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Résumé
En bref
La Cour d'appel de Versailles confirme la recevabilité du recours d'un joueur de rugby professionnel contestant son taux d'incapacité permanente partielle (IPP). Saisie prématurément avant l'expiration du délai de quatre mois imparti à la commission médicale de recours amiable pour statuer, la juridiction du premier degré n'avait pas encore statué à l'échéance de ce délai. Sur le fondement de l'article 126 du Code de procédure civile, la Cour juge que la cause de l'irrecevabilité a disparu au moment où le juge a statué, régularisant ainsi la saisine initiale. La Cour confirme donc le jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir soulevée par l'organisme de sécurité sociale et ordonné une expertise médicale.
En détail
L'affaire oppose un organisme de prise en charge, la (la Caisse), appelante, à Monsieur [T] [L], joueur professionnel de rugby, intimé. Le litige porte sur la recevabilité de l'action en justice introduite par le joueur pour contester le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) qui lui a été attribué à la suite d'un accident du travail survenu lors d'un match. Le principal problème juridique soulevé est celui de la sanction d'une saisine prématurée de la juridiction de sécurité sociale, intervenue avant l'épuisement du recours administratif préalable obligatoire. La question juridique principale est donc la suivante : une saisine du tribunal, effectuée avant la naissance d'une décision implicite de rejet de la commission médicale de recours amiable (CMRA), peut-elle être régularisée par l'écoulement du délai imparti à ladite commission pour statuer, lorsque cet écoulement intervient avant que le juge ne se prononce ? À la suite d'un accident du travail, M. [L] s'est vu notifier un taux d'IPP de 6%. Contestant ce taux, il a saisi la CMRA le 1er décembre 2020. Avant l'expiration du délai de quatre mois à l'issue duquel une décision implicite de rejet aurait pu naître, M. [L] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre le 26 mars 2021. La Caisse a soulevé une fin de non-recevoir pour saisine prématurée, qui fut rejetée par les premiers juges. La Caisse a interjeté appel de cette décision. La Cour d'appel confirme la décision de première instance en se fondant sur le mécanisme de la régularisation des fins de non-recevoir. D'abord, la Cour rappelle le cadre juridique applicable en la matière. Sur le fondement de l'article R. 142-8-5 du Code de la sécurité sociale, elle note que la saisine de la CMRA constitue un recours préalable obligatoire et que l'absence de décision notifiée dans un délai de quatre mois à compter de l'introduction du recours vaut rejet implicite de la demande. Ce n'est qu'à compter de cette décision, explicite ou implicite, que le justiciable peut saisir la juridiction compétente. Une saisine antérieure à l'échéance de ce délai est donc, par principe, prématurée et irrecevable. Ensuite, la Cour articule ce principe avec les dispositions du Code de procédure civile. Sur le fondement de l'article 122 du Code de procédure civile, elle qualifie la prématurité de la saisine de fin de non-recevoir. Cependant, elle mobilise immédiatement le tempérament prévu par l'article 126 du même code. Ce texte dispose que l'irrecevabilité est écartée si la cause de la fin de non-recevoir a disparu au moment où le juge statue, dans les cas où la situation est susceptible d'être régularisée. La Cour considère que le défaut d'épuisement des voies de recours préalables constitue une situation régularisable. Enfin, la Cour applique ce raisonnement aux faits de l'espèce. Elle constate que la CMRA a été saisie le 4 décembre 2020, faisant courir le délai de quatre mois jusqu'au 4 avril 2021. M. [L] a saisi le tribunal le 21 mars 2021, soit avant l'expiration de ce délai. Toutefois, le tribunal judiciaire n'a statué que le 15 mai 2024. À cette date, le délai de quatre mois était écoulé depuis longtemps, matérialisant une décision implicite de rejet et faisant disparaître la cause de l'irrecevabilité. La Cour conclut donc que la saisine prématurée a été valablement régularisée.
Extrait de la décision : "l'écoulement du délai de quatre mois a régularisé la saisine prématurée du tribunal."
Le point de droit essentiel de cette décision est la confirmation que la régularisation de la saisine prématurée, en vertu de l'article 126 du Code de procédure civile, s'applique pleinement au contentieux de la sécurité sociale.
Mots clés
Fin de non-recevoir, Régularisation, Article 126 du Code de procédure civile, Taux d'incapacité permanente partielle (IPP), Recours préalable obligatoire, Commission médicale de recours amiable (CMRA), Décision implicite de rejet, Droit de la sécurité sociale, Accident du travail, Joueur de rugby professionnel.