat, requalification à temps plein, travail dissimulé, indemnité forfaitaire, convention collective nationale du sport, rupture illicite du CDD spécifique, subordination juridique