24-86.596
Résumé
En bref
La Cour de cassation, chambre criminelle, a cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes (15 novembre 2024), estimant que la société mise en examen n'avait pas bénéficié du droit de s'exprimer en dernier lors des débats relatifs au maintien d'une saisie pénale, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du Code de procédure pénale. L'affaire est donc renvoyée devant la juridiction de réexamen, autrement composée.
En détail
Parties en cause
Les faits concernent la société [2], mise en examen pour des faits de complicité d'exercice illégal de l'activité d'agent sportif (notamment par des ressortissants d'États membres et non membres de l'Union européenne ou parties à l'EEE) et de blanchiment aggravé dans le cadre du transfert de joueurs de football professionnels. La Fédération Française de Football était partie civile devant la chambre de l'instruction.
Question juridique principale
Le litige porte sur le respect des droits procéduraux de la société mise en examen, précisément l'ordre des prises de parole à l'audience lors du débat sur le maintien d'une saisie pénale d'un montant de 546 600 euros. La question principale est de savoir si le droit d'avoir la parole en dernier, prévu à l'article 6 de la CEDH et à l'article 199 du Code de procédure pénale, a été respecté.
Exposé du litige, faits et arguments
Une information judiciaire a été ouverte pour des suspicions d’activités illégales autour du transfert de joueurs et de maniements de fonds considérés comme du blanchiment aggravé. Le juge d'instruction a ordonné une saisie pénale des sommes litigieuses sur les comptes de la société [2]. Cette dernière a interjeté appel, contestant tant le bien-fondé de la saisie que la régularité de la procédure, estimant notamment que son avocat n'avait pas eu, contrairement aux exigences légales, la parole en dernier lors des débats devant la chambre de l'instruction.
Analyse détaillée des motifs retenus par la Cour de cassation
Sur le fondement de l'article 6 de la CEDH et de l'article 199 du Code de procédure pénale, la Cour rappelle le principe selon lequel « devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doit avoir la parole le dernier ». L'intervention du conseil de la partie civile postérieure à celle de la défense, sans que cette dernière ait pu reprendre la parole à son issue, constitue une irrégularité procédurale portant atteinte aux droits de la défense.
La Cour relève que, selon les mentions de l'arrêt attaqué, l'ordre des interventions à l'audience s'est déroulé en entendant d'abord la présidente, puis le ministère public, ensuite l'avocat de la société mise en examen, et enfin l'avocat de la partie civile. Ces éléments ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que la société [2] a bien bénéficié de la faculté essentielle de s'exprimer en dernier, conformément à la garantie prévue par les textes. Ce manquement emporte la violation substantielle des droits reconnus par l'article 6 de la CEDH (droit à un procès équitable) et la procédure de l'article 199 du Code de procédure pénale.
En conséquence, la Cour prononce la cassation de l'arrêt attaqué dans toutes ses dispositions, sans examiner les autres moyens soulevés. La cause est renvoyée devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée.
Extrait de la décision :
« Il se déduit de ces textes que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doit avoir la parole le dernier. (…) Ces mentions (de l'arrêt) ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que les textes et principe ci-dessus rappelés ont été respectés. »
Points de droit et répercussions
- Le respect du contradictoire et du droit d'avoir la parole en dernier constituent une garantie fondamentale, particulièrement en matière de saisies pénales qui portent atteinte à la libre disposition des biens.
- La décision réaffirme l'exigence stricte du respect formel des droits de la défense devant la chambre de l'instruction, contrôle auquel la Cour de cassation se montre attentive.
- Cette jurisprudence confirme que toute atteinte, même formelle, à ce droit entraîne la nullité de la procédure subséquente, sans que la Cour ait à rechercher si l'irrégularité a effectivement causé un préjudice à la défense.
Mots clés
Droits de la défense, saisie pénale, agent sportif, exercice illégal, blanchiment aggravé, parole en dernier, article 6 CEDH, article 199 Code de procédure pénale, procédure pénale, cassation.