23/01294
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Reims a partiellement infirmé le jugement du Tribunal judiciaire de Reims. Elle a fondé sa décision sur les anciens articles 1134 et 1147 du Code civil, relatifs à l'obligation de conseil et d'information. La Cour a condamné solidairement les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, en tant qu'assureurs de la société FC Associés, à verser des dommages et intérêts à M. [Z], ancien footballeur professionnel, pour perte de chance et préjudice moral, suite à des manquements dans le conseil en gestion de patrimoine.
En détail
Parties impliquées
Appelant : M. [M] [Z].
Intimées :
- Société MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société COVEA RISKS (assureurs de la société FC Associés) ;
- Société SELARL [I] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL FC Associés.
Problèmes juridiques principaux
- Responsabilité d'un conseiller en gestion de patrimoine pour manquement à son devoir de conseil et d'information ;
- Prescription de l'action en responsabilité ;
- Évaluation du préjudice résultant d'un mauvais conseil financier, notamment la perte de chance.
Questions de droit
La société FC Associés a-t-elle manqué à son obligation de conseil et d'information envers M. [Z] ? Le cas échant, quels sont les préjudices indemnisables ?
Résumé des faits et arguments
M. [Z], ancien footballeur professionnel, a confié la gestion de son patrimoine à la société FC Associés. Sur les conseils de cette société, il a réalisé des investissements immobiliers et souscrit des contrats d'assurance vie. Suite à la baisse de ses revenus après sa carrière sportive, il n'a pu honorer ses engagements financiers. M. [Z] a alors assigné la société FC Associés et ses assureurs, estimant avoir subi un préjudice en raison du manquement de la société à ses obligations.
M. [Z] argue que la société FC Associés a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil en lui proposant un investissement inadapté à sa situation personnelle, lui causant une perte de chance et un préjudice moral.
Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles soutiennent que la société FC Associés n'a commis aucune faute et que M. [Z] a été informé des risques liés à l'investissement. La SELARL [I] [X] ès qualités de liquidateur de la société FC Associés soulève la prescription de l'action et conteste l'existence d'un manquement de la société à ses obligations.
Motifs de la décision
Sur la prescription de l'action
La Cour rappelle que, selon l'article 2224 du Code civil, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Elle considère que le délai de prescription a commencé à courir au plus tôt le 21 mars 2017, et que l'action n'est donc pas prescrite.
Sur la faute de la société FC Associés
La Cour examine les obligations de conseil et d'information, en application des anciens articles 1134 et 1147 du Code civil. Elle souligne que le conseiller doit guider son client, l'éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales, et vérifier que les investissements sont adaptés à sa situation. La charge de la preuve pèse sur le conseiller.
La Cour relève que la société FC Associés n'a pas prouvé avoir informé M. [Z] des obligations essentielles liées au montage d'optimisation fiscale. Elle estime que la société FC Associés ne pouvait ignorer les particularités de la carrière d'un sportif.
La Cour considère que le montage financier proposé était inadapté à la situation de M. [Z]. Elle conclut que la société FC Associés a manqué à ses obligations et a commis une faute contractuelle.
Sur le préjudice
La Cour détaille l'analyse du préjudice subi par M. [Z], en considérant le caractère certain, direct et personnel de ce préjudice. Elle souligne que M. [Z] a subi une perte de chance d'éviter le risque de se retrouver dans l'incapacité de continuer à alimenter le contrat d'assurance vie et d'honorer les prêts.
Les juges du fond prennent en compte plusieurs éléments pour évaluer le préjudice résultant de la perte de chance, tels que les investissements réalisés par M. [Z] sur les conseils de la société FC Associés, la baisse de ses revenus après la fin de sa carrière de footballeur, qui était prévisible pour la société FC Associés, ou encore la vente judiciaire de son immeuble et sa dette résiduelle.
La Cour évalue le préjudice résultant de la perte de chance à 101 000 euros, correspondant à 60% d'une somme calculée à partir des versements sur le contrat d'assurance vie, de la dette résiduelle et de l'avantage fiscal dont il a bénéficié.
Elle reconnaît également un préjudice moral, lié au stress et à la précarité financière de M. [Z], qu'elle évalue à 7 000 euros.
Extrait de la décision
"La société FC Associés, en sa qualité de professionnelle de l'investissement dans le domaine particulier du football, ne peut ignorer les exigences particulières liées au caractère temporaire de la carrière d'un tel sportif et des revenus importants mais aléatoires qu'elle génère. En tout état de cause, même si elle ignorait ces éléments, il lui appartenait de recueillir tous renseignements et informations sur ce point afin de satisfaire à ses obligations envers son client.”
Points de droit importants et répercussions
- Confirmation de l'obligation de conseil et d'information renforcée pour les conseillers en gestion de patrimoine, notamment envers les sportifs professionnels ;
- Prise en compte de la spécificité de la carrière des sportifs dans l'appréciation de l'adéquation des investissements proposés ;
- Condamnation des assureurs de la société de conseil en gestion de patrimoine en raison des fautes de celle-ci.
Sur les frais de procédure et les dépens
La Cour condamne solidairement les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser à M. [Z] une indemnité de procédure de 4 500 euros.
Mots clés
Obligation de conseil, obligation d'information, gestion de patrimoine, sportif professionnel, perte de chance, préjudice moral, article 1134 du Code civil, article 1147 du Code civil, article 2224 du Code civil, assurances.