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Résumé
En bref
La Cour d'appel de Toulouse, statuant sur les conséquences d'un accident corporel subi par un joueur de rugby, confirme l'application stricte des clauses d'un contrat d'assurance "accidents corporels" souscrit par la fédération sportive. Se fondant sur le principe de la liberté contractuelle et l'article L. 113-1 du code des assurances, la Cour juge que la garantie de l'assureur est valablement circonscrite à une liste limitative de postes de préjudices et soumise à un plafond d'indemnisation global. En conséquence, elle rejette la majorité des prétentions de la victime, notamment au titre des pertes de gains professionnels futurs, faute pour celle-ci de rapporter la preuve que les conditions restrictives de la police étaient réunies. L'arrêt infirme partiellement le jugement sur certains postes de préjudices accessoires.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : L'appelant, M. [V] [D], un joueur de rugby licencié, et l'intimée, la SA GMF Assurances, en sa qualité d'assureur de la Fédération Française de Rugby (FFR).
- Problèmes juridiques principaux : Le litige porte sur l'étendue de l'obligation de réparation de l'assureur de la fédération sportive au titre d'une garantie "accidents corporels". Les débats se concentrent sur l'interprétation des clauses contractuelles définissant les postes de préjudices indemnisables et le plafond de garantie.
- Question juridique principale : ⚖️ Un contrat d'assurance accidents corporels souscrit par une fédération sportive peut-il valablement limiter, par des clauses claires et précises, tant la nature des préjudices indemnisables que le montant global de la réparation due à un licencié victime d'un accident ?
- Exposé du litige : Suite à un grave traumatisme crânien subi lors d'un match de rugby, M. [V] [D] a assigné l'assureur de la FFR, la GMF Assurances, en réparation de l'intégralité de ses préjudices. En première instance, le tribunal judiciaire a jugé que la police d'assurance limitait contractuellement la garantie à certains postes de préjudices et à un plafond global de 900 000 €, déboutant la victime de nombreuses demandes, dont celles relatives aux pertes de gains professionnels. M. [D] a interjeté appel, soutenant que le plafond ne s'appliquait qu'au Déficit Fonctionnel Permanent (DFP) et que tous ses préjudices devaient être indemnisés. La GMF a conclu à la confirmation du jugement sur le principe de la limitation de garantie.
2. ANALYSE DES MOTIFS
La Cour d'appel structure son raisonnement en deux temps : d'abord, elle délimite l'étendue du droit à réparation en interprétant le contrat d'assurance, puis elle procède à la liquidation des préjudices garantis.
A. Sur l'étendue du droit à réparation : l'interprétation stricte du contrat d'assurance
✅ La Cour valide l'analyse du premier juge et consacre la primauté de la volonté des parties, matérialisée par les stipulations contractuelles. Sur le fondement de l'article L. 113-1 du code des assurances, qui dispose que l'assureur ne répond que des pertes et dommages prévus à la police, et du principe de la liberté contractuelle, la juridiction rappelle qu'un assureur est en droit de circonscrire son intervention à certains postes de préjudice limitativement énumérés dans le cadre d'une assurance non obligatoire. 🔍 La Cour procède à une analyse littérale des conditions générales et particulières de la police d'assurance fédérale et de la garantie complémentaire souscrite par la victime. Elle relève que le contrat énumère de manière exhaustive les postes de préjudices couverts (frais de soins, DFP, assistance par tierce personne, certaines pertes de revenus, etc.) et exclut ainsi implicitement mais certainement les autres postes (souffrances endurées, préjudice d'agrément, incidence professionnelle, etc.). De surcroît, elle constate que le mécanisme de calcul de l'indemnité finale est sans équivoque.
"La formulation de la clause prévoyant les modalités d'évaluation de l'indemnisation 'Lorsque les postes qui constituent le préjudice [...]' ne laisse aucun doute quant au fait que le plafond de garantie couvre l'intégralité des préjudices limitativement énumérés."" (Décision, page 12)
➡️ Il résulte de cette analyse que le plafond de garantie de 900 000 € n'est pas affecté au seul poste du DFP mais constitue bien un plafond global, s'appliquant au cumul de l'ensemble des préjudices contractuellement garantis. La décision du tribunal de débouter M. [D] de ses demandes au titre des postes non énumérés dans le contrat est donc confirmée.
B. Sur la liquidation des préjudices garantis
La Cour examine ensuite, poste par poste, les préjudices entrant dans le champ de la garantie contractuelle. ❌ Sur les pertes de gains professionnels (actuels et futurs) La Cour confirme le rejet intégral des demandes formulées à ce titre, en raison d'une double défaillance probatoire de la victime. 1️⃣ Concernant les pertes de gains professionnels actuels (PGPA), la Cour relève l'insuffisance des preuves produites. Sur le fondement de l'article 1353 du Code civil, elle estime que l'attestation de l'expert-comptable de M. [D] est un élément unilatéral non corroboré par des pièces comptables ou fiscales, et ne peut donc suffire à établir la réalité d'une perte de revenus. De plus, ⚠️ aucun avis médical contemporain des faits ne liait les difficultés comportementales de la victime à une incapacité d'exercer son activité professionnelle, qu'il a d'ailleurs cessée de sa propre initiative. 2️⃣ Concernant les pertes de gains professionnels futurs (PGPF), le rejet est motivé par une interprétation stricte de la clause contractuelle. La police ne garantissait ce poste qu'en cas d'« impossibilité d'exercer une quelconque activité rémunérée ». La Cour opère une distinction fondamentale entre l'inaptitude à un poste de travail spécifique et l'impossibilité d'exercer toute activité.
"La reconnaissance de travailleur handicapé, qui maintient une orientation vers le marché du travail ne correspond pas à une impossibilité d'exercer une quelconque activité rémunérée au sens du contrat d'assurance et l'avis d'inaptitude, dont les motifs médicaux sont ignorés, ne peut être regardé comme démontrant cette impossibilité et encore moins un lien avec l'accident initial [...]." (Décision, page 26)
🔎 Le parcours professionnel de M. [D] après sa consolidation (deux emplois successifs, dont un plus qualifié) et son inscription comme demandeur d'emploi démontrent qu'il n'était pas dans une situation d'impossibilité absolue d'exercer une activité. Le lien de causalité entre l'accident de 2017 et son licenciement pour inaptitude en 2022, qui semble lié à des difficultés psychosociales au travail, n'est pas établi. La condition restrictive de la garantie n'étant pas remplie, la demande est rejetée. ✅ Sur l'assistance par tierce personne et le Déficit Fonctionnel Permanent (DFP)
- Assistance par tierce personne : 👨⚖️ La Cour confirme l'indemnisation allouée en première instance, bien que l'expert judiciaire ait écarté ce poste. Elle sanctionne le manquement de l'expert au principe du contradictoire pour ne pas avoir répondu à un "dire" du médecin-conseil de la victime. Faisant usage de son appréciation souveraine, elle juge que les éléments produits (dire médical, certificat) suffisent à établir un besoin temporaire en aide humaine à la sortie de l'hôpital.
- Déficit Fonctionnel Permanent : La Cour confirme l'évaluation à 57 000 € pour un taux de DFP de 20 %, en application du barème de capitalisation qu'elle retient. Elle rejette tant la demande principale de M. [D] (application du plafond de garantie à ce seul poste) que sa demande subsidiaire fondée sur une méthode de calcul alternative.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"Au regard du principe de la liberté contractuelle, l'assureur qui a délivré une police d'assurance non obligatoire était parfaitement en droit de limiter son intervention en garantie à certains postes de préjudice limitativement énumérés. La formulation de la clause prévoyant les modalités d'évaluation de l'indemnisation 'Lorsque les postes qui constituent le préjudice [...]' ne laisse aucun doute quant au fait que le plafond de garantie couvre l'intégralité des préjudices limitativement énumérés." (Décision, page 12)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Qualification de la garantie : Une police "accidents corporels" souscrite par une fédération sportive est un contrat d'assurance de personnes relevant du principe de la liberté contractuelle, et non d'un régime d'assurance de responsabilité obligatoire.
- ⚖️ Portée des clauses limitatives : Les clauses qui définissent l'étendue de la garantie en énumérant les postes de préjudices couverts et en fixant un plafond global d'indemnisation sont licites et opposables à l'assuré, dès lors qu'elles sont claires et non équivoques.
- 🔗 Lien de causalité et preuve : Il incombe à l'assuré de rapporter la preuve non seulement de la réalité de son préjudice, mais également du lien de causalité direct et certain entre l'accident et les conséquences dommageables invoquées, ainsi que de la réunion des conditions de mise en œuvre de la garantie (ex: impossibilité d'exercer toute activité).
- 👨⚖️ Rôle du juge face à l'expertise : Le juge n'est pas lié par les conclusions de l'expert judiciaire. Il peut écarter une expertise, notamment lorsque l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire en omettant de répondre à un "dire" d'une partie.
Mots clés
Contrat d'assurance, Garantie accidents corporels, Fédération sportive, Plafond de garantie, Clause limitative de réparation, Liberté contractuelle, Déficit Fonctionnel Permanent (DFP), Perte de gains professionnels futurs (PGPF), Charge de la preuve, Préjudice corporel.
NB : 🤖 résumé généré par IA