2024J00014
Résumé
En bref
Le Tribunal de commerce du Havre (14 mars 2025, n°2024J00014) a jugé prescrite et irrecevable la demande en paiement d'une commission d’agent sportif formée par un ancien agent licencié contre le club HAC – Athletic Club Football Association, se fondant principalement sur la clause contractuelle et l’article 2254 du Code civil fixant à un an la prescription des litiges relatifs au contrat. Monsieur [Y] [U] est condamné aux dépens et à 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La demande reconventionnelle du club pour préjudice moral est rejetée.
En détail
Parties en cause
Demandeur : Monsieur [Y] [U], ex-agent sportif puis salarié du HAC.
Défendeur : HAC – Athletic Club Football Association, club professionnel de Ligue 1.
Problématiques et questions juridiques principales
La question essentielle portait sur la prescription de l’action en paiement d’une commission d’agent sportif et sur la validité des demandes formées par l’ancien agent devenu salarié. Les points soulevés concernaient la nature échéante ou périodique de la créance, la régularisation de l’assignation et la possibilité pour le créancier personne physique d’agir pour une créance émise par la société.
Exposé du litige, faits et arguments
Monsieur [Y] [U], après avoir exercé comme agent sportif et conclu un contrat avec le HAC en 2021, a présenté une demande de paiement d’une commission forfaitaire prévue par ce contrat au titre de la prolongation d’un joueur. Après son embauche comme salarié du HAC en novembre 2021 (poste incompatible avec la fonction d’agent sportif, cf. article L.222-9 du Code du sport), il avait convenu avec le club de la suspension de sa licence et l’annulation des effets du contrat d’agent, stipulée dans son contrat de travail. Il n’a toutefois jamais signé d’avenant formalisant cette annulation.
Le HAC s’est opposé au paiement, invoquant la prescription annuelle selon l’article 8 du contrat – se référant à l’article 2254 du Code civil –, la caducité du contrat du fait de la suspension de la licence d’agent, ainsi que l’irrecevabilité de l’action au motif que la facture était juridiquement émise par la société de l’agent.
Plan et motivations de la décision
- Sur la nullité de l’assignation :
- Sur la prescription :
- Sur la recevabilité de la demande :
- Sur la demande reconventionnelle du HAC :
- Sur les dépens et frais irrépétibles :
Le Tribunal, sur le fondement des articles 54, 114 et 115 du Code de procédure civile, constate la régularisation des mentions manquantes dans l’assignation et l’absence de grief pour la défense. La demande est déclarée parfaitement recevable.
Le Tribunal souligne la volonté contractuelle des parties ayant fixé à un an le délai de prescription pour tout litige relatif à l’exécution du contrat (article 2254 du Code civil). Il indique que « le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance. » En l’espèce, la commission était exigible au 1er décembre 2021, l’action n’ayant été engagée que le 15 janvier 2024, soit bien au-delà du délai. Le Tribunal écarte l’argument de paiement périodique au sens du 3e alinéa de l’article 2254 du Code civil et le point de départ reporté au refus du club.
Extrait de la décision :
"En l'espèce, la date d'exigibilité de la Commission Forfaitaire n°2 est fixée par l'article 3.1 du Contrat au 1er décembre 2021. Or, Monsieur [U] a engagé son action le 15 janvier 2024, date à laquelle la prescription d'un an était acquise."
Le Tribunal retient que Monsieur [Y] [U] n’a pas la qualité pour agir au recouvrement d’une facture émise par une société dont il est distinct, sur le fondement des articles 32 et 122 du Code de procédure civile.
La demande de réparation du préjudice moral et réputationnel du HAC concernant la présentation erronée sur le CV LinkedIn du demandeur est rejetée. Le Tribunal considère que le lien de causalité et le caractère certain du préjudice ne sont pas établis.
Le demandeur, succombant à l’instance, est condamné aux dépens et à 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Points de droit et répercussions
- Affirmation du principe de force obligatoire de la prescription contractuelle annuelle pour les litiges d’agent sportif (article 2254 du Code civil).
- Précision du point de départ de la prescription à la date d’exigibilité de la créance, non au refus de paiement ou à la relance.
- Confirmation de l’importance du lien de qualité à agir pour le recouvrement d’une créance.
- Refus d’indemnisation pour préjudice moral sans preuve de l’atteinte réelle.
- Rappel de l’incompatibilité agent sportif/salarié d’un club (article L.222-9 du Code du sport).
Mots clés
prescription annuelle, agent sportif, commission d’agent, contrat à durée déterminée, qualité pour agir, caducité du contrat, article 2254 du Code civil, article L.222-9 du Code du sport, indemnisation pour préjudice moral, recevabilité de l’assignation