23/00792
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Résumé
En bref
Le Tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a rendu une décision le 1er septembre 2025 déclarant Monsieur [Z] [Y] responsable exclusif d'un abordage maritime survenu le 26 mai 2021 entre deux voiliers lors de la régate "Mini en Mai". Sur le fondement de l'article L. 5131-3 du Code des transports et du règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM), le tribunal a écarté l'application de l'article L. 321-3-1 du Code du sport relatif à l'acceptation des risques sportifs, considérant que les règles spécifiques de la course prévalaient. La juridiction a condamné solidairement Monsieur [Y] et son assureur AXA France IARD à verser 13 388,40 € de dommages-intérêts à Madame [S] et à la MAIF.
En détail
Parties impliquées et contexte juridictionnel
Cette affaire oppose d'une part Madame [T] [V] [P] épouse [S], propriétaire du voilier "MOANA", et son assureur la MAIF, et d'autre part Monsieur [Z] [Y], propriétaire du voilier "ZEBULON-PORS DE PERROS", et son assureur AXA France IARD. Le litige porte sur un abordage maritime survenu le 26 mai 2021 à 6h00 lors de la régate "Mini en Mai" organisée par la société nautique de la Trinité sur mer.
Question juridique principale
La question juridique centrale consistait à déterminer le régime de responsabilité applicable à un abordage survenu lors d'une compétition nautique, et plus précisément si l'article L. 321-3-1 du Code du sport relatif à l'acceptation des risques sportifs devait prévaloir sur les règles maritimes spécialisées.
Exposé du litige et arguments des parties
La MAIF, subrogée dans les droits de son assurée, demandait le remboursement des sommes versées au titre de l'indemnisation, soit 12 908,40 € ainsi que la franchise de 480 €, soutenant que l'abordage résultait de la faute exclusive de Monsieur [Y]. Les demandeurs invoquaient une violation du règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM) et de l'article L. 5131-3 du Code des transports.
AXA France IARD opposait principalement l'application de l'article L. 321-3-1 du Code du sport, introduit par la loi du 12 mars 2012, qui dispose que "les pratiquants ne peuvent être tenus pour responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d'une chose qu'ils ont sous leur garde" lors d'une pratique sportive. À titre subsidiaire, la défenderesse sollicitait un partage de responsabilité n'excédant pas 50%.
Motivation et raisonnement juridiques du tribunal
Sur le régime de responsabilité applicable
Le tribunal a d'abord écarté l'application de l'article L. 321-3-1 du Code du sport invoqué par la défense. Sur le fondement de l'article 1102 du Code civil, la juridiction a considéré que "ce principe légal commun à toutes les disciplines sportives indistinctement ne peut être retenu en l'espèce en ce que les propriétaires des deux voiliers impliqués participaient à une course et avaient accepté le règlement de cette course"
Le tribunal a précisé que l'article du Code du sport "n'est pas soutenu être d'ordre public" et qu'il était donc "possible d'y déroger par des dispositions spéciales". Les instructions de course prévoyaient expressément l'application du règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM) en sa section B II entre le coucher et le lever du soleil.
Sur le fondement des articles L. 5131-1 à L. 5131-7 du Code des transports, le tribunal a rappelé le régime spécifique applicable aux abordages maritimes. Sur le fondement de l'article L. 5131-3 du Code des transports, "si l'abordage est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise".
Sur l'établissement de la responsabilité
Le tribunal a analysé minutieusement les éléments de preuve, notamment le rapport d'expertise contradictoire établi par Monsieur [U] [R] le 30 octobre 2021, ainsi que le rapport du jury de course du 28 mai 2021 qui avait infligé une pénalité de 2 heures à Monsieur [Y].
Sur le fondement de la règle 12 du RIPAM, le tribunal a déterminé que "lorsque deux navires à voile s'approchent l'un de l'autre de manière à faire craindre un abordage, celui qui reçoit le vent de bâbord doit s'écarter de la route de l'autre" lorsque les navires reçoivent le vent d'un bord différent.
L'analyse factuelle révélait que le voilier de Madame [S] naviguait bâbord amure quand son pilote automatique a procédé à un virement, la collision s'étant produite alors qu'elle naviguait tribord amure. Le tribunal a conclu que "l'abordage résulte exclusivement d'une faute commise par Monsieur [Y], sans qu'il y ait lieu de retenir une faute concomitante de Madame [S]".
Sur l'évaluation des dommages
Sur le fondement du rapport d'expertise du 30 octobre 2021 et des justificatifs produits, le tribunal a retenu un montant total de dommages de 13 388,40 €, correspondant aux "désordres situés à bâbord avant" et au "coût total des prestations et des travaux de remise en état".
Extrait de la décision :
“Il ne peut qu'être déduit des croquis de présentation de l'incident réalisés par les parties, de leurs déclarations ainsi que du rapport du jury que le voilier de Madame [S] naviguait à bâbord amure lorsque son pilote a procédé à une manœuvre occasionnant un virement de bord, et que ce virement de bord avait été effectué bien avant la collision qui s'est produite lorsqu'elle naviguait tribord amure".
Mots clés
Abordage maritime, règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM), Code des transports, article L. 5131-3, Code du sport, article L. 321-3-1, acceptation des risques sportifs, responsabilité exclusive, subrogation, voiliers, régate, bâbord amure, tribord amure, expertise contradictoire, jury de course