2317381
Résumé
En bref
Le Tribunal administratif de Paris (1ère chambre, 11 juillet 2025, n° 2317381) a annulé la décision du président de la Fédération française d'athlétisme (FFA) interdisant à Mme Diouf, athlète transgenre, de participer aux compétitions féminines d'athlétisme au niveau national, régional et départemental. Sur le fondement de l'article 36.1 des statuts de la FFA, le Tribunal a retenu l'incompétence matérielle du président, seul le Bureau Fédéral disposant de cette compétence. La FFA est condamnée à verser 1 800 € au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
En détail
Parties en cause
La requérante est Mme Diouf, athlète transgenre civilement reconnue comme étant de sexe féminin, représentée par Me Clauzon. La défenderesse est la Fédération française d'athlétisme (FFA), représentée par Me Thevenet.
Problématique et question juridique principale
Le litige porte sur la légalité de la décision d'interdiction de participation aux compétitions féminines d'athlétisme prononcée à l'encontre d'une athlète transgenre. La question juridique principale concerne la compétence de l'organe fédéral ayant pris cette décision et, subsidiairement, la conformité de cette mesure aux principes d'égalité et de non-discrimination.
Exposé du litige, faits et arguments
Mme Diouf avait participé le 29 janvier 2023 aux championnats régionaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur en athlétisme, se classant deuxième aux épreuves du 60 et 200 mètres, ce qui lui permettait d'être qualifiée pour les championnats de France espoirs et nationaux. Ses résultats ont cependant été effacés et son nom retiré des listes de participants aux compétitions nationales. Le 13 avril 2023, le président de la FFA a déclaré dans une interview au journal Marianne qu'elle ne pourrait plus participer aux compétitions à partir du niveau régional, révélant ainsi l'existence d'une décision d'interdiction. Après échec de la conciliation devant le CNOSF, Mme Diouf a contesté cette décision en invoquant notamment l'incompétence de son auteur, l'absence de base légale, la violation des principes d'égalité et de non-discrimination.
Motivation de la décision
- Sur la recevabilité de la requête : Le Tribunal a d'abord écarté la fin de non-recevoir soulevée par la FFA. Bien qu'aucune décision expresse ou implicite de refus n'ait été formellement notifiée, le Tribunal a considéré que les propos tenus par le président de la FFA dans l'interview du 13 avril 2023 révélaient l'existence d'une décision implicite d'interdiction. Cette décision visait à produire des effets sur le territoire français que ne pouvaient prévoir les dispositions adoptées par la fédération internationale. Les propos du président, exprimant une position ferme de la FFA, ne pouvaient être analysés comme une simple déclaration d'intention ou communication d'informations relatives à la réglementation internationale.
- Sur l'incompétence matérielle : Sur le fondement de l'article 36.1 des statuts de la FFA, le Tribunal a rappelé que le Bureau Fédéral est l'instance exécutive de la FFA qui dirige la mise en œuvre de la politique fédérale et exerce l'ensemble des attributions que les textes règlementaires fédéraux n'attribuent pas à un autre organe. Le Tribunal a relevé que l'article 2.2.2 des règlements généraux de la FFA prévoit que les athlètes transgenres ayant connu une puberté masculine au-delà du stade 2 de l'échelle de Tanner ne sont pas autorisées à participer aux compétitions féminines. Cependant, aucun texte règlementaire fédéral applicable à la FFA ne confère au président la compétence pour refuser la participation d'une athlète aux compétitions féminines en application de cette disposition. La FFA ne contestant pas que la décision attaquée avait été prise par son président agissant seul, le Tribunal a conclu à l'incompétence matérielle de l'auteur de la décision.
- Sur les autres moyens : Le Tribunal n'a pas eu besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par la requérante, l'incompétence matérielle du président étant suffisante pour justifier l'annulation de la décision.
Extrait de la décision :
"Il ne résulte d'aucun texte règlementaire fédéral applicable à la FFA, et en particulier ni de ses statuts ni de son règlement intérieur, que son président dispose de la compétence pour refuser la participation d'une athlète aux compétitions féminines en application de l'article 2.2.2 des règlements généraux visé au point précédent."
Points de droit et répercussions
- Précision sur la répartition des compétences au sein des fédérations sportives entre le président et le bureau fédéral.
- Affirmation du principe de compétence d'attribution en matière fédérale sportive.
- Qualification juridique des déclarations publiques de dirigeants fédéraux comme pouvant révéler l'existence de décisions implicites.
- Reconnaissance de la recevabilité d'un recours contre une décision révélée par voie de presse.
- Impact sur la gestion des questions relatives à la participation des athlètes transgenres aux compétitions sportives.
Mots clés
incompétence matérielle, athlète transgenre, fédération sportive, décision implicite, bureau fédéral, compétitions féminines, article 36.1 statuts FFA, article 2.2.2 règlements généraux, recevabilité, annulation