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Résumé
En bref
Le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris se déclare compétent pour connaître des actions en contrefaçon de marques, parasitisme et atteinte aux propriétés olympiques initiées par le CIO et le COJO contre une société chinoise. La décision articule plusieurs fondements de compétence : pour les marques de l'Union européenne du CIO, elle retient la notion d'"établissement" au sens de l'article 125, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, qualifiant le CNOSF de centre d'opérations du CIO en France. Pour le COJO, elle applique l'article 46 du Code de procédure civile (lieu du dommage) et le privilège de juridiction de l'article 14 du Code civil. ✅ Le tribunal accueille sa compétence, tout en la circonscrivant territorialement selon la nature des droits invoqués.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties impliquées : Le Comité International Olympique (CIO) et le Comité d'Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (COJO) en qualité de demandeurs, face à la société de droit chinois Inner Mongolia Yili Industrial Group Co. LTD (Yili) en qualité de défenderesse.
- Principaux problèmes juridiques : L'affaire porte sur la compétence internationale de la juridiction française pour statuer sur des faits de marketing d'embuscade (ambush marketing) commis en ligne et sur le territoire français, qualifiés d'atteintes aux propriétés olympiques, de contrefaçon de marques françaises et de l'Union européenne, et de parasitisme.
- Question juridique principale : La juridiction française est-elle compétente pour connaître des actions en contrefaçon et parasitisme intentées par le CIO (entité suisse) et le COJO (entité française) à l'encontre d'une société chinoise pour des faits liés aux Jeux Olympiques de Paris 2024, et quelle est l'étendue territoriale de cette compétence ?
- Exposé du litige : Le CIO et le COJO reprochent à la société Yili d'avoir mené une campagne de communication massive durant les Jeux Olympiques de Paris 2024, créant une association illicite avec l'événement. ❌ En défense, la société Yili soulève plusieurs exceptions d'incompétence, invoquant principalement une clause compromissoire, la compétence des juridictions chinoises et l'absence de lien de rattachement suffisant avec la France pour les faits commis en ligne. Elle conteste également la qualité et l'intérêt à agir des demandeurs.
2. ANALYSE DES MOTIFS
Le juge de la mise en état examine successivement les différents moyens soulevés par la défenderesse pour contester la compétence du tribunal.
A. Sur l'exception d'incompétence tirée de la clause compromissoire
Le juge écarte d'emblée l'application de la clause compromissoire stipulée dans un contrat de parrainage conclu en 2017 entre la société Yili et le comité d'organisation des Jeux d'hiver de Pékin 2022. ⚖️ Il retient une double motivation pour considérer cette clause comme manifestement inapplicable. Premièrement, le juge constate que ni le CIO ni le COJO ne sont parties à cet accord, rendant ainsi la clause inopposable aux demandeurs. Sur le fondement de l'article 1448 du Code de procédure civile, une convention d'arbitrage ne peut lier des tiers. Deuxièmement, il distingue l'objet du litige – des faits de nature délictuelle (contrefaçon et concurrence déloyale) – de l'exécution d'un contrat de parrainage. Le juge affirme ainsi son pouvoir d'interpréter un contrat, même soumis à une clause d'arbitrage, lorsque cette interprétation est nécessaire pour statuer sur un litige distinct qui relève de sa compétence.
"De plus, le présent litige porte sur des griefs de contrefaçon de marques et de la concurrence déloyale faits à la société Yili par des tiers à ce contrat et non de faits relevant de l'exécution de celui-ci." (Page 7 de la décision)
➡️ Il en résulte que l'exception d'incompétence fondée sur la convention d'arbitrage est rejetée, ouvrant la voie à l'examen des autres critères de compétence.
B. Sur la compétence du tribunal en matière de contrefaçon de marques
Le juge procède à une analyse distincte pour les marques de l'Union européenne et les marques françaises.
Pour les marques de l'Union européenne (CIO) 🔍 Le raisonnement se concentre sur l'interprétation de l'article 125, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne. Ce texte permet d'attraire un défendeur non domicilié dans l'UE devant les tribunaux de l'État membre où le demandeur a un établissement. Le juge adopte une interprétation extensive et autonome de la notion d'établissement, en ligne avec la jurisprudence de la CJUE. Il considère que le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), bien que juridiquement distinct, constitue un centre d'opérations réel et stable pour les activités du CIO en France, ce qui suffit à le qualifier d'établissement.
"Au cas présent, le titulaire des marques de l'Union européenne dont il est allégué la contrefaçon est une personne morale de droit suisse ; toutefois, elle dispose d'un représentant permanent en France en la personne de l'association Comité national olympique et sportif français (CNOSF) qui, s'il n'est pas une filiale, constitue néanmoins en France un centre d'opérations réel et stable de ses activités et répond à la notion autonome d'établissement au sens du règlement 2017/1001." (Page 8 de la décision)
➡️ Cette qualification est décisive : elle fonde la compétence pan-européenne du Tribunal judiciaire de Paris pour statuer sur les atteintes aux marques de l'UE du CIO, quel que soit le lieu de commission des faits au sein de l'Union.
Pour les marques françaises (COJO) ⚖️ Concernant les marques françaises détenues par le COJO, le juge applique le principe de territorialité. La compétence est fondée sur l'article 46 du Code de procédure civile, qui désigne la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle où le dommage a été subi. En matière de contrefaçon sur internet, le juge rappelle la jurisprudence constante selon laquelle le simple critère de l'accessibilité des contenus en ligne dans le ressort de la juridiction saisie suffit à établir sa compétence.
"Lorsqu'il ont été commis via internet, l'accessibilité des sites internet ou des comptes de réseaux sociaux dans le ressort de la juridiction saisie suffit à retenir la compétence de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué" (Page 8 de la décision)
➡️ La compétence du tribunal est donc reconnue, mais son pouvoir est strictement limité aux actes de contrefaçon commis sur le territoire français et à la réparation du préjudice subi en France.
C. Sur la compétence en matière de concurrence déloyale, parasitisme et atteintes aux propriétés olympiques
Ici encore, le juge distingue la situation du demandeur français de celle du demandeur étranger.
Pour le COJO Le juge retient la compétence des juridictions françaises sur le fondement de l'article 14 du Code civil. Ce texte instaure un privilège de juridiction au profit du demandeur de nationalité française, lui permettant de citer un étranger devant les tribunaux français pour des obligations contractées à l'étranger. Le juge rappelle que ce texte a une portée générale et s'applique en matière délictuelle.
"En vertu du privilège de juridiction édité par ce texte, les tribunaux français peuvent connaître de toutes les demandes du COJO du seul fait de sa nationalité." (Page 9 de la décision)
➡️ Ce fondement confère au tribunal une compétence générale pour l'ensemble des demandes du COJO en matière de parasitisme et d'atteintes aux propriétés olympiques.
Pour le CIO En l'absence de privilège de juridiction, le juge revient à l'article 46 du Code de procédure civile (lieu du dommage). Il constate que le CIO ne démontre pas que le centre de ses intérêts se situe en France. 🎯 Cependant, pour les faits litigieux spécifiques, qui se sont déroulés à l'occasion des Jeux de Paris 2024, le juge considère que le dommage allégué s'est matérialisé sur le territoire français.
"Cependant, il soutient que les faits allégués de parasitisme survenus à l'été 2024 se sont matérialisés à [Localité 4] à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 dont il est un organisateur." (Page 9 de la décision)
➡️ La compétence du tribunal est donc affirmée, mais, comme pour les marques françaises, elle est territorialement limitée aux seuls faits et préjudices survenus sur le territoire français.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"[le] Comité national olympique et sportif français (CNOSF) qui, s'il n'est pas une filiale, constitue néanmoins en France un centre d'opérations réel et stable de ses activités et répond à la notion autonome d'établissement au sens du règlement 2017/1001." (Page 8 de la décision)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Qualification d'établissement au sens du droit de l'Union européenne : La décision confirme qu'un comité national olympique peut être qualifié d'établissement du CIO au sens de l'article 125, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, sur la base d'une appréciation factuelle de son rôle en tant que centre d'opérations réel et stable, fondant ainsi une compétence pan-européenne.
- 🔗 Critère de l'accessibilité en ligne : Pour les atteintes aux droits de propriété intellectuelle sur internet, la simple accessibilité des contenus sur le territoire français suffit à fonder la compétence de la juridiction française sur le fondement de l'article 46 du Code de procédure civile (lieu de matérialisation du dommage).
- ⚖️ Articulation des chefs de compétence : L'ordonnance illustre l'application distributive des règles de compétence internationale en fonction de la nationalité du demandeur (application du privilège de juridiction de l'article 14 du Code civil pour le demandeur français) et de la nature des droits invoqués (principe de territorialité pour les marques nationales, compétence spéciale pour les marques de l'UE).
- 👨⚖️ Office du juge de la mise en état : La décision opère une distinction claire entre l'examen de la compétence, qui relève du juge de la mise en état, et l'appréciation des faits au fond (caractérisation de la faute, valeur probante des pièces), qui est renvoyée à la formation de jugement.
Mots clés
Compétence internationale, Marketing d'embuscade, Parasitisme, Contrefaçon de marque de l'Union européenne, Propriétés olympiques, Clause compromissoire, Article 14 du Code civil, Privilège de juridiction, Lieu du fait dommageable, Notion d'établissement.
NB : 🤖 résumé généré par IA
