23/00531
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Versailles, par arrêt du 31 octobre 2024, a partiellement infirmé le jugement du Conseil de Prud'hommes. Elle a requalifié une convention d'engagement en contrat de travail et un CDD en CDI, condamnant l'association pour travail dissimulé et transmission tardive d'attestation. La décision s'appuie sur l'article L. 222-2-8 du Code du sport concernant la requalification des contrats non conformes.
En détail
Parties
- Appelant : M. [H] [P] [K] (joueur de basket-ball)
- Intimée : Association [X] Basket Ball
Problèmes juridiques principaux
- Requalification d'une convention d'engagement en contrat de travail ;
- Requalification d'un contrat à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI) ;
- Travail dissimulé ;
- Manquement à l'obligation de sécurité ;
- Transmission tardive de l'attestation de salaire.
Question juridique principale
Dans quelles conditions une convention d'engagement peut-elle être requalifiée en contrat de travail, et un CDD de sportif professionnel en CDI, notamment en cas de non-respect des règles de durée minimale de la saison sportive ?
Exposé du litige, faits et arguments
M. [P] [K] a conclu une convention d'engagement puis un CDD avec l'association. Contestant les conditions d'exécution, il a saisi le conseil de prud'hommes pour requalification et obtenir diverses sommes. L'association conteste, invoquant la prescription et l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel.
Plan et Motifs de la Décision :
- Recevabilité des demandes nouvelles : La cour rejette l'irrecevabilité soulevée par l'association.
L'association a contesté la recevabilité des demandes nouvelles de M. [H] [P] [K] en appel. La Cour a rejeté cette exception, estimant que ces demandes étaient liées aux prétentions initiales soumises au Conseil de Prud'hommes (requalification du CDD en CDI, manquements de l'employeur). Elle a considéré que ces demandes constituaient la conséquence directe de ces prétentions originaires, justifiant ainsi leur recevabilité au regard des articles 70 et 564 du Code de procédure civile.
- Prescription de la demande de requalification : La cour rejette également la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Sur le fondement de l'article L. 1471-1 du Code du travail, l'action en requalification est soumise à un délai de deux ans.
La cour constate que M. [P] [K] a saisi le conseil de prud'hommes dans le délai de deux ans, interrompant ainsi la prescription.
Il convient de considérer que l'acte introductif d'instance initial a interrompu la prescription pour les nouvelles demandes formulées en appel, en conséquence de la demande de requalification du contrat à durée déterminée spécifique en contrat à durée indéterminée.
- Exception d'incompétence : La cour confirme l'incompétence concernant la demande de réparation pour perte de chance de poursuivre sa carrière.
Sur le fondement de l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale, la cour estime que sous couvert d'une action en responsabilité pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le salarié demande en réalité la réparation de préjudices nés de son accident du travail.
La cour confirme le jugement du conseil de prud'hommes qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de M. [H][P][K] d'indemnité pour préjudice moral et perte de chance de poursuivre sa carrière de basketteur dans le cadre de son accident de travail.
- Requalification de la convention d'engagement : La cour requalifie la convention en contrat de travail.
Elle retient l'existence d'un lien de subordination, caractérisé par le pouvoir de l'employeur de donner des ordres et d'en contrôler l'exécution.
Les sommes perçues par le joueur constituent la rémunération d'une prestation de travail.
De plus, M. [P] [K] qui effectuait plus de cinq manifestations sportives mensuelles, ne pouvait pas se voir appliquer le dispositif “franchise URSSAF”.
- Statut de basketteur professionnel : La cour considère M. [P] [K] comme un sportif professionnel salarié.
Sur le fondement de l'article L. 222-2 du Code du sport, le sportif professionnel salarié est défini comme toute personne ayant pour activité rémunérée l'exercice d'une activité sportive dans un lien de subordination juridique avec une association sportive.
La cour ajoute que le fait que l'association n'appartienne pas à la ligue nationale de basket est inopérant, et qu’il résulte des règlements généraux de la fédération française de basketball que les sportifs évoluant en nationale 2 comme M. [P][K] sont autorisés à percevoir une contrepartie financière à la pratique du basketball.
- Travail dissimulé : La cour condamne l'association pour travail dissimulé.
Sur le fondement de l'article L.8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche.
En l’espèce, la cour constate que le salarié n'a pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche et n'a pas reçu de bulletins de paie.
- Requalification du CDD en CDI : La cour fait droit à la demande.
Sur le fondement de l'article L. 222-2-8 I. du Code du sport, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des règles de fond et de forme prévues aux articles L. 222-2-1 à L. 222-2-5.
Sur le fondement de l'article L. 222-2-4 alinéas 1 et 2 du code du sport, la durée d'un contrat de travail ne peut être inférieure à la durée d'une saison sportive fixée à douze mois.
En l’occurrence, le contrat a été conclu pour une durée de dix mois, alors que la saison sportive s'étend sur douze mois.
- Obligation de sécurité : La cour déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.
Sur le fondement de l'article 42 du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020, les entraînements des sportifs professionnels ont été autorisés à déroger au confinement et à l'interdiction de circuler. L'employeur démontre avoir respecté son obligation de sécurité.
- Autres demandes : La cour confirme le jugement déboutant M. [P] [K] de ses demandes relatives aux indemnités kilométriques et à la différence de rémunération pendant la période d'activité partielle. Elle le déboute également de sa demande pour manquement à l'obligation de loyauté.
- Transmission tardive de l'attestation de salaire : La cour condamne l'association à verser 1000 euros pour la transmission tardive de l'attestation rectifiée à la caisse.
Extrait de la décision :
"En l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée a été conclu pour la période du 10 août 2020 au 10 juin 2021, soit pour une durée de dix mois, alors que la saison s'établissait du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 et qu'il ne courrait pas jusqu'au terme de la saison sportive le 30 juin 2021. Par conséquent, le contrat conclu en méconnaissance des règles de durée prévues à l'article L. 222-2-4 du code du sport, est réputé à durée indéterminée."
Points de droit importants et répercussions :
- La décision rappelle l'importance du respect des règles spécifiques aux contrats de travail des sportifs professionnels.
- Elle souligne que la requalification d'une convention d'engagement en contrat de travail est possible en cas de lien de subordination avéré.
- Elle met en lumière les conséquences financières du travail dissimulé et de la requalification d'un CDD en CDI.
Mots clés
Contrat de travail, sportif professionnel, requalification, CDD, CDI, travail dissimulé, obligation de sécurité, prud'hommes, Code du sport, Code du travail.