23/03348
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Rouen, dans un arrêt rendu le 25 mars 2025, a confirmé en grande partie le jugement du Conseil de prud'hommes de Rouen qui avait requalifié le contrat sportif de M. [I] avec l'association CMS Handball en un contrat à durée indéterminée (CDI) à temps complet, sur le fondement des articles L.1242-2 et L.1242-12 du Code du travail, en raison de l'absence de motif précis justifiant le recours à un CDD. La Cour a également jugé que la rupture du contrat constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant l'association à verser diverses indemnités financières, incluant des dommages-intérêts pour défaut de visite médicale obligatoire. Toutefois, elle a rejeté les demandes relatives au travail dissimulé, faute d'intention frauduleuse démontrée.
En détail
Parties impliquées
- Appelant : M. [I], ancien joueur de handball.
- Intimée : Association CMS Handball, employeur.
Problèmes juridiques principaux
- Requalification du contrat sportif en CDI à temps complet.
- Licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Indemnités dues au salarié (requalification, rappel de salaire, congés payés, dommages-intérêts, etc.).
- Travail dissimulé et absence de visite médicale obligatoire.
Question juridique principale
Le contrat sportif conclu entre M. [I] et l'association CMS Handball respectait-il les exigences légales pour être qualifié de CDD ou devait-il être requalifié en CDI à temps complet ?
Faits et arguments des parties
M. [I] avait signé un contrat sportif avec l'association CMS Handball pour une période déterminée (2014-2016). Il a contesté la validité du CDD, arguant qu'il ne précisait pas le motif justifiant le recours à ce type de contrat, comme l'exige l'article L.1242-12 du Code du travail, et demandant la requalification en CDI à temps complet. Il a également sollicité des rappels de salaire et des indemnités pour licenciement abusif.
L'association CMS Handball a contesté la requalification du contrat et les prétentions financières du salarié, arguant notamment que son emploi était par nature temporaire et que les sommes versées constituaient des indemnités forfaitaires liées à un contrat sportif.
Motifs détaillés de la décision
1. Requalification en CDI
La Cour a constaté que le contrat signé entre les parties ne mentionnait pas le motif précis justifiant le recours au CDD, comme l'exige l'article L.1242-12 du Code du travail. Conformément aux dispositions de l'article L.1245-2 du Code du travail, elle a accordé à M. [I] une indemnité de requalification de 1 391,20 euros.
“En l'espèce, le contrat sportif signé entre les parties ne précise pas le motif précis du recours à ce type de contrat, la simple mention que le contrat est conclu «pour la période du 01/07/2014 jusqu'au 30/06/2016» étant insuffisante à caractériser le motif précis requis par le texte précité, étant en outre rappelé que l'aléa sportif et le calendrier des compétitions ne constituent pas un besoin temporaire. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée.”
2. Temps complet
La Cour a appliqué la présomption prévue par l'article L.3123-6 du Code du travail, selon laquelle un contrat partiel doit indiquer la durée exacte et sa répartition. En l'absence de telles mentions dans le contrat, celui-ci est présumé conclu à temps complet. L'employeur n'ayant pas apporté la preuve contraire, la Cour a confirmé cette requalification et accordé à M. [I] un rappel de salaire de 15 671,04 euros nets, ainsi que 1 567,10 euros nets au titre des congés payés afférents.
3. Licenciement abusif
La Cour a confirmé que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des articles relatifs au licenciement abusif dans le Code du travail. Elle a accordé une indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents (déjà fixée par les premiers juges) ainsi qu'une indemnité légale de licenciement portée à 602,87 euros.
4. Travail dissimulé
La demande d'indemnité pour travail dissimulé a été rejetée faute d'intention frauduleuse démontrée, conformément aux dispositions de l'article L.8221-5 du Code du travail.
5. Défaut de visite médicale obligatoire
La Cour a constaté que l'employeur n'avait pas organisé la visite médicale obligatoire prévue par les articles R.4624-10 du Code du travail et les dispositions conventionnelles applicables. Elle a confirmé l'allocation d'une somme symbolique de 100 euros au titre des dommages-intérêts pour ce manquement.
6. Documents de fin de contrat
La Cour a ordonné la remise par le CMS Handball des documents conformes au présent arrêt sans prononcer d'astreinte.
7. Frais irrépétibles et dépens
L'association CMS Handball a été condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à verser une indemnité au titre des frais irrépétibles fixée à 2 000 euros, conformément à l'article 700 du Code de procédure civile.
Points importants et répercussions
Cette décision illustre la rigueur imposée aux employeurs dans la rédaction des contrats sportifs soumis au droit commun lorsqu'ils ne respectent pas les exigences spécifiques des CDD ou des contrats partiels. Elle rappelle également l'obligation stricte liée aux visites médicales d'embauche dans le cadre d'une relation contractuelle requalifiée en CDI.
Mots clés
Requalification en CDI, contrat sportif, licenciement abusif, rappel de salaires, article L.1242-12 Code du travail, temps complet présumé, formalités des CDD, intention frauduleuse non démontrée, visite médicale obligatoire non réalisée, article 700 CPC