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Résumé
En bref
Par une ordonnance du 26 septembre 2025, le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Nice rejette l'exception d'incompétence matérielle soulevée par une fédération sportive. La décision se fonde sur la distinction classique entre les actes relevant de la mission de service public et ceux relevant de la gestion interne d'une association. Le juge retient que la décision de non-reconduction d'un délégué de compétition, bien que prise par une fédération délégataire, ne constitue pas l'exercice de prérogatives de puissance publique. Par conséquent, le litige indemnitaire qui en découle relève de la compétence de l'ordre judiciaire et non de l'ordre administratif.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : Le litige oppose Monsieur [Z] [W], titulaire d'une licence sportive, à la , fédération sportive agréée et bénéficiant d'une délégation de service public pour la pétanque et le jeu provençal.
- Problèmes juridiques principaux : La controverse porte sur la nature juridique de la décision de non-renouvellement des fonctions d'un délégué de compétition et, par voie de conséquence, sur la détermination de l'ordre de juridiction compétent pour en connaître.
- Question juridique principale : La décision de non-reconduction d'un délégué par une fédération sportive délégataire relève-t-elle de l'exercice de prérogatives de puissance publique justifiant la compétence de l'ordre administratif, ou constitue-t-elle un acte de gestion interne relevant de la compétence de l'ordre judiciaire ?
- Exposé du litige :
- ❌ La fédération, défenderesse, soulève une exception d'incompétence matérielle, arguant que la gestion des officiels de compétition participe à l'exécution de sa mission de service public, conférant à la décision de non-renouvellement le caractère d'un acte administratif unilatéral.
- ✅ Le demandeur, M. [W], conteste cette analyse. Il soutient que cette décision relève d'un choix d'organisation interne de l'association, sans lien avec l'exercice de prérogatives de puissance publique, et que le litige indemnitaire qui en résulte ressortit donc à la compétence du juge judiciaire.
2. ANALYSE DES MOTIFS
Le Juge de la mise en état articule son raisonnement en deux temps : il tranche d'abord la question de compétence avant d'examiner la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
A. Sur l'exception d'incompétence matérielle
🔍 Le juge procède à une analyse rigoureuse des critères de répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction lorsqu'une fédération sportive est en cause. Il rappelle au préalable le principe fondamental de la compétence administrative. Sur le fondement de la jurisprudence relative aux personnes privées chargées d'une mission de service public, le juge énonce le critère de distinction essentiel : la compétence administrative est engagée uniquement lorsque l'entité associative met en œuvre des prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l'accomplissement de cette mission. Il exclut ainsi de ce champ les actes relevant de la gestion courante.
"La compétence du juge administratif est reconnue chaque fois qu'une association délégataire d'un service public fait usage des prérogatives de puissance publique qui lui étaient reconnues à cet effet. Elle ne s'étend pas en revanche à la légalité des actes de gestion courante, notamment dans les relations avec le personnel ou avec les tiers ou à la responsabilité du fait de ses actes."
➡️ Cette distinction est cardinale car elle circonscrit le contrôle du juge administratif aux seuls actes qui manifestent l'exercice d'une autorité exorbitante du droit commun, conférée par l'État. 👨⚖️ Appliquant ce critère aux faits de l'espèce, le juge analyse la nature des fonctions de délégué. Il constate que la nomination, et par extension la non-reconduction, des délégués relève des modalités de fonctionnement de la fédération en tant qu'association. Il en déduit que cette décision ne s'inscrit pas dans le cadre de l'exercice de la délégation de service public mais bien dans celui de son autonomie organisationnelle.
"La nomination des délégués au sein de ce Comité a trait à l'organisation et au fonctionnement interne de la fédération et ne concerne pas l'usage de prérogatives de puissance publique dans l'exercice de sa mission de service public."
✅ Il résulte de cette qualification que le litige, portant sur la réparation des préjudices prétendument subis du fait d'une décision de gestion interne, échappe à la sphère administrative. La compétence du tribunal judiciaire est donc confirmée.
B. Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
🔍 Le demandeur soutenait que l'introduction tardive de l'incident de compétence par la fédération constituait une manœuvre dilatoire engageant sa responsabilité. Le juge examine cette prétention au regard des conditions strictes de l'abus du droit d'agir en justice. Sur le fondement des articles 32-1 du Code de procédure civile et 1240 du Code civil, le juge rappelle que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus qu'en présence d'une intention malicieuse, d'une mauvaise foi ou d'une erreur grave assimilable au dol. Il souligne que la simple appréciation erronée de ses droits par une partie ne suffit pas à caractériser une faute.
"[...] l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol, mais l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'une faute."
⚖️ Procédant à une appréciation souveraine des faits, le juge estime que, bien que la saisine puisse paraître tardive, cet élément factuel est, à lui seul, insuffisant pour établir l'intention de nuire ou la mauvaise foi requise pour qualifier la procédure d'abusive. ❌ La demande de dommages et intérêts est par conséquent rejetée.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"La nomination des délégués au sein de ce Comité a trait à l'organisation et au fonctionnement interne de la fédération et ne concerne pas l'usage de prérogatives de puissance publique dans l'exercice de sa mission de service public."
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Qualification juridique : La décision relative à la nomination ou au non-renouvellement d'un délégué de compétition par une fédération sportive est qualifiée d'acte de gestion interne et non d'acte accompli dans l'exercice de prérogatives de puissance publique.
- 🔗 Critère de compétence juridictionnelle : La compétence de l'ordre administratif à l'égard d'une fédération sportive délégataire est subordonnée à la condition que l'acte litigieux ait été pris dans l'exercice des prérogatives de puissance publique qui lui sont conférées au titre de sa mission de service public. Les actes de gestion courante ou d'organisation interne relèvent de l'ordre judiciaire.
- ⚖️ Appréciation de la procédure abusive : L'abus du droit d'agir en justice, fondé sur l'article 32-1 du Code de procédure civile, exige la démonstration d'une faute caractérisée (malice, mauvaise foi, erreur grave). Le caractère tardif d'une exception de procédure ne suffit pas, à lui seul, à établir cet abus.
Mots clés
compétence matérielle, prérogatives de puissance publique, délégation de service public, fédération sportive agréée, ordre administratif, ordre judiciaire, acte de gestion interne, organisation interne, exception d'incompétence, procédure abusive.
NB : 🤖 résumé généré par IA