24/00280
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Reims a confirmé le jugement du Conseil de prud'hommes de Troyes du 25 janvier 2024 ayant validé le licenciement pour faute grave de M. [O] [L], entraineur régional de l'association ESTAC, au motif de propos et comportements sexistes et inappropriés envers plusieurs joueuses placées sous son autorité, caractérisant la faute grave telle que définie à l'article L.1232-1 du Code du travail. Sur ce fondement, la Cour écarte tout droit à indemnités de licenciement et condamne M. [O] [L] aux dépens, ainsi qu'à payer 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En détail
Les parties en cause sont M. [O] [L], appelant, entraineur régional employé par l'association ESTAC (intimée). M. [O] [L], licencié pour faute grave, conteste la régularité et le bien-fondé de ce licenciement, sollicitant sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités. L’association ESTAC demande la confirmation du licenciement pour faute grave. Le problème juridique principal porte sur la qualification des faits reprochés à M. [O] [L] et la légitimité du licenciement pour faute grave, au regard de la définition posée à l’article L.1232-1 et L.1331-1 du Code du travail. Exposé du litige et arguments des parties : M. [O] [L], embauché en 2013, voit ses fonctions évoluer par plusieurs avenants, jusqu’à un temps partiel de 20 heures hebdomadaires en 2020. En janvier 2022, l’association ESTAC le licencie pour faute grave, fondant sa décision sur des allégations de harcèlement moral et sexuel, propos et attitudes sexistes à l’égard de trois joueuses. L’employeur produit diverses preuves : échanges Whatsapp, Snapchat et Instagram, attestations, copie de plaintes. M. [O] [L] relativise la portée de ces éléments, invoquant tantôt leur caractère privé ou l’absence de trouble caractérisé, contestant partiellement les faits. Motivations détaillées de la Cour :
- Recevabilité et procédure : Sur le fondement des articles 803 et 907 du Code de procédure civile, la Cour examine d'abord la recevabilité de la demande, faite par l'appelant, de rabat de la clôture de l'instruction aux fins de produire une nouvelle pièce. La Cour rejette cette demande ainsi que la pièce produite aux motifs que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture aurait dû être adressée au conseiller de la mise en état, par des conclusions spéciales.
- Qualification des faits de faute grave : Sur le fondement de l’article L.1232-1 du Code du travail et de l’obligation contractuelle d’exemplarité en dehors des activités professionnelles (article 9.1 du contrat de travail), la Cour analyse les éléments produits par l’employeur. Les nombreux échanges électroniques et l’attestation de Mme [N], corroborent selon la Cour, la réalité de comportements gravement inappropriés, spécifiquement sexistes, intrusifs, insistants et présentant un lien entre l’attitude de M. [O] [L] et la situation sportive de la joueuse au sein de l'équipe, ce qui caractérise la faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail. La Cour rappelle que M. [O] [L] était titulaire d'une formation sur le harcèlement et qu’en plus d’un rapport d’autorité, il existait une différence d’âge entre lui et les joueuses concernées.
- Portée des arguments défensifs du salarié : La Cour note que M. [O] [L] ne conteste pas matériellement les propos à l'origine du litige dans les échanges produits. Elle estime que les tentatives de justification par des circonstances prétendument privées sont inopérantes, en ce que les propos et comportements reprochés s’inscrivent dans une relation d’autorité en lien avec l'activité professionnelle et l’évolution sportive des joueuses placées sous sa responsabilité.
- Conséquences juridiques : La Cour déduit que la faute grave étant établie, aucun des droits à indemnités de préavis, de licenciement ou dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est dû en application des articles L.1234-1 et L.1234-9 du Code du travail. Elle confirme le rejet des demandes indemnitaires formulées par M. [O] [L]. Enfin, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la Cour condamne M. [O] [L] à payer 1 000 € à l’association ESTAC pour les frais irrépétibles.
Extrait de la décision :
« Il résulte des pièces produites par l’employeur que M. [O] [L] a fait à l’égard de Mme [N] un lien entre ses propositions et la situation de celle-ci dans l’équipe, et que M. [O] [L] ne peut donc pas utilement soutenir que son comportement avait un caractère privé et n’avait pas de conséquence dans le cadre du travail, de sorte que la réalité de la faute grave, qui est celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail, est établie. »
Mots clés
faute grave, licenciement disciplinaire, entraîneur sportif, harcèlement sexuel, comportement sexiste, charge de la preuve, jurisprudence prud’homale, article L.1232-1 Code du travail, article 700 CPC, obligations contractuelles d’exemplarité.