23-21.704
Résumé
En bref
La Première chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt du 3 septembre 2025 (n°23-21.704), a cassé partiellement la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant condamné deux assureurs (MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles) ainsi qu’un club de rugby à verser des provisions à un joueur et à la CPAM du Var, à la suite d'un accident sportif. Sur le fondement de l'article 835, alinéa 2 du Code de procédure civile, la Cour rappelle qu'une provision en référé ne peut être octroyée que si l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ce qui n’était pas le cas ici en raison de l'incertitude subsistant sur l’origine et l’ampleur du dommage cérébral du joueur, nécessitant une expertise judiciaire.
En détail
Parties impliquées et contexte du litige
Les sociétés MMA IARD (assureur du club) et MMA IARD assurances mutuelles, ainsi que l’association Club athlétique Raphaelo fréjusien rugby (CARF) ont formé un pourvoi contre l’arrêt du 16 mars 2023 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Les parties défenderesses à la cassation étaient M. D.F. (joueur blessé), la CPAM du Var, et la GMF assurances (assureur fédéral).
Le litige porte sur les conséquences d’un accident survenu à l’occasion d’un match de rugby le 5 mars 2017, où M. D.F., joueur licencié, a subi un malaise grave et des séquelles importantes après la détection d’un hématome sous-dural cérébral. Une expertise médicale demandée en référé devait déterminer l’origine et l’ampleur du saignement intracrânien.
Arguments et question juridique principale
Le joueur et la CPAM sollicitaient en référé l’octroi de différentes provisions, soutenant que les fautes du club (notamment en matière de suivi médical et de gestion de l’accident) rendaient leur créance certaine. Les assureurs et le club contestaient la nature non-sérieusement contestable de l’obligation, invoquant qu’une expertise judiciaire avait précisément été ordonnée pour établir l’imputabilité du dommage et le lien causal, laissant persister un doute sérieux.
La question centrale portait donc sur l’interprétation de l’article 835, alinéa 2 du Code de procédure civile : une créance à provision doit-elle être certaine et non sérieusement contestable, et la subsistance d’une nécessaire expertise exclut-elle cet octroi ?
Motivation de la décision
Sur le fondement de l’article 835, alinéa 2 du Code de procédure civile, la Cour rappelle que le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
La décision de cassation considère qu’en présence d’une incertitude sur l’origine et l’ampleur du dommage (en l’occurrence, sur l’hématome cérébral du joueur), révélée par la mission de l’expert désigné, l’existence et l’étendue de l’obligation d’indemniser demeuraient sérieusement contestées.
La cour d’appel avait certes retenu, pour allouer la provision, que des fautes du club étaient établies (défaut de réactivité, absence d’appel aux secours, défaut d’examen médical entre deux matchs rapprochés), mais cette approche ignorait que l’expertise portait sur la causalité même du dommage et des préjudices.
Extrait de la décision :
"En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de la mission confiée à l'expert, en l'absence de certitude sur l'origine et l'ampleur du saignement intracrânien, que l'obligation mise à la charge des assureurs était, en l'état, sérieusement contestable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision."
Dispositif et portée
Cette décision rappelle de manière stricte que l’attribution d’une provision en référé ne peut intervenir tant qu’il subsiste une contestation sérieuse – ce qui est, en matière d’accidents sportifs complexes, fréquemment le cas tant que l’expertise judiciaire n’a pas tranché la causalité.
Mots clés
Référé-provision, obligation non sérieusement contestable, contestation sérieuse, office du juge des référés, lien de causalité, responsabilité du club sportif, obligation de sécurité, expertise médicale, article 835 du code de procédure civile, cassation partielle.