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Résumé
En bref
Le Tribunal administratif de Paris rejette le recours formé par un président de ligue régionale de football contre la sanction de suspension prononcée à son encontre. La juridiction valide la décision de la commission supérieure d'appel de la FFF en retenant que l'inaction du dirigeant, qui a sciemment laissé le comité de direction s'immiscer dans les prérogatives exclusives de la commission régionale de l'arbitrage, constitue une faute disciplinaire. Ce comportement, contraire à son obligation de veiller au fonctionnement régulier des instances, méconnaît les principes d'exemplarité et d'indépendance édictés par la Charte d'éthique et de déontologie du football, annexée aux règlements généraux de la FFF.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : M. A... Teixeira, président de la ligue Centre - Val de Loire de football (requérant), et la Fédération Française de Football (FFF) (défenderesse).
- Problèmes juridiques principaux : Qualification de l'inaction d'un dirigeant en faute disciplinaire, articulation des compétences entre les organes d'une ligue (comité de direction vs. commission d'arbitrage), et appréciation du caractère proportionné d'une sanction de suspension.
- Question juridique principale : L'abstention délibérée d'un président de ligue, qui laisse son comité de direction débattre et tenter d'influencer la désignation des arbitres – prérogative exclusive d'une commission indépendante – constitue-t-elle une violation de ses obligations statutaires et éthiques justifiant une sanction disciplinaire ?
- Exposé du litige : M. Teixeira a été sanctionné par la FFF, non pour avoir exercé des pressions directes, mais pour s'être abstenu d'intervenir lorsque le comité de direction de sa ligue a débattu de la situation d'un arbitre en litige avec la structure. Le requérant conteste la sanction, arguant que 1️⃣ les faits ne sont pas matériellement établis, 2️⃣ son abstention était justifiée pour éviter un conflit d'intérêts et respecter le débat démocratique, et 3️⃣ la sanction est disproportionnée.
2. ANALYSE DES MOTIFS
Le tribunal administratif examine successivement les trois moyens soulevés par le requérant pour rejeter l'intégralité de sa requête.
A. Sur la matérialité des faits reprochés
Le tribunal écarte d'emblée ce moyen en opérant une distinction fondamentale. 🔍 Il relève que la commission supérieure d'appel de la FFF a elle-même écarté le grief de "pressions" directes. La faute retenue et sanctionnée est l'abstention du président lors des discussions du comité de direction. Or, le requérant admet lui-même s'être placé "en retrait" lors de ces débats. ✅ Le fait matériel fondant la sanction – l'inaction – est donc parfaitement établi et non contesté par l'intéressé. Le moyen est par conséquent jugé inopérant.
B. Sur l'erreur d'appréciation
Le requérant tentait de justifier son inaction par deux motifs : ❌ la volonté d'éviter un conflit d'intérêts et ❌ le respect du fonctionnement démocratique de son instance. Le tribunal rejette ces deux justifications en se fondant sur une analyse stricte des textes fédéraux. 1️⃣ Sur la violation des compétences et l'obligation de garantir le fonctionnement régulier Le juge administratif rappelle la répartition claire des compétences au sein de la ligue. Sur le fondement de l'article 33 des règlements généraux de la ligue et de l'article 5 du statut de l'arbitrage de la FFF, il est établi que la désignation des arbitres relève de la compétence exclusive de la Commission Régionale de l'Arbitrage (CRA), organe qui doit demeurer indépendant du comité de direction. Parallèlement, en vertu de l'article 15.3 des statuts de la ligue, le président "veille au fonctionnement régulier de la Ligue". En s'abstenant d'intervenir, le président n'a pas rempli cette obligation fondamentale et a permis une immixtion illégitime d'un organe dans les prérogatives d'un autre.
"Toutefois, il résulte des règlements généraux de la FFF et de la Ligue du Centre - Val de Loire de football précités que la désignation des arbitres pour toutes les rencontres organisées par la ligue est une prérogative de la seule commission régionale d'arbitrage, laquelle est indépendante du comité de direction de la ligue. En outre, le président de la ligue dirige les travaux du comité de direction, assure l'exécution de ses décisions et veille au fonctionnement régulier de la ligue. Par suite, en se mettant en retrait de ces discussions, M. Teixeira a permis un fonctionnement irrégulier des instances de la ligue (...)" (Décision, point 6)
➡️ La portée de ce raisonnement est majeure : l'argument de la prévention d'un conflit d'intérêts personnel ne saurait justifier la violation d'une règle de compétence organique fondamentale. Le devoir premier du président était de faire respecter les statuts et de garantir l'indépendance de la CRA, ce qu'il n'a pas fait. 2️⃣ Sur le respect du fonctionnement démocratique Le tribunal balaye également l'argument d'un prétendu respect du débat démocratique. 👨⚖️ Le juge rappelle que le principe démocratique ne peut servir de prétexte à la violation des règlements. Le comité de direction n'ayant statutairement aucune compétence en matière de désignation d'arbitres, un débat sur ce sujet constituait en soi un dysfonctionnement.
"D'autre part, si M. Teixeira soutient qu'il a souhaité, par son comportement, permettre le fonctionnement démocratique de l'instance qu'il dirigeait, il résulte des règlements précités que le comité de direction n'avait pas à se prononcer sur la question de la désignation des arbitres." (Décision, point 7)
✅ En conséquence, le tribunal conclut que la FFF n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que l'inaction du président constituait une méconnaissance des principes éthiques d'exemplarité et d'impartialité de la Charte d'éthique et de déontologie.
C. Sur le caractère disproportionné de la sanction
Le requérant invoquait plusieurs circonstances pour contester la proportionnalité de sa sanction de six mois de suspension (dont trois avec sursis) : ❌ son ancienneté, ❌ l'absence d'antécédents disciplinaires, ❌ l'absence de conséquences réelles pour l'arbitre concerné et ❌ les répercussions sur son mandat. ⚖️ Le tribunal rejette l'ensemble de ces arguments, rappelant la nature de son contrôle restreint en la matière. Il juge que ces circonstances personnelles sont sans incidence sur la légalité de la décision. La faute – avoir laissé s'installer sur plusieurs mois un dysfonctionnement grave portant atteinte à un principe cardinal du football, l'indépendance de l'arbitrage – justifiait la sanction prononcée.
"Si M. Teixeira fait valoir qu'il est licencié depuis longtemps, qu'il n'a jamais fait l'objet de procédure disciplinaire antérieurement (...) de telles circonstances sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. De même, M. Teixeira ne peut utilement invoquer la circonstance selon laquelle cette abstention n'aurait pas eu de conséquences sur la situation personnelle de l'arbitre en cause." (Décision, point 9)
➡️ Le juge estime que la sanction n'est pas manifestement disproportionnée au regard de la gravité du manquement aux devoirs d'un dirigeant, qui incarne l'exemplarité et doit être le garant du respect des règlements.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"Par suite, en se mettant en retrait de ces discussions, M. Teixeira a permis un fonctionnement irrégulier des instances de la ligue, dès lors qu'il a autorisé l'intervention du comité de direction de la ligue dans le processus de désignation des arbitres officiant pour la ligue, par le biais notamment d'un sondage mené auprès des membres du comité de direction sur le point de savoir si l'arbitre en cause devait continuer à être désigné comme arbitre." (Point 6 de la décision)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Qualification de l'inaction en faute disciplinaire : L'abstention d'un dirigeant sportif, lorsqu'elle conduit à la violation des statuts et des principes éthiques, constitue une faute disciplinaire positivement sanctionnable.
- 🔗 Primauté de l'obligation de faire respecter les règlements : Le devoir d'un président de garantir le fonctionnement régulier des instances et de préserver la séparation des compétences prévaut sur sa volonté personnelle d'éviter une situation de conflit d'intérêts.
- ⚖️ Indépendance des commissions spécialisées : La décision réaffirme avec force le principe de l'indépendance de la commission de l'arbitrage vis-à-vis des organes de direction politique, qui ne sauraient s'immiscer dans ses prérogatives exclusives.
- 👨⚖️ Portée du contrôle du juge sur les sanctions disciplinaires : Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur la proportionnalité de la sanction, ne censurant que l'erreur manifeste d'appréciation. Les circonstances personnelles du sanctionné sont, en principe, inopérantes pour apprécier la légalité de la sanction.
Mots clés
Faute disciplinaire, inaction, président de ligue, immixtion, comité de direction, commission régionale de l'arbitrage, indépendance de l'arbitrage, obligation de fonctionnement régulier, Charte d'éthique et de déontologie, erreur d'appréciation, sanction proportionnée, compétence exclusive.
NB : 🤖 résumé généré par IA