Source
Cour de cassation
Mise en ligne
November 28, 2024
Date du document
November 18, 2024
Accès
Accès gratuit
Catégories
JurisprudenceNational
Juridiction
TJ
Ref. / RG :
22/01556
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Résumé
En bref
Par un jugement rendu le 18 novembre 2024, le Tribunal judiciaire de Lille a rejeté les demandes d'une association sportive contestant un redressement de cotisations sociales de 43 094 € notifié par l'URSSAF Nord-Pas-de-Calais pour les années 2016 à 2018. La décision repose principalement sur deux points :
- La question de la validité du régime de franchise et d'assiette forfaitaire : Fondée sur l’arrêté ministériel du 27 juillet 1994, la circulaire interministérielle n°DSS/AAF/A1/94-60 du 28 juillet 1994 et l’article R.243-59-7 du Code de la sécurité sociale, le tribunal a conclu que l’association avait appliqué ce régime de manière incorrecte, notamment en dépassant les plafonds réglementaires et en appliquant à tort des exonérations à certaines fonctions non éligibles.
- L'absence de validité d'un accord tacite de l’URSSAF : L’association n’a pas démontré que ses pratiques avaient été examinées et validées lors d’un contrôle antérieur.
Le jugement a validé le redressement, confirmé la mise en demeure et condamné l’association à régler les sommes exigées.
En détail
Les parties impliquées
- Demanderesse : Une association sportive (identité anonymisée).
- Défenderesse : URSSAF Nord-Pas-de-Calais.
Chronologie des faits
- 2016-2018 : Années concernées par le redressement.
- 27 février 2019 : Début du contrôle de l'URSSAF.
- 11 juillet 2019 : Notification de la lettre d’observations.
- 8 octobre 2019 : Mise en demeure pour un montant total de 43 094 €.
- 6 novembre 2019 : Saisine de la commission de recours amiable (CRA) par l'association.
- 16 décembre 2019 : Refus de la CRA de lever le redressement.
- 14 février 2020 : Introduction du recours devant le tribunal.
- 16 septembre 2024 : Audience publique.
- 18 novembre 2024 : Jugement rendu.
Questions juridiques posées par la décision
- L’association avait-elle droit au régime de franchise et d’assiette forfaitaire prévu par l’arrêté ministériel du 27 juillet 1994 ?
- L’association pouvait-elle invoquer un accord tacite de l’URSSAF ?
- Le dépassement de la durée légale de contrôle justifiait-il l’annulation des redressements ?
- La mise en demeure et les chefs de redressement étaient-ils juridiquement valables ?
Analyse détaillée des questions juridiques
1. Validité du régime de franchise et d’assiette forfaitaire
- Cadre juridique :
- Article R.243-59-7 du Code de la sécurité sociale.
- Arrêté ministériel du 27 juillet 1994 (et la circulaire interministérielle n°DSS/AAF/A1/94-60 du 28 juillet 1994), précisant les plafonds et modalités applicables aux franchises et à l’assiette forfaitaire dans les associations sportives.
- Article 3 de l’arrêté : Les rémunérations excédant 115 fois le SMIC horaire doivent être soumises à cotisations dès le premier euro.
- Faits pertinents :
- L’association appliquait systématiquement le régime de franchise pour 5 manifestations sportives par mois, sans vérifier si les rémunérations mensuelles totales restaient sous le seuil de 115 SMIC horaires.
- Les fonctions de certains employés (entraîneur, technicien sportif) étaient exclues de l’assiette forfaitaire et pourtant exonérées par l'association.
- Raisonnement juridique :
- Le tribunal a constaté que l’association ignorait les plafonds légaux et appliquait des franchises de manière systématique, en violation des règles du 27 juillet 1994.
- Les inspecteurs ont relevé des montants indûment exonérés de cotisations à hauteur de 27 502 € en 2016, 26 968 € en 2017 et 24 715 € en 2018, notamment pour des fonctions non éligibles.
- L’association n’a présenté aucun élément réfutant les constats de l’URSSAF ni démontré qu’elle respectait les conditions requises par l’arrêté.
- Conclusion :
- Le régime de franchise et d’assiette forfaitaire a été mal appliqué. Les redressements sont validés.
Extrait de la décision :
« Les rémunérations excédant 115 fois le SMIC horaire sont obligatoirement soumises aux cotisations sociales dès le premier euro, conformément à l’article 3 de l’arrêté du 27 juillet 1994. »
2. Sur l’accord tacite de l’URSSAF
- Cadre juridique : Article R.243-59-7 du Code de la sécurité sociale.
- Faits pertinents : L’association a invoqué l’absence d’observations lors d’un précédent contrôle pour justifier un accord tacite.
- Raisonnement juridique : Aucun document n’a établi que les pratiques de l’association avaient été approuvées lors du précédent contrôle. L’absence de grief explicite ne constitue pas une validation tacite.
- Conclusion : L’argument est rejeté.
Extrait de la décision :
« Le silence gardé à l’issue d’un contrôle ne peut être interprété comme une validation en toute connaissance de cause. »
3. Durée maximale du contrôle URSSAF
- Cadre juridique : Article L.243-13 du Code de la sécurité sociale (contrôle de trois mois pour les entreprises de moins de 10 salariés).
- Faits pertinents : Le contrôle a duré 135 jours, mais l’association n’a subi aucun préjudice prouvé.
- Raisonnement juridique : Sans grief démontré, le dépassement de délai ne justifie pas l’annulation des redressements.
- Conclusion : Aucun impact sur le redressement.
Extrait de la décision :
« L’association ne justifie pas d’un grief lié au dépassement de la durée légale de contrôle. »
4. Sur la condamnation au paiement
- Cadre juridique : Article 1343 du Code civil.
- Faits pertinents : L’association n’a pas apporté la preuve du règlement des montants dus.
- Conclusion : Condamnation à payer le montant total de 43 094 €, majoré des pénalités de retard.
Extrait de la décision :
« Les chefs de redressement contestés sont confirmés, et la mise en demeure validée. »
Extrait principal significatif
« En appliquant à tort les franchises et assiettes forfaitaires prévues par l’arrêté du 27 juillet 1994, l’association ne saurait échapper aux cotisations dues. »
Points de droit importants et répercussions
- Les règles strictes sur les franchises et l'assiette forfaitaire imposent un contrôle rigoureux, notamment pour le dépassement des seuils légaux.
- Un silence de l’URSSAF lors d’un contrôle antérieur ne constitue pas une validation implicite des pratiques.
- Le dépassement de la durée légale du contrôle ne produit pas d’annulation sans preuve d’un préjudice actif.
Mots clés
Assiette forfaitaire, Franchise sportive, Redressement URSSAF, Article R.243-59-7, Arrêté du 27 juillet 1994, Cotisations sociales, Plafonds SMIC, Accord tacite, Durée du contrôle, Majorations de retard.