24/02385
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Rouen, sur le fondement des articles L1221-1 et suivants et L8221-5 du Code du travail ainsi que des articles L222-1 et suivants du Code du sport, a requalifié la relation entre M. [H], footballeur, et l'association Evreux Football Club 27, en contrat de travail à durée indéterminée. Elle a jugé la rupture du contrat imputable à l’employeur, considérant l’existence d’un travail dissimulé et l’absence de paiement de la rémunération. Le jugement de première instance a été infirmé et toutes les créances de M. [H] ont été fixées au passif de la procédure collective de l’association.
En détail
Parties impliquées
- Appelant : M. [B] [H], footballeur ;
- Intimée : Association Evreux Football Club 27 ;
- Intervenants : SCP Mandateam (mandataire judiciaire), Unédic délégation AGS CGEA de Rouen.
Principaux problèmes juridiques La contestation portait sur l’existence d’un contrat de travail entre un joueur évoluant dans une association sportive et le club, les conséquences de l’absence de formalisation du contrat, le caractère de travail dissimulé, le rappel de salaires et de primes, l’imputabilité de la rupture, ainsi que la garantie de l’AGS en procédure collective. Question juridique principale : La question centrale était de savoir si les conditions de l’activité du joueur caractérisaient un contrat de travail, et si la rupture de cette relation devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Exposé du litige et arguments des parties : M. [H] a quitté l’association en 2023, puis a saisi le Conseil de Prud’hommes pour voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail, obtenir le paiement de salaires, de primes et d’indemnités pour travail dissimulé et réparation du préjudice résultant d’une rupture imputable à l’association.
L’association contestait la réalité d’une telle relation, soutenant que les sommes perçues étaient de simples remboursements de frais et que M. [H] n’était pas sous subordination juridique. En première instance, M. [H] a été débouté. En appel, M. [H] produisait des éléments (échanges écrits/vocaux, attestations, tableaux du président, relevés bancaires) établissant la nature salariale des sommes perçues, l’organisation imposée par le club et des sanctions. L’association invoquait l’absence de preuve d’une obligation de rémunération régulière et l’absence de pouvoir de direction. Motivation de la Cour : Sur le fondement de l’article L1221-1 du Code du travail, la Cour rappelle que l’existence d’un contrat de travail dépend des conditions de fait d’exercice de l’activité, non de la dénomination du contrat, la charge de la preuve pesant sur celui qui l’invoque en l’absence de contrat apparent.
La Cour relève plusieurs indices cumulatifs de l’existence d’un lien de subordination : emploi du temps imposé, sanctions disciplinaires, tableaux établissant une rémunération mensuelle (1 600 €/mois), absence de justification de frais remboursés, volonté manifeste des dirigeants de ne pas déclarer l’emploi.
Sur le fondement des articles L222-1 et suivants du Code du sport, la Cour retient la qualité de sportif salarié.
La Cour considère, sur la base de l’article L8221-5 du Code du travail, que le club connaissait l’obligation de déclaration et a intentionnellement versé la rémunération « au black », ce qui caractérise le travail dissimulé. Extrait de la décision :
« Au vu de ces éléments, M. [H] qui a eu pour activité rémunérée l'exercice d'une activité sportive de joueur de football dans un lien de subordination juridique avec l'association doit être considéré comme un sportif professionnel salarié, ce qui entraîne nécessairement la requalification de la relation en contrat de travail à durée indéterminée, la cour ne pouvant requalifier celle-ci en contrat de travail à durée déterminée au regard des dispositions légales applicables. »
S’agissant des créances salariales, la Cour, sur le fondement de l’article L3242-1 du Code du travail, condamne le club à régler les rappels de salaires et primes établis, ainsi que les dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat (préjudice lié à l’interruption des études causée par l’absence de paiement).
Sur la rupture, la Cour, se référant à l’article L1235-3 du Code du travail, juge que la prise d’acte de la rupture par le salarié est justifiée par les manquements graves de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (2 200 € d’indemnités).
Elle rappelle que l’ensemble des sommes est à inscrire au passif de la procédure collective, l’AGS n’étant tenue de garantir, conformément aux articles L3253-6 à L3253-8, D3253-5 et D3253-2 du Code du travail, que dans la limite de ses prérogatives.
L’association est également condamnée, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, à payer 3 500 € au titre des frais irrépétibles, et aux dépens.
Mots clés
contrat de travail, lien de subordination, sportif professionnel, travail dissimulé, requalification, rupture du contrat, licenciement sans cause réelle et sérieuse, procédure collective, AGS, indemnités salariales