23/21292
Résumé
En bref
La Cour de cassation, dans son arrêt du 18 décembre 2024 (n° 23-21.292), a annulé la décision rendue par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 5 septembre 2023, qui avait rejeté une exception d'incompétence soulevée par MM. [Y] et [G], invoquant l'existence d'une clause compromissoire (au profit de Chambre arbitrale du sport du CNOSF) stipulée dans un protocole d'accord. La Cour se fonde principalement sur l'article 1448 du Code de procédure civile, rappelant que les juridictions étatiques doivent se déclarer incompétentes au profit de l'arbitrage, sauf si la clause est manifestement nulle ou inapplicable. La Cour a estimé que la cour d'appel avait excédé ses pouvoirs en jugeant la clause d'arbitrage manifestement inapplicable, sans en démontrer le caractère évident. L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Montpellier.
En détail
Identification des parties
- Demandeurs au pourvoi : M. [Y] et M. [G], liés à un conflit avec l'**association Football Club de ** concernant des fautes de gestion.
- Défenderesse : Association **Football Club de **, assignant MM. [Y] et [G] pour responsabilité et indemnisation.
Chronologie des faits
- 13 juin 2017 : Signature d’un protocole d’accord entre M. [Y] et le Club. Ce document incluait une clause compromissoire, stipulant que les litiges liés à ce protocole seraient réglés par la Chambre arbitrale du sport du CNOSF.
- 23 novembre 2020 : Le Club assigne MM. [Y] et [G] pour des fautes de gestion prétendument commises par M. [Y] dans ses fonctions de président, incluant l’introduction de M. [G] sans autorisation.
- 5 septembre 2023 : La cour d'appel d'Aix-en-Provence rejette l’exception d’incompétence soulevée par MM. [Y] et [G], considérant la clause compromissoire inapplicable.
- 18 décembre 2024 : La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel.
Questions juridiques posées
- La clause compromissoire incluse dans le protocole d’accord du 13 juin 2017 était-elle manifestement inapplicable au litige ?
- La cour d'appel a-t-elle excédé ses pouvoirs en écartant l'application de cette clause sans établir son inapplicabilité manifeste ?
Analyse juridique détaillée
Applicabilité de la clause compromissoire
- Cadre juridique
- Faits pertinents
- Le protocole d’accord de 2017 prévoit une clause compromissoire pour tout différend lié à son contenu.
- Le Club reprochait à M. [Y] des fautes de gestion en sa qualité de président, avec des conséquences financières et morales pour l’association.
- La cour d'appel avait jugé que les griefs formulés par le Club relevaient des statuts associatifs et non de l'exécution du protocole d’accord, rendant ainsi la clause compromissoire inapplicable.
- Raisonnement juridique
- La Cour de cassation critique l’analyse de la cour d'appel, estimant que celle-ci n’a pas démontré de manière évidente le caractère inapplicable de la clause compromissoire.
- Elle rappelle que l'inapplicabilité manifeste doit être clairement établie, le doute devant bénéficier à l'arbitrage.
- La Cour observe que la cour d'appel a utilisé des arguments insuffisants, notamment en s'appuyant sur la distinction entre obligations statutaires et contractuelles, sans examiner en profondeur le lien entre le litige et le protocole.
La Cour se réfère à l'article 1448 du Code de procédure civile, selon lequel les juridictions étatiques doivent se déclarer incompétentes lorsqu'un litige relève d'une convention d'arbitrage, sauf si celle-ci est manifestement nulle ou inapplicable.
Extrait de la décision :
« Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'État, celle-ci se déclare incompétente, sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. »
Extrait de la décision :
« En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir le caractère manifeste de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs.»
Points de droit et répercussions
- Priorité de l’arbitrage : L’arrêt illustre le principe selon lequel une clause compromissoire bénéficie toujours à l’arbitrage, sauf preuve évidente d’inapplicabilité ou de nullité.
- Encadrement des juridictions étatiques : Cet arrêt constitue un rappel important des limites imposées aux cours d’appel dans l’appréciation de l’applicabilité des clauses arbitrales.
- Sécurité juridique des clauses compromissoires : Cet arrêt consolide leur force, notamment dans le cadre des litiges sportifs ou associatifs.
Mots clés
Arbitrage, clause compromissoire, article 1448 CPC, compétence arbitrale, protocole d’accord, responsabilité des dirigeants, obligations statutaires, inapplicabilité manifeste, priorité de l’arbitrage, juridiction étatique.