22/03042
Résumé
En bref
Le Tribunal judiciaire de Lille rejette les demandes en nullité des contrats d'agent sportif fondées sur les articles L. 222-12 et L. 222-17 du Code du sport, mais prononce la résolution judiciaire des conventions pour défaut de prestation d'intermédiation. Sur le fondement de l'article 1227 du Code civil, le tribunal condamne la SARL Pluton CP à restituer 796.659,20 euros au LOSC Lille, l'agent sportif n'ayant pas démontré avoir effectué une réelle mission de mise en rapport dans les transferts litigieux des joueurs professionnels.
En détail
Parties impliquées
Cette affaire oppose M. [W] [E], agent sportif, et la SARL Pluton CP, société d'intermédiation sportive, à la SA LOSC Lille, club de football professionnel. Le litige porte sur l'exécution de trois contrats d'agent sportif conclus les 22 et 24 juin 2019 concernant les transferts des joueurs [X] [D] et [A] [H] [L] [C].
Questions juridiques principales
Le tribunal devait trancher plusieurs questions fondamentales : premièrement, la validité des contrats d'agent sportif au regard des dispositions impératives du Code du sport ; deuxièmement, l'exécution effective des prestations d'intermédiation ; troisièmement, les conséquences juridiques du défaut de prestation sur les obligations de paiement et de restitution.
Exposé du litige et arguments des parties
Les contrats litigieux prévoyaient une rémunération de 10 % de l'indemnité de transfert pour les missions de mise en rapport et de 5 % du salaire brut fixe pour la négociation du contrat de travail du joueur [D]. Face au non-paiement des échéances, les demandeurs réclamaient 293.328,40 euros et des dommages-intérêts.
Les demandeurs soutenaient avoir exécuté leurs obligations contractuelles, les transferts ayant été réalisés selon les modalités prévues. Ils invoquaient une obligation de résultat et contestaient toute inexécution, rappelant que les premières factures avaient été honorées par le club.
La défenderesse opposait une demande reconventionnelle en nullité des contrats pour violation des articles L. 222-12 et L. 222-17 du Code du sport, alléguant que M. [W] [E] était simultanément préposé de plusieurs sociétés d'agents sportifs. Subsidiairement, elle invoquait l'exception d'inexécution sur le fondement de l'article 1219 du Code civil, soutenant l'absence totale d'actes d'entremise justifiant une rémunération.
Analyse des motifs de la décision
Sur les demandes en nullité des contrats
Concernant la violation de l'article L. 222-12 du Code du sport, le tribunal procède à une interprétation téléologique des dispositions législatives. Sur le fondement de l'article L. 222-12 alinéa 2 du Code du sport, qui interdit d'être préposé de plus d'un agent sportif, le tribunal retient que cette prohibition ne concerne que les salariés des agents sportifs et non les agents sportifs eux-mêmes dans l'exercice de leur activité pour plusieurs entreprises.
Le tribunal s'appuie sur les travaux parlementaires relatifs à l'adoption de ces dispositions, relevant que les parlementaires ont expressément distingué les agents sportifs de leurs collaborateurs. Cette analyse permet de constater qu'un consensus parlementaire s'était établi sur l'interprétation de l'article L. 222-8 du Code du sport autorisant un agent sportif à constituer plusieurs sociétés pour exercer son activité.
S'agissant de la violation de l'article L. 222-17 du Code du sport, le tribunal vérifie la conformité des contrats aux exigences formelles légales. Les conventions litigieuses stipulant le montant de la rémunération et le débiteur, elles comportent les mentions obligatoires requises pour leur validité. Le tribunal écarte le moyen de nullité fondé sur l'inexécution contractuelle, rappelant que la nullité sanctionne uniquement les contrats ne remplissant pas les conditions de validité, non leur mauvaise exécution.
Quant au moyen de nullité tiré de la fraude, invoqué sur le fondement de l'article 6 du Code civil, le tribunal considère que les seuls éléments produits - une plainte pénale et des allégations de simulation - ne suffisent pas à démontrer l'intention frauduleuse des contractants d'établir un faux en vue de faire naître un droit à rémunération sans prestation.
Sur l'exception d'inexécution et la résolution des contrats
Le tribunal développe une analyse contractuelle approfondie des obligations de l'agent sportif. Sur le fondement de l'article L. 222-7 du Code du sport, il rappelle que seule une personne physique détentrice d'une licence peut exercer l'activité de mise en rapport contre rémunération. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 8 février 2005, n° 02-12.859), l'agent sportif, intervenant en qualité de mandataire, doit prouver la bonne exécution de son mandat pour obtenir sa rémunération.
Le tribunal procède à une interprétation systématique des clauses contractuelles. Sur le fondement des articles 1188 et 1189 du Code civil, il analyse la commune intention des parties et la cohérence de l'acte. Les stipulations conditionnant le paiement au succès de la mission ne constituent pas des conditions suspensives au sens de l'article 1304 du Code civil, mais définissent les modalités d'ouverture du droit à rémunération.
L'examen des clauses révèle que les contrats prévoient expressément l'obligation pour l'agent de "contacter le club professionnel et de négocier" et de "rendre compte régulièrement au LOSC de l'avancée des négociations". Ces stipulations démontrent que le droit à rémunération nécessite une double condition : la réalisation du transfert selon les modalités prévues ET un rôle actif de l'agent dans cette réalisation.
Le tribunal constate l'absence totale de justificatifs de l'activité d'intermédiation de M. [W] [E]. Contrairement aux allégations des demandeurs selon lesquelles les négociations s'effectueraient exclusivement à l'oral, les éléments versés aux débats démontrent des échanges directs substantiels entre les dirigeants des clubs sans intervention manifeste de l'agent sportif. La production des communications entre M. [R] [J] (président du Stade Rennais) et M. [T] [Y] (président du LOSC) établit que les négociations du transfert de [X] [D] se sont déroulées sans intermédiation.
Sur le fondement de l'article 1227 du Code civil, le tribunal prononce la résolution judiciaire des trois conventions pour défaut de prestation. Cette résolution entraîne l'obligation de restitutions réciproques, conduisant à condamner la société Pluton CP à restituer la somme totale de 796.659,20 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, conformément à l'article 1352-7 du Code civil.
Extrait de la décision :
"Il résulte donc de ces stipulations que le droit à rémunération de l'agent est conditionné par des actes d'entremise et d'intercession et notamment le fait que M. [W] [E] ait réalisé un travail de mise en rapport et/ou de négociation ayant abouti au transfert du joueur professionnel ou à la signature de son contrat de travail."
Points de droit importants et répercussions
Cette décision précise l'interprétation des interdictions professionnelles prévues par le Code du sport, distinguant rigoureusement les obligations des agents sportifs de celles de leurs collaborateurs.
La décision établit par ailleurs un standard probatoire strict pour les agents sportifs réclamant leur rémunération. L'obligation de démontrer une intervention effective dans les négociations ne peut être présumée par la seule réalisation du transfert, même lorsque les conditions de succès définies contractuellement sont remplies.
Mots clés
Agent sportif, contrat d'intermédiation, Code du sport, résolution judiciaire, exception d'inexécution, obligation de prestation, mise en rapport, transfert de joueur, nullité contractuelle, restitutions réciproques
NB : 🤖 résumé généré par IA