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Résumé
En bref
La Cour d'appel de Versailles infirme partiellement un jugement de première instance, retenant qu'une société d'agent sportif est irrecevable à agir en paiement d'une commission si le contrat d'agent, bien que la mentionnant, désigne expressément l'agent personne physique comme seul créancier. Toutefois, la Cour juge recevable l'intervention volontaire principale formée par l'agent personne physique pour réclamer cette même commission en son nom propre. Sur le fondement de l'ancien article 1134 du Code civil, elle condamne le joueur de football au paiement de la commission, sanctionnant la violation de ses obligations contractuelles de loyauté et d'exclusivité après avoir finalisé seul un contrat de travail négocié par l'agent.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : M. [R] [J], agent sportif licencié, et sa société (la SAS WASSERMAN FRANCE, anciennement XL Sport), appelants, contre M. [G] [D], joueur de football professionnel, intimé défaillant.
- Principaux problèmes juridiques : La détermination de la qualité à agir en paiement d'une commission entre l'agent personne physique et la société par laquelle il exerce ; la qualification d'une intervention volontaire (accessoire ou principale) ; et la caractérisation d'un manquement contractuel d'un joueur à ses obligations de loyauté et d'exclusivité.
- Question juridique principale : La société d'un agent sportif, simple "cadre" d'exercice mentionné au contrat, a-t-elle qualité à agir pour recouvrer une commission due à l'agent ? En cas de réponse négative, l'agent peut-il obtenir cette condamnation à son profit personnel via une intervention volontaire principale au sein de la même instance ?
- Exposé du litige : Un joueur de football a conclu un contrat de travail avec un club italien après des négociations menées par son agent, mais en l'évinçant de la signature finale et en omettant de régler la commission de 10% prévue au contrat de mandat exclusif. En première instance, le tribunal a déclaré irrecevables tant l'action de la société de l'agent (pour défaut de qualité à agir) que l'intervention de l'agent lui-même (qualifiée d'accessoire et donc liée au sort de la demande principale). L'agent et sa société ont interjeté appel.
2. ANALYSE DES MOTIFS
A. Sur la qualité à agir de la société d'agent sportif
✅ La Cour confirme la décision du tribunal sur l'irrecevabilité de l'action de la société XL Sport, mais en substituant et ajoutant ses propres motifs fondés sur une analyse stricte des termes du contrat. 🔍 La juridiction d'appel procède à une lecture littérale du contrat d'agent sportif pour déterminer qui, de la personne morale ou de la personne physique, détient la qualité de créancier et, par conséquent, la qualité à agir en justice pour le recouvrement de la commission. Sur le fondement des articles L222-7 et L222-8 du Code du sport, la Cour rappelle que si un agent peut exercer son activité via une société, la titularité des droits et obligations dépend des stipulations contractuelles. En l'espèce, le contrat mentionne que l'agent exerce « dans le cadre de la SAS XL Sport », une formulation jugée insuffisante pour conférer à la société la qualité de partie contractante. La Cour souligne que l'article 4.1 du contrat, relatif à la rémunération, vise exclusivement "l'Agent" comme bénéficiaire de la commission.
"Au regard des termes du contrat ainsi rappelé, seul l'agent, soit la personne physique, est visé comme cocontractant et créancier de l'éventuelle commission, à l'exclusion de la société qu'il dirige." (Décision, p. 9)
➡️ Cette analyse rigoriste consacre le principe selon lequel la personnalité morale de la société d'exercice ne se substitue pas à celle de l'agent personne physique, sauf stipulation contractuelle expresse la désignant comme cocontractante ou créancière. La simple mention du cadre sociétal de l'activité est inopérante pour fonder une qualité à agir en paiement. ❌ La demande de la société est donc rejetée.
B. Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [J]
✅ La Cour infirme le jugement de première instance sur ce point et déclare l'intervention de l'agent personne physique recevable en la requalifiant. 🔍 S'appuyant sur les articles 329 et 330 du Code de procédure civile, la Cour opère une distinction fondamentale entre l'intervention accessoire et l'intervention principale. Alors que le premier juge avait qualifié l'intervention de M. [J] d'accessoire, la Cour d'appel retient une qualification différente. Elle observe que M. [J], en formulant à titre subsidiaire une demande de condamnation à son profit personnel, n'a pas seulement appuyé la prétention de sa société mais a élevé une prétention propre, fondée sur un droit distinct.
"Dès lors, son intervention ne peut qu'être qualifiée de principale contrairement à ce qu'à retenu le tribunal." (Décision, p. 10)
➡️ La portée de ce raisonnement est essentielle : la recevabilité d'une intervention volontaire principale est autonome et n'est pas subordonnée à celle de la demande initiale. En formant une prétention à son bénéfice propre, M. [J] a valablement saisi la juridiction, ce qui permet à la Cour d'examiner le fond de sa demande nonobstant l'irrecevabilité de l'action de la société XL Sport.
C. Sur le bien-fondé de la demande en paiement
✅ La Cour, statuant sur le fond après avoir déclaré l'action de M. [J] recevable, accueille sa demande et condamne le joueur au paiement intégral de la commission. 🔍 Le raisonnement de la Cour repose sur l'ancien article 1134 du Code civil (force obligatoire des contrats) et les stipulations claires du mandat. Elle constate que M. [J] a parfaitement exécuté ses obligations en menant les négociations et en transmettant l'offre du club au joueur. À l'inverse, le joueur a commis une double faute contractuelle : 1️⃣ En signant seul le contrat de travail, il a violé la clause d'exclusivité. 2️⃣ En omettant délibérément de mentionner l'intervention de son agent auprès du club, il a manqué à son obligation de loyauté (prévue à l'article 4.2 du contrat). La Cour considère cette manœuvre comme une stratégie visant à se soustraire au paiement de la commission. Elle écarte l'argument selon lequel le paiement incombait au club, en soulignant que le joueur a lui-même rendu cette modalité inapplicable par son comportement déloyal.
"M. [D] a sciemment violé ses obligations en concluant directement et bilatéralement avec le club Delfino [Localité 8], pour échapper au paiement de la commission qu'il devait à son agent sportif au mandat exclusif." (Décision, p. 11)
➡️ Cette décision réaffirme avec force que l'éviction de l'agent au stade final de la conclusion du contrat, après que celui-ci a réalisé la prestation essentielle de mise en relation et de négociation, caractérise un manquement contractuel grave qui emporte droit à la rémunération convenue. Le joueur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour échapper à ses engagements.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"Il se déduit de ces éléments que d'une part l'accord entre M. [D] et M. [J] n'incluait pas de tiers, à savoir le club embauchant, à qui opposer le contrat et d'autre part que M. [D] a sciemment violé ses obligations en concluant directement et bilatéralement avec le club Delfino [Localité 8], pour échapper au paiement de la commission qu'il devait à son agent sportif au mandat exclusif." (Décision, p. 11)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Qualité à agir : En matière de contrat d'agent sportif, la qualité à agir en paiement d'une commission n'appartient qu'à la personne (physique ou morale) expressément désignée comme créancière par les stipulations contractuelles. La simple mention de la société d'exercice de l'agent est insuffisante pour lui conférer cette qualité.
- 🔗 Intervention volontaire : L'intervention d'une partie qui formule une prétention à son profit personnel, même à titre subsidiaire, doit être qualifiée d'intervention volontaire principale au sens de l'article 329 du Code de procédure civile. Sa recevabilité est appréciée indépendamment de celle de la demande originelle.
- ⚖️ Obligation de loyauté et d'exclusivité : La signature d'un contrat de travail par un sportif en direct avec un club, après l'entremise décisive de son agent, caractérise un manquement fautif à ses obligations de loyauté et d'exclusivité, justifiant sa condamnation au paiement de l'intégralité de la commission contractuellement prévue.
- 👨⚖️ Principe de bonne foi contractuelle : Une partie ne peut se prévaloir d'une modalité contractuelle (ici, le paiement de la commission par le club employeur) qu'elle a elle-même rendue inapplicable par son comportement déloyal.
Mots clés
Agent sportif, qualité à agir, intervention volontaire principale, obligation de loyauté, clause d'exclusivité, manquement contractuel, commission d'agent, force obligatoire du contrat, Code du sport, article L222-7, article L222-8.
NB : 🤖 résumé généré par IA